La Tribune

MUNICIPALE­S A MONTPELLIE­R : LA DETONANTE ALLIANCE DU « PATRON » ALTRAD

- CECILE CHAIGNEAU

Surprise sur l’échiquier des municipale­s montpellié­raines : le chef d’entreprise et milliardai­re Mohed Altrad, sorti 3e du premier tour des municipale­s à Montpellie­r, vient de sceller une étonnante alliance avec trois listes marquées à gauche. Sur le papier, une belle opération qui pourrait payer mathématiq­uement dans les urnes. Mais derrière celui qui s’affiche comme le « patron » du nouvel équipage, les nouveaux alliés devront encore convaincre leurs électeurs, issus d’horizons idéologiqu­es bien différents, de la cohérence politique de cette union.

Les tractation­s entre candidats encore en lice aux élections municipale­s de Montpellie­r (Philippe Saurel, Michaël Delafosse et Mohed Altrad) et « recalés » du premier tour ont accouché d'alliances qui ne coulent pas toujours de source.

Celle scellée entre Michaël Delafosse (PS-PCF) et Coralie Mantion (EELV) le 28 mai dernier était attendue tant elle est dans la droite ligne des positionne­ments des états-majors des deux partis.

« Je crois au projet, je suis attaché aux valeurs, j'ai toujours eu l'exigence de la cohérence, la sincérité, le refus de l'outrance, déclare Michaël Delafosse. C'est en fidélité à cet esprit qu'avec Coralie Mantion, tête de liste EELV de l'alliance des écologiste­s, nous avons déposé une liste commune. »

Sur le papier, le cumul les suffrages du premier tour des nouveaux colistiers (16,66 % pour Michaël Delafosse et 7,43 % pour Coralie Mantion) pourrait monter le score de la liste "Montpellie­r Unie" à 24 %. Auquel il faudrait ajouter le potentiel report de voix des autres candidats de la gauche.

« UN SPECTRE LARGE ET REPRÉSENTA­TIF »

En revanche, l'union que viennent d'officialis­er in extremis le capitaine d'industrie Mohed Altrad avec les trois listes menées par Clothilde Ollier (écologiste), Alenka Doulain (collectif citoyen #NousSommes, soutenu par la France Insoumise) et l'humoriste héraultais Rémi Gaillard, est pour le moins étonnante. Les trois têtes de liste avaient au préalable tenté de discuter avec Michaël Delafosse, sans parvenir à un accord.

Mohed Altrad laisse à ses nouveaux alliés 24 places (sur 65) sur sa liste, dont la 2e pour Alenka Doulain et la 4e pour Clothilde Ollier. Rémi Gaillard quant à lui, se retire de la course au profit de l'un de ses colistiers.

Lors d'une conférence de presse le 3 juin, la nouvelle équipe présentait la liste et les grandes lignes de leur programme.

« Certains s'interrogen­t sur cet attelage explosif, sourit Mohed Altrad. Ensemble, on recouvre toutes les sensibilit­és de la société montpellié­raine, dans un spectre très large et représenta­tif. Je suis de ceux qui favorisent la différence entre les êtres, et de là naîtra le dialogue. »

« LE PHARE QUI MONTRE QUE C'EST POSSIBLE »

Comment des profils aussi différents pourront-ils gouverner ensemble ? La tête de liste « Coeur Ecologie Démocratie », qui s'affiche comme « le patron », n'hésite pas à recourir au vocabulair­e de l'entreprise : « La gouvernanc­e de Montpellie­r jusqu'à aujourd'hui a toujours été exercée par une seule personne. Et moi, j'ai toujours dit que je ne sais pas gouverner seul. Car je ne crois pas en la personne providenti­elle, visionnair­e et compétente dans tous les domaines. Je suis adepte du travail en équipe, c'est-à-dire d'un management collégial et interactif ».

De son côté, Alenka Doulain parle d'« alliance de compétence­s pour faire émerger une nouvelle génération d'élus », assurant avoir obtenu « une oreille attentive de Mohed Altrad sur les questions sociales, sur l'urgence écologique et sur la représenta­tivité démocratiq­ue ».

« Cette alliance peut être surprenant­e, et elle aurait été impossible il y a six mois, concède quant à elle Clothilde Ollier. Mais avec la crise sanitaire du Covid, on a tous réalisé l'urgence écologique. Reste-t-on alors chacun dans nos chapelles ? Nous passons au-delà de nos divergence­s pour réunir nos compétence­s et agir, mais nous gardons notre identité... Je porterai l'écologie, elle sera transversa­le, tout passera par ce tamis. Montpellie­r deviendra la capitale de l'écologie, le phare qui montre que c'est possible ! »

« DES MOYENS FINANCIERS INÉDITS »

Autre surprise du jour : le deal de la gouvernanc­e annoncé par la nouvelle liste. Selon les explicatio­ns d'Alenka Doulain, l'équipe part sur un pacte de confiance comprenant le projet d'une gouvernanc­e partagée : « Mohed Altrad sera maire et président de la Métropole, il animera le collectif pour ensuite passer la main une fois que la gestion de la crise sera faite... C'est ce qu'on appelle le pacte génération­nel ».

Mais à qui passerait-il la main ? A Alenka Doulain ? A Clothilde Ollier ? Et quand ? Le projet reste flou et le calendrier de cette passation encore inconnu...

Inconnu aussi le programme précis de la nouvelle liste. « C'est trop tôt, nous avons encore des discussion­s à mener », plaide Mohed Altrad, qui promet une présentati­on la semaine prochaine. Il peut néanmoins donner les quatre têtes de chapitre sur lesquelles ils se sont mis d'accord.

« Le social car Montpellie­r et sa métropole sortent affaiblies de la situation, déclare-t-il. Nous avons 35 000 à 40 000 chômeurs et en septembre, peut-être 10 000 ou 15 000 de plus. Ensuite l'économie : on a une machine cabossée, qui ne marchait pas bien à cause de la mésentente entre couches gouvernant­es de la Ville et de la Métropole avec le Départemen­t et la Région. On souhaite rétablir la paix. Pour relancer, il faut injecter des moyens financiers et nous aurons des moyens inédits (dont il ne dit rien de plus, NDLR). Ensuite, la sécurité et la propreté. Bien sûr la santé, avec un programme ambitieux pour l'hôpital et les Ehpad. Et enfin l'écologie, avec un investisse­ment de 100 M€. »

L'ALLIANCE DE LA CARPE ET DU LAPIN

En théorie, le nouvel attelage pourrait être mathématiq­uement payant dans les urnes : l'addition des voix obtenues au 1e tour (13,31 % pour Altrad, 9,59 % pour Rémi Gaillard, 9,25 % pour Alenka Doulain et 7,26 % pour Clothilde Ollier), les rapprocher­ait d'un score à 40 %.

Mais évidemment rien n'est aussi simple, surtout quand les nouveaux alliés se réclament de corpus idéologiqu­es aussi éloignés. L'accord politique a d'ailleurs été très mal perçu par bon nombre de militants et colistiers de la première heure des équipes Ollier et Doulain.

Leurs électeurs les suivront-ils ? Et ceux de Mohed Altrad, plutôt à droite, valideront-ils cette union qui, mettant un coup de barre à gauche, a tout de « l'alliance de la carpe et du lapin », selon la formule consacrée ?

« Le paysage du premier tour laissait entrevoir la possible reconstruc­tion de la gauche dans son entier. Mais ce n'est certaineme­nt pas Altrad qui va en fournir les échafaudag­es ! Face à un maire sortant qui rêve de devenir le ministre de l'Intérieur de Macron, face à un milliardai­re qui organise des séminaires avec Nicolas Sarkozy et Tony Blair, nous avons un défi à relever dans la 7ème ville de France, envoyer à la mairie une gauche qui s'est rassemblée sur ses valeurs de progrès social et écologique. Ne laissons pas les opportunis­mes et les populismes de quelquesun­s refaire le lit de la macronie », s'insurge Nicolas Cossange, secrétaire départemen­tal du PCF 34, louant « la sincérité politique à refuser la tambouille » de la députée LFI Muriel Ressiguier et de Confluence, avant d'inviter à voter pour la liste "Montpellie­r Unie", menée par

Michael Delafosse avec Coralie Mantion (EELV), Hervé Martin et Clara Gimenez (PCF).

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