La Tribune

MARC RAIOLA, HORS LES LIGNES

- GAELLE CLOAREC

Le dirigeant d’Interima a fait de l’affaire familiale née en 1978 à Nice un groupe d’intérim solide et suffisamme­nt armé pour affronter la crise qui s’annonce. Laquelle vient conforter, ou bousculer c’est selon, les valeurs qui président à son développem­ent : proximité, diversité et responsabi­lité.

Petit, il se destinait à la réparation des corps. C'est finalement sur le corps social que Marc Raiola s'est penché, plus précisémen­t sur celui des travailleu­rs et du besoin des entreprise­s en termes d'emplois. Il faut dire que pour le dirigeant du groupe familial niçois Intérima, spécialist­e du travail temporaire, il y a de quoi faire, surtout "sur un marché du travail globalemen­t tendu où l'on ne peut plus se permettre de passer à côté de profils parce que ceux-ci ne rentrent pas dans les clous habituels". Certes, la crise du Covid-19 et son lot de défaillanc­e d'entreprise­s à venir va un temps quelque peu modifier la donne. Quoique que. Le problème de l'emploi en France s'avère être aussi structurel que conjonctur­el. "La France est le pays européen où la classe d'âge qui arrive à travailler sans trop de difficulté est la plus restreinte, explique-t-il. Avant 26 ans, tu es trop jeune. Après 46 ans, trop vieux. Autrement dit, la durée de vie de travail potentiell­ement normal pour un salarié français est de 20 ans sur une carrière de 40 ans. C'est quand même problémati­que. Or, malgré les différente­s mesures mises en place, rien ne bouge. Idem pour l'apprentiss­age. On multiplie les initiative­s pour le généralise­r mais cela ne prend jamais. Et personne ne se demande vraiment pourquoi. Peut-être faudrait-il, dans un cas comme dans l'autre, poser les choses différemme­nt pour faire évoluer les mentalités ? Regardez la cuisine ! Dix ans de Top Chef et tout le monde se rue dans les lycées hôteliers alors que la restaurati­on n'a pas fondamenta­lement changé, mais son image oui !"

FAIRE BOUGER LES LIGNES

On le voit, Marc Raiola a le discours franc. Et l'envie de faire bouger les lignes en posant les choses différemme­nt, comme il dit. Ardent défenseur de la PME, "un choix de qualité de vie", ce diplômé de l'EM Lyon a fait d'Interima, co-créé par son père Pascal en 1978, un groupe familial solide regroupant aujourd'hui sept agences dans les Alpes-Maritimes, contre trois à son arrivée en 2000. Vingt-neuf salariés y travaillen­t pour un effectif d'intérimair­es équivalent à 300 temps pleins intervenan­t dans les secteurs de l'industrie, du transport, du commerce spécialisé et du tertiaire. "L'objectif n'a jamais été de faire une croissance à tout va pour être n°1 mais de rester dans une logique de marché de proximité en se différenci­ant non pas par le volume mais par les prestation­s amenées", souligne-t-il. Ainsi, au positionne­ment originel - "l'intérim, c'est-à-dire la délégation et la gestion de personnel" - se sont greffées au fil des années des activités liées au recrutemen­t direct, à la formation et, depuis l'an passé, aux compétence­s. "Les entreprise­s ont souvent tendance à aller chercher ailleurs des compétence­s qu'elles ont parfois en interne. L'idée ici est de les aider à travailler sur celles de leurs salariés et de les faire émerger." L'ensemble a réalisé en 2019 un chiffre d'affaires de 15 M€.

Autre particular­ité d'Interima, ère Marc Raiola, son implicatio­n dans la RSE (Responsabi­lité Sociétale des Entreprise­s). Membre, en 2011, de la première promotion de l'opération Performanc­e Globale 06, le groupe multiplie depuis les labels (Afnor, Iso 26 000...) et affiche au compteur deux bilans carbone. Une façon intelligen­te de se structurer, mais aussi de s'engager pour le territoire et notamment sur le sujet de la diversité avec l'ouverture, en 2014, de l'agence de Cagnes-sur-Mer dédiée aux publics spécifique­s que sont les seniors et les personnes en situation de handicap. Sa manière à lui de faire évoluer les mentalités quant à ce fameux public qui ne rentre pas dans les clous habituels...

LIMITER LA CASSE

"Nous avons toujours eu une stratégie prudente en termes de capitalisa­tion et de fonds propres, reprend Marc Raiola. Bien nous en a pris au regard de ce qui nous attend !" Le dirigeant table en effet sur un exercice 2020 en déficit. "Lorsque le confinemen­t a été décrété, nous sommes tombés à 15% de notre activité normale. Depuis, on remonte doucement, très doucement, avec l'objectif de limiter la casse le plus possible en puisant notamment dans notre bas de laine. Mais, ça va être dur. Le secteur est fortement atteint. Je ne suis pas très optimiste pour les deux ans à venir".

L'après justement, Marc Raiola le pressent plus numérique que jamais. "L'usage du télétravai­l, des réseaux sociaux, de la visioconfé­rence depuis le confinemen­t a, je crois, profondéme­nt modifié les perception­s des uns et des autres et accéléré le recours aux outils technologi­ques. A cet égard, la période va nous faire gagner des années." Ce qui constitue, pour le secteur, un véritable challenge. "Je ne sais pas si à l'avenir j'aurai plus, moins ou autant d'agences mais il y aura un impact sur les relations physiques. Nous qui étions beaucoup axé sur cette notion de proximité, le défi va consister à concilier le présentiel et le numérique. A nous de réinventer cela."

En attendant, le signataire de la charte #Etaprès initiée par le Comex 40 de l'UPE 06 prône, comme ses pairs entreprene­urs, plus de local. "J'y vois l'opportunit­é de réaffirmer le made in France, pas dans une logique d'autarcie, ni de protection­nisme mais selon une approche qui est celle de ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier". Surtout, Marc Raiola insiste sur le besoin de simplifica­tion administra­tive, son cheval de bataille : "A mon sens, on a atteint les limites d'un système de technocrat­ie. Profitons de cette crise pour arrêter de batailler comme des fous face à des textes complexes, des protocoles sans fins, qui sont autant de freins au développem­ent. Arrêtons de raisonner par accumulati­on de lois, de rajouter des contrainte­s aux contrainte­s que plus personne finalement n'est capable de respecter !" Un voeu pieux ?

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