DECENTRALISATION: MACRON REJOUE LE GRAND DEBAT NATIONAL
Dans son allocution de dimanche soir, le président de la République a promis de "changer profondément l'organisation de l'Etat". En réalité, il n'a fait que relire sa Lettre aux Français de janvier 2019 publiée en pleine crise des gilets jaunes et répéter ses propos d'avril 2019 post-grand débat national.
"Il me reviendra avec vous de bâtir de nouveaux équilibres dans les pouvoirs et les responsabilités (...) J'en ai la conviction profonde: l'organisation de l'Etat et de notre action doit profondément changer", a déclaré dimanche soir Emmanuel Macron lors de son adresse à la Nation.
DES PROPOS DÉJÀ ENTENDUS EN... 2019
En réalité, le président de la République n'a fait que relire sa Lettre aux Français du... 12 janvier 2019, publiée en pleine crise des gilets jaunes: "Y a-t-il trop d'échelons administratifs ou de niveaux de collectivités territoriales ? Faut-il renforcer la décentralisation et donner plus de pouvoir de décision et d'action au plus près des citoyens ? À quels niveaux et pour quels services ?" écrivait-il à l'époque.
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La phrase suivante - "Tout ne peut pas être décidé si souvent à Paris" - est, elle, un clin d'oeil à ses annonces du printemps dernier. Lors de la conférence de presse du 25 avril 2019, post-grand débat national, Emmanuel Macron avait exprimé sa volonté de "changer le mode d'organisation de notre République" avec des "principes simples", notamment sur les "problématiques de la vie quotidienne : transition écologique, logement, transport" afin de"garantir des décisions au plus près du terrain".
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Là encore, quand il répète comme hier : "Faisons-leur davantage confiance, libérons la créativité et l'énergie du terrain", le chef de l'Etat se fait encore le porte-parole du Macron 2019. Au printemps dernier, il promettait effectivement aux élus locaux un "geste de différenciation territoriale" pour "adapter [les] règles aux territoires et gagner en liberté". Dans la foulée, le gouvernement avait annoncé la rédaction d'un projet de loi sur la décentralisation, la déconcentration et la différenciation (loi 3D, Ndlr).
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AU GOUVERNEMENT, "ON EST DÉBOUSSOLÉS"
Dans ces conditions, comment interpréter cette nouvelle idée du 14 juin 2020 d'"une page nouvelle donnant des libertés et des responsabilités inédites à ceux qui agissent au plus près de nos vies", où "nos maires" ont été cités ? S'agit-il de ce fameux projet de loi 3D ajourné du fait de la Covid-19 et du report des élections municipales ? Du célèbre projet de loi de révision constitutionnelle présenté à l'été 2018 au Parlement et décalé sine die à la suite de l'éclatement de l'affaire Benalla ?
Dans les couloirs de l'exécutif, "on est déboussolés", témoigne un membre de cabinet ministériel auprès de La Tribune. "On ne sait pas si ce sont des commandes qu'il passe auprès des administrations centrales et/ou des ministres ou si c'est une feuille de route qui commence dès maintenant", ajoute-t-on.
Seuls la remise des contributions des présidents de l'Assemblée nationale, du Conseil économique, social et environnemental (CESE) et du Sénat, le remaniement prévu au lendemain du second tour des élections municipales ainsi que le discours de juillet devraient permettre de mieux comprendre l'état d'esprit d'Emmanuel Macron.