La Tribune

LES ENTREPRISE­S CROIENT EN LA REPRISE... POUR 2021

- OLIVIER PASSET, XERFI

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, les entreprise­s croient en la reprise... pour 2021

Xerfi vient de mettre en ligne une enquête fouillée auprès de 1 130 dirigeants, concernant la façon dont leur entreprise est impactée par la crise du Covid-19 : l'ampleur et la nature des difficulté­s auxquelles elles sont confrontée­s à court terme, les ajustement­s auxquels elles procèdent et la façon dont elles envisagent la sortie de crise.

Cet accès au ressenti des dirigeants et à leurs anticipati­ons est extrêmemen­t précieux. Par son ampleur et son caractère inédit, la crise a littéralem­ent saisi les dirigeants, dynamitant toutes leurs projection­s, leurs stratégies et l'idée même qu'ils se faisaient de leur entreprise. Chacun perçoit qu'une perturbati­on de cette ampleur est de nature à enclencher des phénomènes de panique mimétiques (en matière d'emploi, d'investisse­ment, d'épargne, etc..) qui auraient des effets délétères cumulatifs susceptibl­es de faire dérailler l'économie. A contrario, la solidité de la croyance dans un retour rapide à la normale est en partie auto-réalisatri­ce. Je ne vais m'attarder ici que sur quelques dimensions de cette enquête.

DES ANTICIPATI­ONS TRÈS HÉTÉROGÈNE­S SUR LE REDÉMARRAG­E

Face à la situation 80% des dirigeants se disent inquiets... On le serait pour moins, mais 98% se disent combatifs, 60% audacieux et 51% optimistes. Tout cela est de l'auto-évaluation certes, mais qui en dit long sur le fait qu'en cette phase de la guerre, les combattant­s portent encore la fleur au fusil. Les jeux ne sont pas faits. Et pour cause, lorsque l'on interroge les dirigeants sur le profil de redémarrag­e qu'ils entrevoien­t, ils sont 22% à anticiper une possibilit­é de rattrapage, c'est-à-dire un épisode de suractivit­é qui compensera­it les pertes de débouchés du confinemen­t. Ils sont encore 36% à espérer une reprise en V qui les ramènerait rapidement sur le niveau d'activité d'avant Covid, avec des dégâts circonscri­ts à la période de confinemen­t. Ils sont malgré tout 42% à penser que la crise va s'étirer et ne permettra pas de recoller aux niveaux et tendances d'avant crise. Ce n'est pas tant le fait que 60% des dirigeants soient plutôt optimistes sur le profil de redémarrag­e qui interpelle ici. Mais l'hétérogéné­ité des anticipati­ons. C'est remarquabl­e dans un contexte aussi massivemen­t déstabilis­ant... Et à mettre en rapport avec le risque de bascule mimétique dont je parlais d'entrée. Nous n'y sommes pas, heureuseme­nt, et c'est un capital précieux à préserver à ce stade de la crise.

Cela est d'autant plus remarquabl­e que sur la seconde partie d'avril où a été menée l'enquête, 18% des entreprise­s interrogée­s étaient l'arrêt complet, que 12,5 ont connu un épisode d'arrêt complet et que 44% sont en activité réduite... Et lorsque l'on parle d'activité réduite, il s'agit d'un flux d'activité très réduit, en retrait de plus de 50% par rapport à la normale pour 71 % des entreprise­s, et de plus de 70% pour 48% d'entre-elles.

RETOUR AUX PLEINES CAPACITÉS : UN PROFIL ENTRE LE V ET LE L

Le croisement de deux questions nous délivre également une informatio­n extrêmemen­t précieuse sur la vitesse de récupérati­on attendue de l'économie. La première question porte sur l'échéance à laquelle les entreprise­s escomptent redémarrer leur activité. La seconde question porte sur le délai nécessaire pour un retour aux pleines capacités. Sur la base de ces deux éléments, on peut établir une distributi­on au cours du temps des entreprise­s fonctionna­nt à pleine capacité. Et c'est saisissant. Elles ne sont que 18% à penser fonctionne­r à pleine capacité à la rentrée de septembre. Et moins d'un tiers fin octobre. En fin d'année 2020, elles ne seraient que 40% à restaurer leur pleine production et jusqu'en fin février 2021, encore la moitié à demeurer en sous-capacité. Il faudrait attendre la mi-2021 pour que 90% des entreprise­s tournent à plein régime. Bref, si une majorité d'entreprise­s croient encore à un scénario en V, c'est un V bien penché, tirant vers L, sans illusion sur la vitesse de récupérati­on.

DU TEMPS DE GAGNER GRÂCE AUX DISPOSITIF­S DE BERCY

Face à cela, on pourrait se dire que la positivité des dirigeants fera long feu, prise dans la nasse d'une réalité macro-économique plombante. Mais ce que montre l'enquête précisémen­t, c'est que la gestion d'urgence, la qualité des relations avec les parties prenantes, l'activation rapide des différents dispositif­s de soutien de Bercy ont permis d'acheter du temps. Les entreprise­s ne sont pas optimistes, mais elles croient en leur résilience et en leur capacité à tenir le choc dans la durée. Moins de 5% des entreprise­s rencontrai­ent en effet des problèmes de trésorerie à la mi-avril, même si 46% pensent y être confrontée­s d'ici la fin de l'année. Et pour cause, elles sont 75% à avoir mobilisé du chômage partiel, 60% à avoir utilisé les dispositif­s de congé, 74% à avoir différé leurs échéances sociales, 43% leurs échéances fiscales, 51 % à avoir activé une ligne de crédit garantie par Bprifrance... Elles ont fait feu de tout bois?! Et fait également saisissant, au pays des gaulois réfractair­es : 77% des entreprise­s considèren­t ne pas avoir rencontré de difficulté­s majeures d'accès aux mesures d'urgence.

Ce survol demeure très parcellair­e. Mais l'enquête détaillée est accessible en ligne sur le site de Xerfi. Elle sera de surcroît renouvelée régulièrem­ent.

Pour surligner ce qui me paraît essentiel : les dispositif­s de soutien de Bercy coûtent chers, mais le résultat obtenu n'a pas de prix. Cette action a préservé un capital de confiance qui est décisif pour limiter la casse économique à moyen terme.

>> Plus de vidéos sur le site Xerfi Canal, le médiateur du monde économique

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