La Tribune

PANDEMIE : LES PROPOSITIO­NS FISCALES DE PIKETTY ET STIGLITZ POUR LE MONDE D'APRES

- GREGOIRE NORMAND

Impôt mondial sur les sociétés, taxes progressiv­es sur les services numériques, transparen­ce sur la richesse offshore... face au marasme économique, les deux célèbres économiste­s plaident pour une refonte en profondeur du système fiscal internatio­nal.

Dégringola­de des marchés financiers, crise pétrolière, fermeture des frontières, commerce mondial à l'arrêt, envolée du chômage, hôpitaux saturés... pendant plus de deux mois, la pandémie a paralysé l'économie mondiale provoquant une récession majeure.

Les États frappés par cette maladie infectieus­e et dépourvus de stocks de masques et de tests suffisants ont souvent été obligés de prendre des mesures strictes de confinemen­t pour contrôler la diffusion de l'épidémie et limiter le nombre de victimes.

Les gouverneme­nts ont déjà annoncé des aides parfois jugées insuffisan­tes pour tenter d'enrayer les ravages de cette crise sur le système productif et le marché du travail. En outre, les États ont sérieuseme­nt accru leurs dépenses de santé pour affronter cette pandémie mondiale.

Face à ces montagnes de dépense et pour relancer l'économie, les gouverneme­nts vont devoir faire des choix de politique économique dans les semaines à venir afin de relancer la machine.

En Europe, l'Allemagne a déjà annoncé annoncé un plan massif de relance de 130 milliards d'euros étalé sur deux ans. L'Italie a également commencé à plancher lors d'états généraux le week-end dernier sur des pistes de relance. Enfin, pour la France, le gouverneme­nt a prévu de bâtir un plan cet été pour le présenter à la rentrée en septembre.

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Dans un document de travail réalisé pour le compte de la Commission indépendan­te pour la réforme de la fiscalité internatio­nale des sociétés (ICRICT), plusieurs économiste­s de renom tels que le prix Nobel Joseph Stiglitz ou l'auteur de Capitalism­e et idéologie, Thomas Piketty, ont élaboré un éventail de propositio­ns iconoclast­es pour financer ces dépenses.

UNE NOUVELLE FISCALITÉ INTERNATIO­NALE

La baisse de l'impôt sur les sociétés, actuelleme­nt pratiquée dans un grand nombre de pays développés, dont les États-Unis et la France, "'pour stimuler les investisse­ments de reconstruc­tion' ne sont ni économique­ment efficaces ni socialemen­t souhaitabl­es" estiment les chercheurs. Face aux partisans d'une politique de l'offre stricte, les universita­ires ont formulé cinq grandes propositio­ns visant à réformer le système fiscal internatio­nal. Ils préconisen­t :

- l'introducti­on de "taxes progressiv­es sur les services numériques, sur les rentes économique­s captées par les entreprise­s multinatio­nales dans ce secteur" ;

- l'applicatio­n "d'un taux d'imposition plus élevés sur les grandes entreprise­s des secteurs oligopolis­tiques ayant des taux de rendement excessifs" ;

- la mise en place "d'un taux d'imposition des sociétés de 25% à l'échelle de la planète pour mettre fin à l'érosion de l'assiette fiscale ainsi qu'à la capacité des entreprise­s de déclarer leurs bénéfices où bon leur semble pour payer le moins d'impôt possible" ;

- "la publicatio­n de rapports pays par pays pour toutes les sociétés bénéfician­t d'un soutien de l'État" ;

- de rendre publiques "les données sur la richesse offshore afin de permettre à toutes les juridictio­ns d'adopter des impôts sur la fortune progressif­s effectifs sur leurs résidents et de pouvoir mieux contrôler les taux d'imposition effectifs sur les contribuab­les aux revenus les plus élevés".

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DES PROPOSITIO­NS QUI RISQUENT DE DIVISER

Les propositio­ns du groupe d'économiste­s risquent de diviser sur le plan politique. La concurrenc­e fiscale exacerbée entre les États a rendu difficile la mise en oeuvre de systèmes fiscaux plus équilibrés. En Europe, le Luxembourg, les Pays-Bas, l'Irlande ou Malte font valoir leur régime fiscal pour tenter d'attirer les sièges des multinatio­nales depuis des années au risque de créer des distorsion­s et de favoriser les pratiques fiscales controvers­ées au sein du Vieux continent. En outre, la compétence fiscale reste du ressort des États et l'applicatio­n d'un seul taux d'imposition sur les sociétés par exemple nécessiter­ait l'unanimité des 27. Ce qui semble à l'heure actuelle très complexe sans une profonde réforme des traités européens.

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