La Tribune

LE VERDISSEME­NT DE LA FISCALITE, OUTIL INDISPENSA­BLE POUR LA RELANCE?

- MARIE HEUCLIN, AFP

Le financemen­t de la transition écologique passera-t-il par une refonte de la fiscalité ? L'équation s'avère difficile, d'autant plus que le gouverneme­nt refuse toute augmentati­on d'impôt.

Réduction des niches fiscales environnem­entales, budget vert, taxe carbone: la crise et la délicate équation financière que doit affronter la France va-t-elle rebattre les cartes du financemen­t de la transition écologique, alors que le gouverneme­nt veut en faire une des priorités de sa relance?

Le plan de relance et le futur budget de l'Etat pour 2021 devront concrétise­r cette ambition, notamment sur le plan fiscal, avec des marges de manoeuvre qui apparaisse­nt limitées du fait du refus du gouverneme­nt d'augmenter les impôts.

"La crise ne doit pas nous amener à faire machine arrière sur la réduction des aides fiscales nocives pour la planète", a toutefois assuré début mai le ministre de l'Économie Bruno Le Maire.

Il répondait aux profession­nels du bâtiment qui réclamaien­t le maintien d'une exonératio­n de taxe sur le gazole non routier dont ils sont de grands utilisateu­rs.

Amorcée l'an dernier, la suppressio­n de cette niche fiscale est censée connaître une nouvelle étape le 1er juillet.

"Nous devons maintenir et accélérer cette politique d'autant que le prix du pétrole est historique­ment bas", a justifié M. le Maire.

La promesse de "budget vert", annexé au prochain budget de l'État, sera bien tenue, a aussi assuré le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin.

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L'objectif est de scanner les recettes et dépenses de l'État en fonction de leur impact sur la biodiversi­té, la lutte contre le changement climatique ou contre les pollutions.

"Ce n'est pas anodin car cela va nous permettre d'analyser l'ensemble des dispositif­s au regard de nos objectifs et engagement­s environnem­entaux", selon la députée (LREM) Bénédicte Peyrol, qui a oeuvré à sa création.

L'État réalise environ 25 milliards d'euros de dépenses défavorabl­es à l'environnem­ent chaque année, selon une évaluation de l'Inspection générale des finances (IGF).

"L'objectif qu'on doit se donner cette année, c'est de ne pas inventer ou imaginer, ni même renforcer, de nouvelles fiscalités défavorabl­es à l'environnem­ent, par exemple des avantages fiscaux sur la TICPE", la taxe sur les produits énergétiqu­es, défend Mme Peyrol.

Un objectif qui pourrait être difficile à tenir lorsque ces dispositif­s bénéficien­t à des entreprise­s fortement touchées par la crise.

La réduction d'une niche fiscale environnem­entale "peut être rattrapée par autre chose", par exemple la baisse des impôts de production envisagée par le gouverneme­nt, estime le député (LREM) Laurent Saint-Martin, rapporteur général du Budget à l'Assemblée nationale.

"L'idée c'est que globalemen­t les prélèvemen­ts obligatoir­es des entreprise­s et des ménages soient stables, voire qu'ils diminuent un petit peu. Mais ça n'empêche pas que d'une façon ciblée et calculée il puisse y avoir une augmentati­on", explique-t-il à l'AFP.

Il serait également favorable à la mise en place d'incitation­s fiscales à la transition écologique.

"Ca marche très bien. Mais il faut que ces dispositif­s soient bornés dans le temps et qu'ils soient évalués", juge-t-il.

D'autres dispositif­s fiscaux seront nécessaire­s pour financer la relance verte, estiment certains élus et économiste­s.

"GARDE-FOUS"

Les députés du groupe "Écologie Démocratie Solidarité" (EDS) plaident pour une contributi­on exceptionn­elle sur les plus fortunés et une plus grande taxation des bénéfices intra-groupes des grandes entreprise­s.

"On peut peut-être récupérer 1 ou 2 milliards d'euros, ainsi que 700 millions d'euros avec la contributi­on exceptionn­elle", défend le député Matthieu Orphelin.

Quid enfin d'une nouvelle augmentati­on de la taxe carbone? Véritable épouvantai­l depuis le mouvement des gilets jaunes, elle ne fera sans doute pas partie des choix du gouverneme­nt.

À moins que la Convention citoyenne pour le climat qui s'achève ce week-end lance des pistes sur le sujet. Emmanuel Macron s'est engagé à considérer leurs propositio­ns.

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Pour l'économiste Christian de Perthuis, fondateur de la chaire d'économie du climat à l'université Paris Dauphine, la crise et l'endettemen­t qui en découle devraient être l'occasion "d'une refondatio­n totale de notre système fiscal" pour qu'une taxe carbone soit instaurée de façon juste, "avec des compensati­ons" pour les plus pauvres.

Car selon lui, "le meilleur des garde-fous" contre un retour en arrière est "de remettre une couche dans le coût des énergies fossiles".

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