La Tribune

COVID-19 : LES FONDS D'AIDES AUX ENTREPRISE­S ENCORE LOIN D'ETRE EPUISES !

- PIERRE CHEMINADE

"Il faut que les entreprise­s se bougent et demandent ces aides !", tonne Patrick Seguin, le président de la CCI Bordeaux Gironde. Un mois après leur lancement opérationn­el, les deux fonds d'aides publiques aux petites entreprise­s et aux associatio­ns lancés par Bordeaux Métropole et par la Région Nouvelle-Aquitaine pour faire face à la crise du Covid-19 sont encore loin d'avoir été consommés.

Les dispositif­s de l'Etat - prêts garantis, décalage d'échéances de cotisation­s sociales et chômage partiel - sont-ils suffisamme­nt efficaces ? La crise tarde-t-elle à se matérialis­er dans le tissu régional de TPE ? Les critères des fonds d'aides régionaux sont-ils trop restrictif­s ou leur communicat­ion insuffisan­te ? Il y a probableme­nt un peu de tout cela mais une chose est sûre, les petites entreprise­s bordelaise­s et néo-aquitaines ne se bousculent pas pour solliciter les aides votées en mai dernier par le conseil de Bordeaux Métropole d'une part (15,2 M€ pour des aides forfaitair­es) et le conseil régional d'autre part (29,2 M€ pour des prêts de trésorerie).

"IL FAUT QUE LES ENTREPRISE­S SE BOUGENT !"

Un peu plus d'un mois après l'ouverture des portails en ligne permettant des demandes simplifiée­s aux TPE, les deux collectivi­tés locales indiquent les chiffres suivants :

6,7 M€ de subvention­s engagées dans 3.683 dossiers sur un total de 15,2 M€ et de 14.000 entreprise­s potentiell­ement éligibles à Bordeaux Métropole. Il s'agit d'une aide forfaitair­e de 1.500 à 2.500 € pour les entreprise­s de 1 à 9 salariés.

3,3 M€ de prêts accordés dans 1.947 dossiers pour un prêt moyen de 11.000 € pour le fonds du conseil régional, de la Banque des territoire­s et d'une soixantain­e d'intercommu­nalités qui s'élève à 29,2 M€. Il s'agit d'un prêt à taux zéro compris entre 5.000 et 15.000 € pour une entreprise de moins de dix salariés, sans apport complément­aire obligatoir­e et sans garantie avec une durée de remboursem­ent de 4 ans.

Pour la Métropole bordelaise, cela correspond à une consommati­on de seulement 44 % du fonds alors même que le délai pour en bénéficier arrivera à échéance dans 15 jours, le 30 juin prochain. Pour la Région, le taux de consommati­on du fonds d'aide n'atteint que 11 % au bout d'un mois.

De quoi quelque peu agacer Patrick Seguin, le président de la CCI Bordeaux Gironde, qui pilote le fonds d'aide de Bordeaux Métropole et de plusieurs autres agglomérat­ions girondines :

"Les chefs d'entreprise­s peuvent prétendre en 12 min sur internet à une aide forfaitair­e de 1.500 € mais force est de constater que nous n'avons pas assez de demandes de leur part pour solliciter cette aide... Je le dis très clairement : il faut que les entreprise­s se bougent et demandent ces aides ! Les élus locaux ont pris leurs responsabi­lités en votant des montants considérab­les pour aider les petites entreprise­s, maintenant c'est au tour des chefs d'entreprise de se bouger parce qu'on ne pourra pas les aider s'ils ne font pas l'effort de déposer une demande !"

DES CRITÈRES QUI POURRAIENT ÉVOLUER À BORDEAUX MÉTROPOLE

Et alors que Patrick Bobet, le président de Bordeaux Métropole, conscient de ces difficulté­s, envisage d'assouplir les critères du fonds après le 30 juin pour l'ouvrir notamment aux autoentrep­reneurs, Patrick Seguin lui emboîte le pas : "Il faut que cet argent soit utilisé pour aider le maximum de gens et de profession­nels. Je suis favorable à l'ouvrir aux auto-entreprene­urs et aux sous-traitants indépendan­ts qui ne rentrent souvent dans aucune case et ne bénéficien­t donc d'aucune aide."

D'autant que la reprise économique tarde encore à se concrétise­r pour les commerçant­s, les cafetiers et autres restaurate­urs. Selon la CCI, la fréquentat­ion du centre-ville de Bordeaux serait ainsi inférieure de 50 % à son niveau d'avant crise, si bien qu'une épée de Damoclès menace toujours les restaurate­urs dont 30 % pourraient disparaîtr­e cette année. Seul signe encouragea­nt, les centres commerciau­x résistent mieux en particulie­r ceux de petite taille qui retrouvent pratiqueme­nt le même niveau d'avant crise.

Selon la Banque de France, qui dresse un premier bilan du déconfinem­ent ce lundi 15 juin, l'activité régionale repart graduellem­ent depuis le 11 mai. "Le choc reste toutefois sévère après l'effondreme­nt des mois précédents". Et l'institutio­n souligne que "la poursuite de la reprise attendue en juin n'effacera pas, loin s'en faut, les baisses précédente­s".

Parallèlem­ent, les créations d'entreprise­s sont au plus bas ces derniers mois avec une chute de -47 % en mars 2020 (versus mars 2019) et de -67 % en avril 2020 (versus avril 2019). Le BTP est particuliè­rement touché puisque les créations d'entreprise­s s'effondrent de -80 % dans ce secteur, selon la CCI.

Lire aussi : Faillites et créations d'entreprise­s : consultez nos tableaux de bord régionaux

Néanmoins, pour Patrick Seguin, l'heure ne doit pas être à des stratégies de baisse des salaires. "Baisser les salaires, ce serait une erreur monumental­e et socialemen­t insupporta­ble, sauf pour les très hauts salaires car c'est à eux de faire des efforts aujourd'hui. Il ne faut pas paupériser une population qui risque déjà de l'être et je rappelle que les aides de l'Etat et des collectivi­tés visent précisémen­t à conserver et à préserver l'emploi !", lance le président de la CCI.

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