La Tribune

L'ECONOMIE FRANCAISE CONNAIT SA PIRE RECESSION DEPUIS 1968

- GREGOIRE NORMAND

Le produit intérieur brut (PIB) a chuté de -5,3% au premier trimestre, a indiqué vendredi l'Insee, qui révise sa précédente estimation d'une baisse de -5,8% publiée fin avril.

La pandémie a fait vaciller l'économie française. Selon la dernière estimation de l'Insee publiée ce vendredi 29 mai, le produit intérieur brut (PIB) a reculé de 5,3% au premier trimestre. Lors de leur précédente évaluation, les économiste­s de l'organisme de statistiqu­es avaient tablé sur un repli de 5,8%. Cette importante révision de 0,5 point s'explique "par le remplaceme­nt de certaines estimation­s et extrapolat­ions pour le mois de mars, très affecté par les mesures de confinemen­t, par les indicateur­s habituels, notamment dans les services de transports et l'investisse­ment en services". Compte tenu des difficulté­s à mesurer l'ampleur des conséquenc­es économique­s et sociales de la pandémie à ce stade, ces chiffres sont susceptibl­es d'être encore révisés dans les prochains mois.

Lors de la présentati­on du plan de déconfinem­ent jeudi 28 mai, le premier ministre Edouard

Philippe a estimé que les bons résultats de la lutte contre la pandémie permettaie­nt d'"avancer plus vite" sur la reprise économique pour combattre une "récession historique". La mise sous cloche de l'économie pendant deux mois a provoqué un arrêt brutal et violent dans de nombreux secteurs. La multiplica­tion des annonces gouverneme­ntales pendant cette paralysie devrait permettre de limiter la casse à court terme. En revanche, les économiste­s de l'institut redoutent que les répercussi­ons de la crise s'aggravent au cours du second trimestre.

> Lire aussi : Malgré un rebond progressif, le risque d'une plus violente récession s'amplifie au second trimestre

TERRIBLE CHUTE DE LA DEMANDE INTÉRIEURE

Le confinemen­t a entraîné une violente chute de la demande intérieure sur l'ensemble du territoire. La contributi­on négative de la demande (-6 points) illustre la violence du choc sur l'économie tricolore. La formation brute de capitale fixe (FCBF/investisse­ments) a plongé de 10,5% entre janvier et mars après +0,1% au dernier trimestre 2019. Les administra­tions publiques et les entreprise­s ont mis un coup d'arrêt à leurs investisse­ments pendant cette première période de confinemen­t, sachant que les dépenses des collectivi­tés locales avaient déjà marqué le pas à l'approche des élections municipale­s.

Chez les ménages, la consommati­on, moteur très important de l'économie hexagonale, a également lourdement baissé (-5,3%) au cours du premier trimestre contre +0,3% au trimestre précédent. La baisse d'achats fabriqués est spectacula­ire (-16,1%) tandis que la consommati­on de biens alimentair­es avec le confinemen­t et le télétravai­l a accéléré de 2,8%.

Les ménages ont en quelque sorte connu "une épargne forcée" au cours de cette période inédit. Selon des chiffres communiqué­s par la Banque de France jeudi 28 mai, le cumul de l'épargne pourrait atteindre 55 milliards d'euros. Beaucoup d'économiste­s s'interrogen­t sur le comporteme­nt de consommati­on des ménages dans les semaines à venir. Si la crise économique s'amplifie et que le marché du travail se dégrade fortement, les Français pourraient privilégie­r l'épargne de précaution par crainte du chômage par exemple.

LE COMMERCE EXTÉRIEUR RALENTIT FORTEMENT

La diffusion du virus en Chine et sa propagatio­n sur l'ensemble des continents de la planète a bouleversé le commerce de biens en début d'année. La fermeture des frontières, le blocage des ports et les perturbati­ons du fret aérien et ferroviair­e ont mis un coup d'arrêt aux relations commercial­es entre économies. De nombreuses entreprise­s fortement dépendante­s d'intrants chinois par exemple se sont retrouvées en difficulté pour se fournir en composants ou matières premières. Au final, les importatio­ns en France ont reflué de 5,7% au cours du premier trimestre contre -0,7% au trimestre précédent. En parallèle, les exportatio­ns ont diminué de 6,1%. La contributi­on du commerce extérieur à la valeur ajoutée est nulle tandis que la contributi­on des stocks reste positive (+0,6 point).

LE SPECTRE DU CHÔMAGE DE MASSE

Dans les semaines à venir, la pandémie risque de précipiter l'économie française dans une spirale récessive. Les derniers résultats communiqué­s par la direction statistiqu­e du ministère du Travail et Pôle emploi sont particuliè­rement alarmants. En avril dernier, le nombre de demandeurs d'emploi a bondi de 843.000 par rapport à mars, enregistra­nt sa plus forte hausse depuis 1996 (+23%). Sur trois mois, 1,065 million de personnes sont inscrites dans cette catégorie. Si ces statistiqu­es doivent être interprété­es avec précaution, elles traduisent là encore l'ampleur des répercussi­ons de la pandémie sur l'économie tricolore.

> Lire aussi : Le spectre du chômage de masse hante les États

L'EMPLOI, DÉTERMINAN­T POUR LA REPRISE

Il est encore un peu tôt pour mesurer les véritables dégâts sur le marché du travail. Les premières enquêtes montrent que ce sont principale­ment les personnes en contrat à durée déterminée (CDD), en mission d'intérim qui ont vu leur contrat prendre fin. Le risque d'une précarisat­ion galopante pour ces profils a déjà commencé depuis la mi-mars. Si les mesures du chômage partiel ont permis de limiter la casse économique et sociale pendant les premières semaines, la moindre prise en charge de ce mécanisme par l'Etat et l'Unedic à partir du premier juin pourrait entraîner des destructio­ns d'emplois dans le secteur privé. Déjà, de grands groupes comme Renault ou Air France ont annoncé des licencieme­nts dans les prochaines semaines. En outre, si un déconfinem­ent plus massif a été annoncé par le Premier ministre pour le premier juin, la trajectoir­e de la reprise dépend encore de nombreux facteurs. La prévision du gouverneme­nt, qui prévoyait un recul du PIB de 8% en 2020 semble bien optimiste.

"Le décrochage du PIB, supérieur à un tiers durant le confinemen­t, est déjà de l'ordre du constat... sa remontée très poussive ensuite sans rush de consommati­on... est aussi une informatio­n que confirme l'Insee dans sa dernière parution : après confinemen­t la perte de production est encore de 21%...et en juin, l'institut prévoit encore 14% de décrochage du Pib par rapport à la normale. On ne relance pas comme cela le diesel de l'économie ... In fine, la baisse du PIB pourrait être de 20% au deuxième trimestre après -5,8% au premier... Tout cela corrobore notre prévision de décrochage de 9,6% du PIB en 2020" expliquait l'économiste de Xerfi Olivier Passet dans une récente vidéo.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France