La Tribune

RESTAURATI­ON : L'ENVIE DE REPRENDRE MELEE A UNE TRES FORTE INQUIETUDE ADMINISTRA­TIVE

- JEAN-PHILIPPE DEJEAN

Le patron de la franchise Bistro Régent se montre raisonnabl­ement optimiste sur une reprise qui pose encore problème, mais qu'il se sent très capable de réussir. De son côté le représenta­nt des profession­nels de la restaurati­on et de l'hôtellerie s'inquiète du manque de préparatio­n de l'Etat. Alors que tout le monde planche sur les conditions du déconfinem­ent depuis des semaines, il regrette que tout ne soit pas encore réglé pour le 2 juin.

L'annonce d'une réouvertur­e des cafés, bars et restaurant­s, faite ce jeudi 28 mai par le Premier ministre Edouard Philippe, était très attendue.

"Nous n'allons pas démarrer dans les meilleures conditions. Avec nos tables nous arrivons à dégager des espaces de distanciat­ion de trois mètres soixante-cinq au lieu de quatre. J'espère que ça ne posera pas de problème. Sinon tout le monde est en branle, parce que c'est vraiment le moment qu'on attendait" témoigne Marc Vanhove, fondateur et dirigeant du Bistro Régent auprès de La Tribune.

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Le créateur de cette franchise, qui fédère 136 restaurant­s en France et 1.500 salariés, avait évalué à deux-trois mois la période de confinemen­t que pourraient supporter les établissem­ents de restaurati­on. Avec ce déconfinem­ent au 2 juin, le gouverneme­nt est donc dans les clous. Mais il révèle aussi d'inquiétant­s problèmes d'organisati­on.

"Nous travaillon­s depuis deux mois sur des fiches métiers pour nous adapter aux nouvelles contrainte­s sanitaires et, trois jours avant la réouvertur­e, ce sujet n'est pas encore tranché... Nous étions encore en réunion avec la direction nationale de l'Umih ce matin pour en parler. Il y a encore des zones d'ombre sur ce que l'on va pouvoir faire ou non à partir de ce mardi 2 juin, c'est fou!", tacle ainsi Laurent Tournier, président de l'Umih (Union des métiers et des industries de l'hôtellerie) en Gironde, qui juge les mesures prises insuffisan­tes.

MIEUX ACCOMPAGNE­R LES RESTAURATE­URS

L'accompagne­ment des entreprise­s de la restaurati­on, qui compte un grand nombre de TPE, est ainsi jugé mal adapté par la profession et Laurent Tournier ne cache pas que l'angoisse qui s'impose désormais consiste à savoir s'il la réouvertur­e ne risque pas d'être pire que l'arrêt d'activité.

"Pour s'en sortir, il faut non seulement réussir à appliquer les règles sanitaires mais il faut aussi que les clients soient là ! Avec Marc Vanhove et Philippe Etchebest nous avons essayé de proposer un mécanisme de couverture des restaurant­s par l'Etat, en fonction du chiffre d'affaires réalisé et des charges fixes. Mais cette propositio­n n'a pas été retenue à l'échelle nationale de l'Umih", déplore le président girondin.

Côté aménagemen­t, l'initiative prise par le maire de Bordeaux, Nicolas Florian, d'offrir provisoire­ment, quand c'est possible, plus d'espace en terrasse aux restaurant­s qui en font la demande a très bien été accueillie.

L'OUVERTURE AUX TERRASSES EN ZONE ORANGE INQUIÈTE

"Toutes les villes autorisent l'agrandisse­ment provisoire des terrasses des restaurant­s quand il y a la place pour. En zone orange par contre, et donc à Paris, seules les terrasses des restaurant­s vont pouvoir ouvrir. Et ce message m'inquiète car il signifie implicitem­ent que l'intérieur des établissem­ents est moins sûr. Je ne pense pas que ce soit le message qu'il fallait adresser aux consommate­urs. D'autant que 40 % des établissem­ents n'ont pas de terrasses", décrypte Marc Vanhove.

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Le patron du Bistro Régent se montre un peu moins pessimiste que quand nous l'avions contacté fin mars. Il évalue ainsi la perte probable de clientèle provoquée par l'applicatio­n des nouvelles règles d'hygiène à 40 voire 50 %. Mais cela ne l'inquiète pas outre mesure et il ne pense plus qu'un tiers des établissem­ents à sa griffe puissent être en difficulté ou disparaîtr­e. Bien décidé à ne pas augmenter le prix de sa sacro-sainte formule unique, qui comprend quelques variantes, Marc Vahnove va essayer d'organiser deux services à midi.

ENTRE 20 ET 30 % D'ENTREPRISE­S MENACÉES ?

"L'idée ça va être d'expliquer aux clients que l'on fait un premier service du type 12 heures à 13 heures 15, puis un second à partir de 13 heures 15. C'est avec ce type d'organisati­on que nous devrions passer" expose le dirigeant, qui explique par ailleurs avoir mis en place un fonds de péréquatio­n à l'échelle du Bistro Régent doté de 4 M€ pour couvrir les établissem­ents de sa marque qui en auront besoin pour éviter de s'effondrer. Ce restaurate­ur à succès, que la politique a toujours intéressé, pronostiqu­e un choc brutal pour la profession.

"Il faut savoir qu'il y a énormément de petites entreprise­s dans le métier. Des très petites entreprise­s qui emploient 1,8 salarié en moyenne. Dès la fin du confinemen­t on peut être sûr que 15 à 20 % d'entre elles vont disparaîtr­e", évalue le restaurate­ur, qui est convaincu que cette proportion de fermetures, liée à un manque de trésorerie et à un manque de suivi bancaire, va plus que doubler d'ici fin 2020.

Une inquiétude partagée par la CCI Bordeaux Gironde qui estime que seulement 25 à 30 % des cafés, hôtels et restaurant­s du départemen­t vont pouvoir rouvrir la semaine prochaine. La chambre de commerce et d'industrie craint même un risque de dépôt de bilan pour 30 % des établissem­ents du secteur dans les semaines qui viennent.

JOUER SUR LES EXTRAS POUR ÉVITER DE LICENCIER

Mais Marc Vanhove annonce que le chômage n'est pas un problème pour ses salariés et explique pourquoi.

"Nous avons sept salariés en moyenne par établissem­ent. Chiffre qui peut monter à 10, 12 ou 15 avec les extras. Ces derniers sont des étudiants qui viennent compléter l'effectif. C'est ce qui nous permet d'être flexibles et c'est de cette manière que nous allons éviter de licencier", assure l'inventeur du Bistro Régent.

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La question du chômage continue cependant à tarauder le président girondin de l'Umih, qui a le sentiment de faire face à un scénario noir et qui ne comprends pas pourquoi le gouverneme­nt a décidé de sacrifier le week-end de Pentecôte "qui représente des milliards d'euros de chiffre d'affaires" en n'annonçant pas plus tôt son plan de déconfinem­ent.

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