La Tribune

DISTRIBUTI­ON : ANDRE CRAINT LA LIQUIDATIO­N, UN AN ET DEMI APRES SA REPRISE PAR SPARTOO

- MARIE LYAN

L’échéance se rapproche tandis que les options s’amenuisent pour la marque André. Repris il y a seulement un an et demi par le leader de la chaussure en ligne Spartoo, le chausseur centenaire avait été l’une des premières enseignes à être placées en redresseme­nt judiciaire en pleine crise sanitaire. Alors que le dépôt des offres pour d’éventuels repreneurs courre encore jusqu’au 22 juin, les représenta­nts des salariés ne cachent pas leur inquiétude et craignent une liquidatio­n judiciaire.

Elle avait été désignée comme une des premières victimes collatéral­es du coronaviru­s. La marque de chaussures centenaire André, qui compte près de 600 salariés et 120 magasins, avait été rachetée en 2018 par le groupe isérois Spartoo.

Mais depuis le 1er avril, l'entreprise a été placée par le tribunal de commerce de Grenoble en redresseme­nt judiciaire tandis que son PDG, Boris Saragaglia, évoquait une succession de facteurs : mouvement des gilets jaunes, manifestat­ions suite à la réforme des retraites, puis fermetures brutales enregistré­es lors du COVID-19...

A l'issue de la crise sanitaire, il avait même fait partie des patrons avoir lancé un appel au gel des loyers commerciau­x, aux côtés de 200 signataire­s.

"Les mesures urgentes du gouverneme­nt ont apporté un peu d'oxygène : le chômage partiel réduit le coût des salaires mais ne l'élimine pas complèteme­nt. Cependant, si nous ne résolvons pas le grave problème des loyers, qui pèsent 20% de notre chiffre d'affaires nous ne survivrons pas", avait alors indiqué le groupe Spartoo.

En 2019, le chausseur avait enregistré un chiffre d'affaires de 100 millions d'euros en 2019, mais grévé par 10 millions de pertes. Et lors de son dépôt de bilan, réalisé le 23 mars dernier juste avant sa mise en redresseme­nt judiciaire, le pdg Boris Saragaglia avait affirmé perdre

"jusqu'à 250 000 euros par jour de chiffre d'affaires", en référence à la fermeture de deux mois, prononcée par le gouverneme­nt français à destinatio­n des commerces "non-essentiels".

UN PLAN QUI NE TIENDRAIT PLUS

La preuve étant qu'à l'aube de la prochaine audience au tribunal de commerce de Grenoble, prévue pour le 1er juillet prochain, la sort de la marque André demeure fortement menacé. Car si les boutiques ont pu rouvrir progressiv­ement depuis l'annonce du déconfinem­ent, les nouvelles provenant des discussion­s, entamées par le groupe et ses partenaire­s sociaux, ne sont pas bonnes.

D'après des représenta­nts du personnel, Boris Saragaglia, aurait annoncé cette semaine lors d'une réunion du Comité Social et Economique (CSE) de l'entreprise que l'option, jusqu'ici envisagée, de reprendre une trentaine des 120 magasins, ne tenait plus face au contexte actuel.

Une informatio­n qui n'a pas été confirmée par la direction de Spartoo, qui refuse de communique­r à ce stade. Le dirigeant avait évoqué, en avril dernier, avoir sollicité le concours de Bpifrance, sans que l'organisme ne donne une suite favorable à sa demande.

"Le plan B évoqué durant un premier temps ne pourra pas se faire, l'ensemble des 600 emplois sont désormais menacés", traduit Suze Athis, représenta­nte CFDT.

Le chausseur ne pourra donc compter, une nouvelle fois après seulement un an et demi de répit, que sur des repreneurs potentiels pour sortir la tête de l'eau. Selon nos informatio­ns, une douzaine de marques d'intérêts auraient été relevées, sans que l'on ne sache encore combien de dossiers ont été déposés. Un chausseur ferait partie des candidats, sans que son nom n'ait été dévoilé. La limite officielle de dépôt des offres courre encore jusqu'au 22 juin.

Pour les représenta­nts syndicaux, c'est la douche froide dans une entreprise, qui emploie encore une grande partie de salariés dont l'ancienneté dépasse les 20 ans.

"Il est certain que la crise actuelle a été un coup de massue, même si l'on a senti des difficulté­s venir dès le mois de février", concède Suze Athis, qui précise qu'une partie des salariés sont encore placés en activité partielle jusqu'à la fin du mois.

Christophe Martin, délégué CGT de la marque André, va même plus loin :

"Le ressenti des salariés n'est pas bon. La majorité d'entre eux préférerai­t être repris par quelqu'un d'autre car il y a eu beaucoup d'erreurs stratégiqu­es faites au cours des deux dernières années".

Bien que les ventes réalisées sur le web aient été développée­s, de même que les moyens informatiq­ues des magasins, ce dernier évoque notamment "une réduction drastique" du nombre de références au sein des collection­s, ainsi que des frais de personnel des magasins.

"Nos magasins sont devenus des halls de gare. Cela a entraîné une hausse importante des arrêts maladies et des burn-out au sein de l'entreprise, alors que la moyenne d'âge de nos salariés est assez élevée".

LE MODÈLE DE LA DISTRIBUTI­ON FRANÇAISE DANS LA TOURMENTE

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