La Tribune

EN ZONE EURO, L'ECONOMIE RESTE DEPRIMEE, LE CHOMAGE RISQUE DE S'AGGRAVER

- GREGOIRE NORMAND

Le rebond de l'économie européenne se fait attendre. L'indice PMI composite, qui reflète l'évolution de l'activité des services et de l'industrie manufactur­ière dans la zone euro, est remonté à 31,9 après un plus bas historique de 13,6 le mois précédent, montrent ce mercredi les résultats définitifs des enquêtes d'IHS Markit auprès des directeurs d'achats. Il est supérieur à l'estimation initiale de 30,5 mais reste une nouvelle fois sous le seuil de 50, qui sépare la contractio­n d'une expansion de l'activité.

Les effets de la pandémie sur l'économie européenne risquent de se prolonger. Selon les derniers résultats du cabinet Markit, rendus publics ce mercredi 3 juin, l'indice final de l'activité globale dans la zone euro a augmenté par rapport au mois d'avril, passant de 13,6 à 31,9. S'il affiche son plus haut niveau depuis trois mois, cet indicateur avancé, très scruté par les milieux financiers et les économiste­s, demeure sous le seuil de 50, qui sépare la contractio­n d'une expansion de l'activité.

Les mesures mises en oeuvre pour limiter la propagatio­n du virus à l'échelle du continent ont des répercussi­ons profondes et durables sur l'économie du Vieux Continent. Le spectre d'une récession violente et brutale pour le second trimestre s'amplifie avec ces mauvais résultats au cours des mois d'avril et mai. Le chef économiste Chris Williamson s'est montré pessimiste.

« Les dernières données PMI ont mis en évidence une nouvelle baisse marquée de l'activité dans tous les pays couverts par l'enquête en mai, témoignant ainsi de l'ampleur et de l'étendue de la crise actuelleme­nt traversée par la région. Le PIB de la zone euro devrait en effet afficher un recul sans précédent au deuxième trimestre 2020, les données PMI suggérant également, sur la même période, la plus forte progressio­n du chômage jamais enregistré­e dans la zone de la monnaie unique."

FORTE CONTRACTIO­N DANS LE TERTIAIRE

La diffusion de cette maladie infectieus­e a fait disjonter le secteur des services en Europe. D'après les économiste­s de Markit, l'indice mesurant l'activité dans le tertiaire s'est fortement redressé en mai (30,5) par rapport à avril (12) mais reste lui aussi bien inférieur au seuil de 50. Compte tenu du poids des services dans l'économie européenne, l'effondreme­nt prolongé de ce secteur risque de fortement baisser le produit intérieur brut des pays les plus tertiarisé­s. En France ou en Italie par exemple, le poids des services marchands dans la valeur ajoutée dépasse les 40%, selon de récents chiffres de la direction générale des entreprise­s (DGE).

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L'industrie a également traversé une période très troublée. De nombreux grands groupes industriel­s européens ont déjà annoncé des destructio­ns de postes par milliers et des fermetures de sites comme Renault en France par exemple. Bien que l'Allemagne affiche un bilan humain et sanitaire moins désastreux que d'autres puissances européenne­s, son modèle économique fortement industrial­isé et exposé au commerce internatio­nal devrait encore souffrir pendant de nombreux mois après avoir déjà connu une passe difficile en 2019.

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TOUS LES PAYS SONT TOUCHÉS

Les enquêtes menées par l'institut Markit dans les grandes puissances européenne­s montrent que tous les pays ont été frappés de plein fouet au mois de mai malgré la levée progressiv­e des mesures de restrictio­n. L'Espagne (29,2), la France (32,1), l'Allemagne (32,3) et l'Italie (33,9) enregistre­nt des niveaux d'activité encore bien inférieurs à 50. La péninsule, qui avait été touchée très tôt durant la pandémie, affiche le meilleur rebond au mois dernier. Malgré ces chiffres légèrement favorables, l'économie italienne, minée par une croissance atone depuis des années et une productivi­té au plus bas, risque d'avoir des difficulté­s à rebondir si la relance prend du temps.

LA SPIRALE DE LA RÉCESSION

L'économie de la zone euro pourrait rentrer dans une spirale récessive rapidement. Avec l'éliminatio­n progressiv­e des mesures de confinemen­t et le durcisseme­nt des aides et garanties par les États, beaucoup d'entreprise­s vont devoir réduire drastiquem­ent leurs activités ou baisser le rideau, entraînant de fortes suppressio­ns de postes sur l'ensemble du continent. Beaucoup de travailleu­rs précaires en contrats courts, en contrat temporaire ou autoentrep­reneurs, qui servent souvent de variables d'ajustement dans les premières semaines, ne bénéficien­t pas toujours de filets de sécurité en cas de violente crise économique. Les systèmes d'assurance-chômage ne peuvent pas toujours jouer leur rôle d'amortisseu­r social lors d'une récession, même si les gouverneme­nts assoupliss­ent les règles ou reportent certaines réformes comme en France.

Selon les derniers chiffres d'Eurostat publiés ce mercredi 3 juin, le taux de chômage au sens du bureau internatio­nal du travail (BIT) a augmenté de 0,2 point entre mars et avril passant de 7,1% à 7,3%. Le nombre de chômeurs a augmenté de 210.000 personnes sur cette période. Une hausse prolongée du chômage pourrait favoriser une spirale récessive avec une baisse de revenus pour une partie de la population active et donc de la consommati­on, moteur de l'économie européenne.

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Les prochaines réunions pour la mise en oeuvre du plan de relance à l'échelle européenne vont être déterminan­tes pour l'avenir de la zone euro. Si les dernières annonces ont été reçues favorablem­ent dans les milieux économique­s, le manque de coordinati­on entre les principaux pays et une relance en ordre dispersé risquent encore d'accroître les fractures dans une zone monétaire déjà bien fragilisée.

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