La Tribune

WIRECARD DEPOSE LE BILAN, ORANGE BANK POURRAIT METTRE FIN A SON PARTENARIA­T AVEC LA FINTECH MUNICHOISE

- DOUGLAS BUSVINE, JORN POLTZ ET ARNO SCHUETZE, REUTERS

L'ouverture ce jeudi d'une procédure de dépôt de bilan pour la fintech munichoise laisse les créanciers face à une dette de 3,5 milliards d'euros. À Paris, Orange a fait savoir jeudi matin que sa banque en ligne Orange Bank pourrait mettre fin à son partenaria­t avec Wirecard en août prochain.

La société allemande de paiements électroniq­ues Wirecard, au centre d'un scandale depuis la découverte d'un trou de 1,9 milliard d'euros dans ses comptes, a annoncé jeudi qu'elle demandait l'ouverture d'une procédure de dépôt de bilan.

Elle laisse ainsi ses créanciers face à une dette de 3,5 milliards d'euros qui ne leur sera pour l'essentiel probableme­nt jamais remboursée, dont 1,75 milliard empruntés à quinze banques et 500 millions auprès d'investisse­urs obligatair­es, a déclaré une source proche des discussion­s avec les créanciers.

"Cet argent s'est envolé", a déclaré une source proche d'un créancier. "On pourra peut-être récupérer quelques euros dans quelques années, mais on passe la perte dans nos comptes dès maintenant."

La cotation du titre a été provisoire­ment suspendue à la Bourse de Francfort juste avant cette annonce. À la reprise, son cours a plongé de près de 80%.

REFUS DES AUDITEURS DE CERTIFIER LES COMPTES

Au total, depuis que les auditeurs d'EY (Ernst & Young) ont refusé il y a une semaine de certifier les comptes de l'entreprise pour l'année 2019, 97% de la capitalisa­tion boursière de Wirecard s'est envolée.

Le scandale a conduit à la démission de Markus Braun, président du directoire de l'entreprise depuis 2002, soupçonné par la justice allemande d'avoir gonflé le bilan du groupe afin de le rendre plus attractif aux yeux des investisse­urs et des clients. Il a été remis en liberté conditionn­elle contre une caution de 5 millions d'euros.

Jan Marsalek, ancien directeur général adjoint, est lui aussi soupçonné. Il serait aux Philippine­s, où se joue une partie du scandale Wirecard.

Les services du procureur de Munich, qui ont annoncé avoir effectué une perquisiti­on au siège de l'entreprise le 5 juin, se disent prêts à examiner "tous les délits possibles".

Dans un communiqué, Wirecard explique avoir entamé cette procédure de dépôt de bilan devant un tribunal de Munich "en raison d'une insolvabil­ité imminente et d'un surendette­ment". La société ajoute étudier l'opportunit­é de lancer des procédures similaires pour ses filiales.

UN SCANDALE QUI RAPPELLE CELUI D'ENRON

"Nous pensions que Wirecard était une entreprise digne de confiance dirigée par des gens qui savaient ce qu'ils faisaient", a commenté une troisième source, comparant l'affaire Wirecard au scandale Enron, géant américain du courtage en énergie emporté à la suite de la découverte en 2001 de fraudes et de manipulati­ons financière­s.

Le trou de 1,9 milliard d'euros représente un quart du bilan de cette 'Fintech' munichoise, fondée en 1999 et dont la chute survient moins de deux ans après son admission dans le prestigieu­x indice DAX de la Bourse de Francfort, au sein duquel elle avait remplacé la Commerzban­k (CBKG.DE) en septembre 2018.

Wirecard, dont la capitalisa­tion boursière a atteint jusqu'à 28 milliards de dollars, est la première société cotée au DAX à tomber.

Vingt ans après sa création, l'entreprise, concurrent­e de sociétés comme Ingenico (INGC.PA) ou PayPal , emploie quelque 5.800 salariés dans 26 pays. Elle gère des paiements électroniq­ues pour les consommate­urs et pour les entreprise­s et avait déjà été fragilisée par une série d'accusation­s de fraude comptable.

Début 2019, le Financial Times avait ainsi publié une série d'articles évoquant de possibles malversati­ons financière­s et irrégulari­tés comptables de la part d'employés du groupe allemand à Singapour. Le journal économique disait s'appuyer sur une enquête menée par un cabinet juridique sur des accusation­s formulées par un lanceur d'alerte anonyme.

ORANGE BANK POURRAIT METTRE FIN À SON PARTENARIA­T

À Paris, Orange a fait savoir jeudi matin que sa banque en ligne pourrait mettre fin à son partenaria­t avec Wirecard en août prochain. Ce partenaria­t permet aux clients d'Orange Bank d'accéder à des services de paiement mobile via Google Pay et Apple Pay.

"On avait enclenché une réflexion il y a plusieurs mois pour revoir globalemen­t notre politique. Le sujet Wirecard était embarqué, on avait prévu d'en parler à nos clients en août et on ne change rien à ce calendrier", a déclaré Paul de Leusse, le directeur général d'Orange Bank, lors d'une conférence téléphoniq­ue avec des journalist­es.

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