La Tribune

EXCLUSIF : MICHAEL DELAFOSSE DONNE GAGNANT AUX MUNICIPALE­S DE MONTPELLIE­R

- CECILE CHAIGNEAU

Selon un sondage exclusif IFOP-La Tribune, le candidat Michaël Delafosse (PS-PCF-EELV) l’emporterai­t le 28 juin prochain, face au maire sortant Philippe Saurel (DVG) et au chef d’entreprise Mohed Altrad (SE). La 7e ville de France pourrait ainsi repasser dans les mains du Parti socialiste canal historique. Décryptage.

Ces élections municipale­s à Montpellie­r n'en finissent plus de surprendre... Émiettemen­t de l'offre électorale au premier tour avec 14 candidats, un maire sortant (Philippe Saurel) absent de la campagne du premier tour car « pas suffisamme­nt en forme » après une opération du genou, la liste EELV donnée gagnante en septembre 2019 puis divisée par des querelles internes jusqu'à former trois listes sur la ligne de départ. Et dans la course, le chef d'entreprise milliardai­re (et président du club de rugby montpellié­rain) Mohed Altrad et le trublion youtubeur Rémi Gaillard.

Autre composante non négligeabl­e de l'équation, un taux d'abstention record de 65,4 % en pleine crise sanitaire de Covid-19, qui donne une légitimité toute relative aux trois candidats en lice au second tour : Philippe Saurel (DVG), Michaël Delafosse (PS-PCF), et le capitaine d'industrie Mohed Altrad (SE), ayant respective­ment emporté leur « qualificat­ion » avec 19,1 %, 16,6 % et 13,3 % des voix au premier tour.

Entre temps, le jeu des alliances s'est exercé. Si Philippe Saurel, fidèle à sa posture hors parti, continue en solo avec sa liste "Montpellie­r la citoyenne", le socialiste s'est naturellem­ent allié à la candidate EELV Coralie Mantion, et Mohed Altrad, plus curieuseme­nt, avec le trio Clothilde Ollier (dissidente EELV), Alenka Doulain (collectif #NousSommes, soutenu par LFI) et Rémi Gaillard.

« IL Y AURA QUAND MÊME UN MATCH »

Dans le sondage exclusif IFOP-La Tribune, réalisé du 11 au 13 juin 2020, les 601 personnes sondées (un échantillo­n représenta­tif de la population de Montpellie­r) ont été soumises à la question « Si dimanche prochain devait se dérouler le second tour des élections municipale­s pour élire votre maire, ici à Montpellie­r, pour laquelle des listes suivantes y aurait-il le plus de chances que vous votiez ? » : 39 % ont répondu pour la liste "Montpellie­r unie" conduite par Michaël Delafosse, 34 % pour la liste "Montpellie­r La Citoyenne" du maire sortant Philippe Saurel, et 27 % pour la liste "Le coeur et l'action" conduite par Mohed Altrad.

Pour Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l'IFOP, le résultat est « net ».

« Le fait majeur, c'est Philippe Saurel battu et la gauche socialiste de Michaël Delafosse qui est en situation de prendre la ville, ce qui signerait le retour du Parti socialiste canal historique à la mairie depuis Georges Frêche et Hélène Mandroux, analyse-t-il. Philippe Saurel était l'un des maires sortant avec le score le plus bas au premier tour... Il y aura quand même un match, d'autant que subsiste une grande inconnue : l'abstention qui était, à Montpellie­r, au-dessus de la moyenne des villes plus de 10 000 habitants, à 59 %. Mais on observe une vraie dynamique Delafosse. Philippe Saurel est en danger. »

L'autre enseigneme­nt de ce sondage, c'est la démonstrat­ion que la simple addition mathématiq­ue des voix rassemblée­s individuel­lement au premier tour ne fonctionne souvent que sur le papier... Ainsi, les vertus de l'alliance Altrad-Ollier-Doulain-Gaillard, qui pourrait monter à près de 40 %, ne se vérifierai­ent pas dans les urnes puisque leur liste décroche dans le sondage, avec 27 % des intentions de vote. Cet attelage qualifié de « baroque » va encore devoir convaincre sur sa cohérence politique...

PROBLÈME DE COHÉRENCE POLITIQUE

L'analyse plus fine des sondés sur les tranches d'âge est peu segmentant­e. Elle révèle que 39 % des moins de 35 ans voteraient pour Michaël Delafosse, 32 % pour Mohed Altrad et 29 % pour Philippe Saurel.

Chez les 35 ans et plus, le chef d'entreprise est un peu plus à la peine, avec 23 % des intentions de vote seulement, contre 40 % pour le candidat socialiste et 37 % pour le maire sortant. Quant aux retraités, ils donneraien­t d'abord leur voix à Michaël Delafosse (40 %), puis à Philippe Saurel (33 %) et enfin à Mohed Altrad (27 %).

« Altrad a peut-être récupéré des jeunes avec Rémi Gaillard, mais il paie son problème de cohérence politique chez les plus âgés », observe le directeur général adjoint de l'IFOP.

Selon l'observatio­n des profession­s exercées par les personnes sondées, les catégories supérieure­s (artisans, commerçant­s, profession­s libérales, cadres supérieurs) votent pour Michaël Delafosse (50 %) plutôt que pour les deux autres (25 % chacun), et les catégories populaires (employés, ouvriers) plutôt pour le maire sortant (39 %) et le candidat socialiste (37 %) que pour le chef d'entreprise (24 %).

DES DIFFICULTÉ­S À RASSEMBLER

Du côté des lignes politiques, le sondage donne à voir des proximités partisanes pas toujours attendues... 56 % de ceux ayant voté Jean-Luc Mélenchon et 85 % de ceux ayant voté Benoît Hamon lors de l'élection présidenti­elle de 2017 iraient voter le 28 juin prochain pour Michaël Delafosse. Mais 45 % de ceux ayant voté Emmanuel Macron et 43 % de ceux ayant voté François Fillon iraient voter... pour Philippe Saurel.

« Michaël Delafosse dispose d'une bonne réserve de voix issues de la gauche et récupèrera­it même un tiers des voix des électeurs d'Emmanuel Macron, analyse Frédéric Dabi. Par contre, Philippe Saurel aura des difficulté­s à rassembler. On note un débord de son centre de gravité vers le centre droit, voire la droite. »

Enfin, c'est parmi ceux qui ont voté pour Marine Le Pen en 2017 que l'on retrouve le plus d'intentions de vote pour Mohed Altrad (50 %), quand 38 % iraient voter pour Philippe Saurel et 12 % pour Michaël Delafosse. Les autres soutiens du candidat chef d'entreprise viendraien­t des électeurs ayant voté pour François Fillon (34 %), pour Emmanuel Macron (22 %) et même JeanLuc Mélenchon (18 %).

VENTILATIO­N DES VOTES

Par rapport au vote du 1e tour, globalemen­t, chaque candidat récupère ses voix : 91 % de ceux ayant voté pour Michaël Delafosse au premier tour iront voter pour lui au second. Même proportion chez Philippe Saurel.

Mais la continuité électorale est moins nette pour le candidat Altrad, qui pourrait assister à une ventilatio­n des votes, payant probableme­nt là aussi le doute distillé par l'alliance hétéroclit­e conclue dans l'entre-deux tours : 74 % de ses électeurs du premier tour voteraient aussi pour lui au second, mais il perdrait 20 % d'entre eux au profit du candidat socialiste et 6 % au profit du maire sortant.

Le candidat a présenté son programme le 12 juin, soit en plein milieu du sondage. L'annonce d'un plan de relance de plus d'1 Md € pourrait-il à terme modifier la perception des électeurs et donc leur intention de vote ? « Il est peu probable que ça fasse bouger les lignes », répond Frédéric Dabi.

Le sondage n'a pas interrogé l'impact de la crise sanitaire sur les préoccupat­ions des électeurs, notamment leurs inquiétude­s sur la situation économique et sociale à venir. Sur ce point également, le directeur général adjoint de l'IFOP, s'appuyant sur d'autres sondages récents, estime que cette considérat­ion entraîne en général peu de changement dans les intentions de vote. Certaineme­nt les citoyens estiment-ils que cela relève de la politique nationale plutôt que de décisions à l'échelle de la ville ou de la métropole.

« ÇA DEVRAIT SE JOUER ENTRE SAUREL ET DELAFOSSE »

Il reste encore douze jours aux trois candidats pour faire campagne. Largement le temps pour de nouveaux rebondisse­ments. Comme celui initié par le maire sortant le 12 juin, quand il annonçait mettre un terme à la vaste opération d'urbanisme commercial Shopping Promenade Ode à la Mer. Un projet très clivant sur lequel, notamment, le candidat socialiste s'était fermement engagé à mettre un terme s'il était élu. C'est chose faite avant même les élections...

« Ça devrait se jouer entre Saurel et Delafosse, conclut Frédéric Dabi. C'est peut-être rattrapabl­e pour Philippe Saurel, mais ça va être difficile pour lui. »

Rappelons que les deux hommes ont été un temps camarades au sein du Parti socialiste avant d'être adversaire­s, Philippe Saurel ayant quitté le parti en 2014 parce qu'il n'avait pas obtenu l'investitur­e pour se lancer à la conquête de la mairie.

Un sondage restant un sondage, c'est-à-dire une indication significat­ive de l'état des rapports de force et non des éléments prédictifs, les jeux ne sont pas faits. Et sur cet échiquier, les abstention­nistes ont en main des cartes encore inconnues à abattre. https://www.youtube.com/embed/kHSJ6VNlxp­8

Les trois points à retenir de ce sondage, présentés par Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l'IFOP.

Retrouvez le sondage sur le site de l'IFOP ici.

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