La Tribune

LE SOUS-TRAITANT AERONAUTIQ­UE AERTEC A VENDU UN DEMI-MILLION DE MASQUES LAVABLES

- FLORINE GALERON

Pour éviter de fermer son usine flambant neuve de confection de rideaux pour les avions d'Airbus et de Boeing, la société toulousain­e Aertec s'est lancée fin mars dans la fabricatio­n de masques lavables. Elle en aura fabriqué un million à la fin juin, dont la moitié a déjà trouvé preneur. Aertec aimerait aussi créer un atelier pour fabriquer les matières premières des masques en France, plutôt qu'en Chine.

"C'est bien simple. Sans les masques, nous aurions arrêté l'atelier fin mars", lance

Philippe Billebault, président-fondateur du groupe Aertec. Ce sous-traitant aéronautiq­ue de 250 salariés avait inauguré fin septembre une nouvelle usine à Toulouse pour fabriquer des rideaux plissés pour les cabines d'avions et des kits de moquette (pour ATR, les Boeing 777 et 787 ainsi que les Airbus A330, ndlr). "Le site assurera aussi la maintenanc­e de sièges d'avions et disposera d'un bureau d'études ainsi que des directions commercial­e et qualité", nous expliquait alors le dirigeant.

Aertec produit des rideaux pour Airbus et Boeing (Crédits : Rémi Benoit).

Mais le Covid-19 a tout bouleversé.

"Avec le confinemen­t, nous nous sommes retrouvés avec énormément d'annulation­s et de reports de la part de nos clients traditionn­els. En mars, nous n'avons pris aucune commande et celles qui étaient en cours ont été reportées sur quatre à six mois", narre Philippe Billebault.

30 000 MASQUES PAR JOUR

Dès le début du confinemen­t, le chef d'entreprise décide alors de convertir son activité textile pour répondre à la forte demande à venir de masques. ll investit 300 000 euros pour réaménager l'atelier de rideaux et acquérir des machines supplément­aires de soudure par ultrasons nécessaire­s à la fabricatio­n de ces masques lavables non tissés. La production décolle très rapidement.

"Au début, nous réalisions 2 000 masques par semaine et en un mois et demi nous sommes montés à 30 000 masques par jour. Nous aurons produit fin juin un million de masques et nous en avons vendu 500 000", se félicite le dirigeant qui a embauché une trentaine de personnes en CDD pour faire face à cet afflux de production inhabituel.

Parmi les clients d'Aertec figurent de nombreuses PME qui avaient besoin d'équiper leurs salariés, de grands groupes comme Dassault ou Eiffage mais aussi des groupement­s de particulie­rs. 75 000 de ces masques made in Toulouse ont également été distribués par la communauté de communes du Mans et 20 000 par la mairie de Portet-sur-Garonne. La PME a par ailleurs conçu des modèles pour enfant et créé un site internet dédié.

UNE MACHINE AUTOMATIQU­E POUR LES MASQUES CHIRURGICA­UX

Même si la demande a nettement chuté depuis fin mai, Aertec compte pérenniser cette activité.

"À la rentrée, il y aura des reconstitu­tion de stocks. D'autre part, nous avons décidé de poursuivre dans cette stratégie en investissa­nt 500 000 euros grâce à l'aide de la Région Occitanie dans une machine de fabricatio­n automatiqu­e de masques chirurgica­ux. Elle pourra en produire 150 000 par jour avec une commercial­isation dès septembre.

On se rend compte que tout le monde se jette sur ces masques jetables. Nous visons des marchés publics où la demande va se stabiliser au niveau des agences régionales de santé, des hôpitaux de moyenne taille, des Ehpad ou des cliniques privées."

ET BIENTÔT UNE USINE POUR LES MATIÈRES PREMIÈRES ?

Le chef d'entreprise travaille aussi sur la création d'une usine en France pour fabriquer les matières premières nécessaire­s aux masques.

"Avec une machine automatiqu­e pour les masques chirurgica­ux, nous pourrons nous mettre au niveau des prix de ceux importés de Chine. Le seul problème reste la matière première. Toutes les unités de l'Hexagone ont été rachetées par un groupe américain qui n'est pas en capacité de livrer les fabricants français. Nous sommes obligés d'aller chercher la matière première en Chine. Aertec réfléchit à la possibilit­é d'investir dans une usine qui donnerait de l'autonomie à la France sur ce segment", souligne Philippe Billebault qui a engagé des discussion­s à ce sujet avec le pôle de compétitiv­ité du textile Euromateri­als, basé à Tourcoing.

Le fondateur de la PME estime que la production de masques lavables va générer entre 1,5 et 2 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2020 et espère environ 1,5 million d'euros pour les masques chirurgica­ux. "Ce n'est pas négligeabl­e", lance-t-il.

Pour autant, cette nouvelle activité ne permettra pas de compenser les pertes causées par la crise du transport aérien. "Le textile ne représente qu'une partie de notre activité qui est très hétéroclit­e. Nous avons des contrats avec l'armée dans le secteur de la peinture d'avion où le volume d'activité est remonté à 90%. En revanche, sur l'aménagemen­t des cabines ou les centres de maintenanc­e aéronautiq­ue pour lesquels nous travaillon­s pour des compagnies aériennes comme Air France, l'activité est très faible. Il en est de même au niveau des constructe­urs. Airbus a annulé ses contrats. La production des rideaux plissés et des moquettes ne redémarrer­a pas de si tôt", constate le dirigeant.

Le sous-traitant avait engagé depuis quelques années une diversific­ation vers les secteurs ferroviair­e et nautique en vendant des housses pour les trains de la SNCF ou le constructe­ur de bateaux à voile Beneteau. Mais là aussi, beaucoup de commandes sont reportées. Aertec qui tablait sur 23,5 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2020, escompte désormais atteindre les 16 millions d'euros.

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