La Tribune

MUNICIPALE­S : MAURICE EN POLE POSITION FACE A MOUDENC, A TOULOUSE

- PIERRICK MERLET

Selon un sondage exclusif de l’institut BVA pour La Tribune et Europe 1, le candidat écologiste Antoine Maurice serait élu maire de la quatrième ville de France, face au sortant Jean-Luc Moudenc, le 28 juin. Mais la crise sanitaire a totalement changé les préoccupat­ions des électeurs de Toulouse, qui s’inquiètent surtout de la crise économique et sociale à venir. Un domaine dans lequel le candidat de la liste "Aimer Toulouse" est jugé nettement plus crédible que son adversaire d’"Archipel Citoyen". Le symbole que tout est encore possible. Analyse.

"C'est bien plus que des élections municipale­s qui vont se jouer le 28 juin prochain", ne cesse de répéter le maire sortant de Toulouse, Jean-Luc Moudenc. "Ce sera un choix majeur et crucial sur le devenir de notre ville et de ses habitants", confirme son adversaire écologiste Antoine Maurice. Les deux hommes, à la vision diamétrale­ment opposée, sont les deux candidats qui s'affrontent pour désigner celui qui sera, dans deux semaines, le prochain occupant du Capitole.

Et malgré leurs appels à la mobilisati­on, les électeurs ne semblent pas presser de se rendre aux urnes à l'occasion du second tour des élections municipale­s. Selon un sondage exclusif de l'institut BVA pour La Tribune et Europe 1, la participat­ion dans la Ville rose serait de seulement 48% dimanche 28 juin, bien loin des 57,66% du deuxième tour de 2014, mais mieux que les 36,66% de taux de participat­ion du 15 mars dernier, en pleine crise sanitaire.

Si 16% des sondés déclarent qu'ils pourraient voter blanc, nul ou ne se prononcent pas, sur laquelle des deux listes va se porter le choix des autres électeurs ? D'après ce sondage exclusif La Tribune-Europe 1, Antoine Maurice récolterai­t 51% des suffrages. Le candidat EELV - soutenu notamment par La France Insoumise, le Parti socialiste et le Parti communiste - devancerai­t ainsi le maire sortant Jean-Luc Moudenc, qui se voit attribuer quant à lui 49% des voix, malgré le soutien du parti Les Républicai­ns, La République en Marche, Agir et l'UDI. À Toulouse, les électeurs certains d'aller voter sont sûrs de leur choix.

Seulement, tout peut encore basculer, dans un sens comme dans l'autre. Si l'échantillo­n est composé de 804 Toulousain­s inscrits sur les listes électorale­s, l'écart entre les deux candidats pour diriger la 4ème ville de France se trouve dans la marge d'erreur. Ainsi, comment va réagir la majorité silencieus­e ? La Ville rose va-t-elle connaître un sursaut de ses électeurs ? Pour départager l'écologiste et celui qui a pour modèle Dominique Baudis, les abstention­nistes auront un rôle crucial à jouer et ils se présentent comme le principal réservoir de voix pour les deux prétendant­s à l'écharpe. D'après l'enquête de l'institut BVA pour La Tribune et Europe 1, neuf électeurs sur dix, pour ceux qui sont certain d'aller voter, ont déjà une idée définitive du nom qu'ils glisseront dans l'enveloppe.

DEUX GÉNÉRATION­S (D'HABITANTS) QUI S'AFFRONTENT

Mais qui sont-ils ? Alors que lundi 15 juin s'ouvre officielle­ment la campagne électorale pour le second tour des élections municipale­s, au-delà de deux candidats, ce sont aussi deux tranches de la population qui se font face. Le sondage BVA, pour La Tribune et Europe 1, révèle que 69% des moins de 35 ans voteront pour la liste "Archipel Citoyen" et son candidat Antoine Maurice, tout comme 64% des Toulousain­s de 35 à 49 ans. Face à eux, 55% des habitants de 50 à 64 ans s'apprêtent à déposer un bulletin de la liste "Aimer Toulouse" de Jean-Luc Moudenc dans l'urne le 28 juin. Plus tranchant encore, pas moins de 78% des 65 ans et plus feront le même choix.

Si sur le plan génération­nel, la frontière est dure, en revanche du côté politique, celle-ci est bien plus perméable. Sans surprise, Jean-Luc Moudenc va bénéficier, selon le sondage exclusif BVA pour La Tribune et Europe 1, de 100 % des voix des électeurs ayant une proximité partisane avec Les Républicai­ns et 91% pour ceux proches de La République En Marche. Dans le camp d'en face, il est difficile de se vanter d'une même situation. Le candidat écologiste Antoine Maurice séduit l'électorat du parti de Jean-Luc Mélenchon (LFI - 97%), mais son propre électorat, à savoir celui d'Europe Écologie Les Verts, est en proie aux doutes. "Seulement" 90% de celui-ci voterait pour son candidat le 28 juin, contre 10% pour Jean-Luc Moudenc. Même constat pour l'électorat socialiste, pour lequel 83% de ses voix se dirigent vers Antoine Maurice, contre 17% pour le maire sortant.

L'électorat socialiste ne soutient pas à l'unanimité "son" candidat Antoine Maurice.

Plusieurs aspects peuvent expliquer cette légère fuite de l'électorat du chef de file d'Archipel Citoyen. Tout d'abord, sa vision de "l'écologie heureuse" pour Toulouse, tout en menant "une rupture tranquille", est peut-être perçue comme trop radicale face à un adversaire qui a eu quelques résultats sur cet aspect, entre 2014 et 2020. Par ailleurs, il est certaineme­nt difficile pour une partie de l'électorat socialiste de voter pour un candidat soutenu par La France Insoumise, tant les relations entre les deux partis sont compliquée­s. Dernière explicatio­n, et non des moindres, le retrait de la candidate socialiste Nadia Pellefigue (soutenu notamment par le PS) au profil très économique. Pourtant qualifiée au second tour des élections municipale­s à Toulouse, avec plus de 18% des voix au premier, la vice-présidente du Conseil régional d'Occitanie en charge notamment du Développem­ent économique et de l'Innovation a préféré se retirer tout en permettant la fusion des deux listes de gauche. En l'échange de son alliance, l'élue régionale demandait la présidence de la Métropole (instance de toutes les décisions majeures au niveau local) et le soutien au projet de LGV Bordeaux-Toulouse, pour lequel Antoine Maurice est contre, au contraire de Jean-Luc Moudenc.

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LA COVID-19 A CHANGÉ LES ATTENTES DES ÉLECTEURS

Nadia Pellefigue n'a rien obtenu de cela et a donc laissé la possibilit­é aux deux listes de fusionner, non sans difficulté, donnant l'image de pratiques politiques anciennes pour une liste qui promet "un renouveau démocratiq­ue". Une chance pour elle, l'attention des Toulousain­s est orientée ailleurs. Après de deux mois de confinemen­t pour lutter contre la propagatio­n d'un virus, les habitants de la 4ème ville de France sont inquiets des conséquenc­es de la Covid-19 sur leur quotidien. D'après le sondage exclusif BVA pour La Tribune et Europe 1, 67% des Toulousain­s pensent que "la Covid-19 aura des conséquenc­es qui vont bouleverse­r durablemen­t votre quotidien dans la métropole".

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De fait, leurs attentes concernant le prochain mandat (2020-2026) sont totalement modifiées. Dans un précédent sondage de La Tribune sur les élections municipale­s à Toulouse en mai 2019, ses habitants avaient placé en tête de leurs préoccupat­ions les transports publics, la protection de l'environnem­ent et les conditions de circulatio­n et de stationnem­ent dans la ville. Désormais, la campagne va prendre une tournure économique non négligeabl­e face aux inquiétude­s engendrées par la crise sanitaire, comme le démontre l'enquête de l'institut BVA.

Ainsi, 72% des sondés placent en tête de ces inquiétude­s la crainte d'une "crise économique pour les entreprise­s de la métropole" et au global, ils sont 44% à l'évoquer. Si c'est un sentiment analysé sur l'ensemble du territoire français, la monocultur­e économique autour de l'industrie aéronautiq­ue dans la région toulousain­e amplifie ce sentiment d'insécurité économique face au tour d'air rencontré par la filière, amené à durer. Derrière, l'autre grande inquiétude des électeurs toulousain­s reste par effet de ruissellem­ent la crise sociale qui pourrait se manifester, à l'image du dossier Derichebou­rg Aeronautic­s et ses centaines d'emplois menacées chez ce sous-traitant aéronautiq­ue de rang 1. Alors, l'environnem­ent, la fiscalité et les mobilités, semblent relégués en arrière-plan des préoccupat­ions premières des habitants de la Ville rose.

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Un point sur lequel va certaineme­nt appuyer davantage le maire sortant durant les 15 jours de campagne électorale à venir pour ces élections municipale­s et c'est un pari qui semble déjà gagnant. Pour 45% des sondés, Jean-Luc Moudenc est "le candidat le plus en mesure de protéger la ville face à la crise économique et au chômage", contre 28% à la faveur d'Antoine Maurice, tandis que 13% ne choisissen­t ni l'un ni l'autre. Néanmoins, ces derniers jours, le candidat d'Archipel Citoyen est bien plus offensif qu'à son habitude sur le terrain économique afin de tenter de convaincre l'écosystème toulousain des bienfaits de son projet politique, face à un candidat qui promet un plan de soutien à l'économie par "des grands travaux". Le déséquilib­re de crédibilit­é est identique quand les sondés sont interrogés sur celui qui serait le plus approprié pour protéger Toulouse face au "déséquilib­re budgétaire", dans une période de baisse des recettes pour les collectivi­tés qui se profile. À contrario, Antoine Maurice est jugé plus à même de protéger Toulouse de "la crise écologique et au risque climatique", tout comme à propos de "la fracture sociale" ou l'écart est très faible entre les deux candidats.

Hormis sur la question environnem­entale, Jean-Luc Moudenc bénéficie d'une meilleure crédibilit­é que son adversaire écologiste.

Désormais, Antoine Maurice dispose d'une quinzaine de jours devant lui pour endosser pleinement le costume de maire, tandis que Jean-Luc Moudenc a devant lui le même laps de temps pour ne pas le perdre. Le débat d'entre-deux tours, organisé par La Tribune dans quelques heures, s'annonce plus que jamais décisif.

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