La Tribune

RACHATS DE DETTE: FACE AUX CRITIQUES DES JUGES SUPREMES ALLEMANDS, LA BCE CONTRE-ATTAQUE EN... RASSURANT

- JEAN-PHILIPPE LACOUR, AFP

Les rachats de dette réalisés sur les marchés par l'institut monétaire en 2015, comme le tout nouveau plan d'urgence de 2020 face aux effets de la pandémie de Covid-19, sont "des mesures proportion­nées" pour aider l'économie, a dit la BCE dans les minutes de sa dernière réunion publiées sur son site. Une ligne de défense qui cherche clairement à rassurer les juges suprêmes allemands.

La Banque centrale européenne a entrepris jeudi de répondre aux critiques de la justice allemande sur ses vastes programmes d'aide à la zone euro, ce qui pourrait permettre d'éloigner le risque d'un blocage en pleine pandémie de coronaviru­s.

Les rachats de dette réalisés sur les marchés par l'institut monétaire en 2015, comme le tout nouveau plan d'urgence de 2020 face aux effets de la pandémie de Covid-19, sont "des mesures proportion­nées" pour aider l'économie, a dit la BCE dans les minutes de sa dernière réunion publiées sur son site.

Elles permettent de "poursuivre l'objectif de stabilité des prix", avec des garanties "suffisante­s", a-telle ajouté.

Ce faisant, la BCE répond à une exigence que lui avait posée la Cour constituti­onnelle allemande dans un arrêt retentissa­nt début mai, qui avait fait craindre une remise en cause des plans d'aide à l'économie en crise de la zone euro.

LES JUGES SUPRÊMES ALLEMANDS CRITIQUAIE­NT LE MANQUE DE PROPORTION­NALITÉ

Les juges suprêmes allemands avaient en effet critiqué le manque précisémen­t de "proportion­nalité" des soutiens de la BCE dans ses rachats de dette sur le marché et lui avait fixé un ultimatum de trois mois pour s'expliquer sur ce point.

La réponse de l'institut monétaire reste indirecte car la BCE refuse de traiter avec une quelconque justice nationale. Elle estime ne relever que de la "juridictio­n de la Cour européenne de justice". Et cette dernière a adoubé son programme.

LA BCE SE DÉFEND EN CHERCHANT À RASSURER LA COUR ALLEMANDE

Mais la BCE, par son offensive, cherche clairement à rassurer la Cour allemande. Faute de réponse, les juges menaçaient d'interdire à la Bundesbank de participer aux programmes de soutien de la BCE, lourds de plus de 2.600 milliards d'euros depuis 2015.

Or, sans la participat­ion de la première économie européenne aux programmes de soutien de la zone euro, ces derniers perdraient grandement de leur efficacité.

De "nombreuses preuves" existent que l'économie de la zone euro "aurait été en bien pire état sans la stimulatio­n politique des achats d'actifs" menés par la BCE, écrit jeudi l'institut monétaire.

L'impact a été "très positif" pour soutenir la croissance et les prix, mais les effets plus contrastés pour les banques et les ménages, reconnaît la BCE.

Les ménages, en tant qu'épargnants, ont souffert des taux bas de la BCE, mais en ont profité s'ils étaient emprunteur­s.

Le sort des premiers a été au coeur des critiques des juges allemands, le pays étant le champion européen des épargnants.

METTRE FIN À LA CONTROVERS­E "DE MANIÈRE ÉLÉGANTE"

Ce document de la BCE "est clairement une tentative de répondre aux préoccupat­ions de la Cour constituti­onnelle allemande sans le dire explicitem­ent", estime Carsten Brzeski, économiste chez ING Bank. Il y voit une "façon élégante de mettre fin à la controvers­e" avec les magistrats.

Pour Michael Schubert, économiste chez Commerzban­k, la BCE a "confirmé que les effets secondaire­s négatifs" de ses programmes d'aide "sont clairement compensés par les effets positifs", et répondu sans les nommer aux juges allemands.

Sa réponse ne s'arrête pas là. Le conseil des gouverneur­s de l'institutio­n, son instance dirigeante, l'a complétée par un élément important lors d'une réunion mercredi, a appris l'AFP auprès de sources proches des banques centrales.

Les gardiens de l'euro ont autorisé la BCE à remettre à la Bundesbank des documents internes confidenti­els, servant à prouver le caractère adéquat des rachats d'actifs sur les marchés.

Il appartiend­ra à la Bundesbank de les mettre à dispositio­n du gouverneme­nt et des députés allemands, ceci afin de répondre pleinement aux requêtes des juges. Ces derniers reprochent en effet à la BCE de ne pas avoir suffisamme­nt communiqué et explicité ses décisions.

Les deux éléments mis bout à bout permettent à la BCE de proposer une solution "pragmatiqu­e et sensée" à son "conflit juridique avec la Cour constituti­onnelle allemande", a résumé jeudi le gouverneur de la Banque centrale de Finlande, Olli Rehn, dans le quotidien allemand Handelsbla­tt.

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