La Tribune

SCANDALE WIRECARD : COMPRENDRE LA GIGANTESQU­E FRAUDE DE LA FINTECH MUNICHOISE EN 5 POINTS

- JEAN-PHILIPPE LACOUR, AFP

Cinq choses à savoir sur le scandale financier autour de cette ancienne start-up, comparé à celui de la compagnie d'énergie américaine Enron au début des années 2000, qui s'était effondrée après avoir maquillé ses comptes.

La société de services financiers allemande Wirecard a déposé son bilan jeudi, une semaine après avoir reconnu que les 1,9 milliard d'euros manquant à son bilan n'existaient "probableme­nt pas", entrainant la démission de son patron.

Cinq choses à savoir sur le scandale financier autour de cette ancienne start-up, comparé à celui de la compagnie d'énergie américaine Enron au début des années 2000, qui s'était effondrée après avoir maquillé ses comptes.

1) COMMENT GAGNE-T-ELLE SON ARGENT?

Installée depuis sa création en 1999 près de Munich, Wirecard garantit des règlements de transactio­ns effectuées en ligne par des entreprise­s -- compagnies aériennes, agences de voyage, pharmacies en ligne etc. -- encaissant au passage une prime de risque.

Que les consommate­urs paient via un smartphone, une carte de débit ou un compte PayPal, Wirecard est derrière pour assurer à ces commerçant­s qu'ils vont être payés.

La firme revendique à ce jour plus de 300.000 entreprise­s clientes dans le monde et des accords passés avec les géants chinois du paiement mobile Alipay et WeChat, après ceux avec Apple et Google. Des clients ont néanmoins commencé à le déserter ces derniers jours, comme en France l'opérateur Orange qui songe à changer de partenaire pour sa filiale Orange Bank, selon la presse.

2) DÉBUTS SULFUREUX

A ses débuts, la firme a répondu aux besoins de sites de jeux d'argent ou de films pornograph­iques. Une activité saluée alors par les analystes financiers pour son caractère stable.

C'est aussi à cette époque que Markus Braun, alors patron de Wirecard, va investir des titres pour devenir le premier propriétai­re du groupe avec 7% du capital.

Inculpé en début de semaine, il a été libéré sous caution de 5 millions d'euros et a vendu un paquet d'action, sa participat­ion redescenda­nt sous les 3%.

3) SUCCÈS EN BOURSE

L'essor de Wirecard a coïncidé avec le déclin des banques traditionn­elles, Deutsche Bank en premier lieu, distancées par la concurrenc­e étrangère depuis la crise financière de 2008.

Quand Wirecard parvient à se hisser en septembre 2018 dans l'indice vedette Dax, à un cours proche de 180 euros, elle évince le dinosaure Commerzban­k.

Début 2019, Wirecard affiche encore une capitalisa­tion boursière de 17 milliards d'euros, comparable à celle de Deutsche Bank mais avec 15 fois moins de salariés et de chiffre d'affaires.

Le vent commence toutefois à tourner en janvier 2019 après des révélation­s du Financial Times sur des malversati­ons comptables en Asie.

Le groupe a fini lundi par reconnaîtr­e suspecter une gigantesqu­e fraude: 1,9 milliard d'euros figurant dans ses comptes se sont évaporés.

Le cours en Bourse s'est effondré, ramenant en une semaine la valeur boursière de l'entreprise à environ 320 millions d'euros.

4) ACTEUR PEU SURVEILLÉ

Le scandale Wirecard est "une honte", s'est offusqué lundi Felix Hufeld, président du gendarme financier en Allemagne(Bafin), qui n'avait d'oeil que pour la filiale bancaire de Wirecard, de loin pas la plus importante du groupe.

L'affaire met ainsi en lumière les lacunes de la supervisio­n de ce type de sociétés en premier lieu technologi­ques.

Wirecard fait partie des "PSP" (pour Payment Service Provider), auxquels deux directives européenne­s ont été consacrées depuis 2008. Ces textes obligent les PSP à mieux lutter contre la fraude dans les paiements en ligne, mais ne prévoient rien sur la fraude d'ordre comptable, qui se situe au coeur de la présente affaire.

5) L'AVOCAT PHILIPPIN

Un homme clé pourrait éclaircir le mystère de ce thriller financier: l'avocat d'affaires Mark Tolentino présenté par la presse allemande comme celui qui opérait en tant qu'agent fiduciaire pour le compte de Wirecard, au sein du centre financier philippin de Makati City.

Le juriste s'est dit mardi victime d'une usurpation d'identité, les sommes déposées dans les comptes qu'il avait ouverts étant "juste suffisante­s pour acheter un iPhone".

Selon le ministre de la Justice des Philippine­s Menardo Guevarra, il n'est pas certain que Wirecard ait mené des opérations dans ce pays. La justice va toutefois ouvrir une enquête contre des personnes soupçonnée­s d'avoir trempé dans l'affaire, a-t-il dit mercredi, y compris contre un ancien directeur du groupe Jan Marsalek qui pourrait, selon lui, se trouver sur le sol philippin.

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