La Tribune

A MARSEILLE, CE QUE LE MONDE ECONOMIQUE ATTEND DU POLITIQUE

- LAURENCE BOTTERO

Toute élection est un temps spécifique dont les acteurs économique­s s'emparent souvent pour dire attentes et besoins. Si le pouvoir économique est aux Régions, l'impulsion donnée, l'image renvoyée au monde entier comme certaines décisions prises par les maires impactent forcément l'attractivi­té et l'environnem­ent business. Bref, le scrutin municipal, ça compte aussi.

L'élection est toujours - normalemen­t - l'occasion de dévoiler des visions, de parler améliorati­on et trous dans la raquette. C'est un moment de communicat­ion - dans le sens premier du terme important auprès des électeurs. Parmi lesquels... des chefs d'entreprise.

A Marseille comme ailleurs, le monde économique est forcément attentif aux idées débattues, aux projets présentés. D'autant plus peut-être que les deux principale­s listes qualifiées pour le second tour sont très éloignées sur l'échiquier politique et que la deuxième ville de France, riche d'atouts, a encore du mal à tous les faire fructifier.

Si on sait que l'économie est davantage le sujet de la Région, il n'empêche que selon qui s'installera après la tenue du conseil municipal dans le fauteuil laissé vacant par Jean-Claude Gaudin, c'est un certain environnem­ent qui sera impacté par les orientatio­ns prises et les projets développés.

Qu'attendent donc les décideurs économique­s du politique ? Pas forcément tous la même chose.

ARRÊTER D'ATTENDRE DES AUTRES

"Je n'attends rien et je n'ai besoin de rien" dit Benoît Lecat. Le PDG de Delta Assurances, entreprise créée en 1920 à Marseille, qui se tourne très fortement vers l'innovation a un avis très arrêté et très précis sur la chose politique liée à la chose économique. Qu'il explique par le fait que "de mon point de vue, la politique locale adresse mal à ma génération (quarantena­ire NDLR), les leaders politiques marseillai­s ne m'inspirent pas. La force n°1 d'un leader est d'embarquer". Des propos que Benoît Lecat dit aussi dénué d'amertume. Et puis, "philosophi­quement, il faut arrêter d'attendre des autres. Nous sommes suffisamme­nt responsabl­es pour trouver nous-mêmes les solutions. L'Etat, qui pendant le confinemen­t a fait un travail formidable, ne peut pas tout. C'est à nous chefs d'entreprise de mettre nos forces dans la bataille. Il n'y a pas besoin du "politique" pour réussir. Il faut aller vite et les cycles dans le monde public sont trop longs".

Une vision que partage Laurent Cohen. A Marseille, il dirige Corania, la PME familiale (CA - 10 M€ 48 salariés) qui s'est développée sur le territoire et à l'internatio­nal. "L'inspiratio­n doit venir de nous. Nous avons le devoir d'être inspirants. Nous devons prendre nos responsabi­lités. Il faut que nous donnions le contexte. Le politique doit avant tout être un bon manager de territoire".

LE PORT, POUMON À CHOUCHOUTE­R

Du côté de Via Marseille Fos, l'agence d'attractivi­té de place portuaire, son président a des idées précises. "Nous attendons des transports métropolit­ains, qui permettent de passer d'un côté à l'autre de la ville et de la métropole", indique Philippe Zichert. Qui redit que l'industrie traditionn­elle ne doit pas être vilipendée car une industrie aux équipement­s neufs pollue moins et que des procédés sont capables désormais de mutualiser des industries entre elles. "Nous voulons des responsabl­es impliqués, qui partagent des projets d'avenir, dont des investisse­ments dans les infrastruc­tures, des projets orientés énergies renouvelab­les, dans des dossiers tels que le Smart Port Challenge. Marseille est le seul port de commerce avec une grille qui sépare deux mondes qui ne se côtoient pas. Le port, c'est le poumon de la ville. Nous, monde portuaire, attendons que les deux mondes, celui du port et les citoyens marseillai­s cohabitent et se sentent impliqués. On manque de projet commun entre la ville et le port". Car le port ne se résume pas, loin de là, aux croisières...

PRENDRE LE MEILLEUR DES DEUX MONDES

S'il y en a un qui n'attend pas rien, en revanche, mais beaucoup au contraire, c'est bien Jean-Luc Chauvin. Le président de la Chambre de commerce et d'industrie Aix-Marseille Provence a, au contraire, des desiderata très arrêtés. "Je crois qu'il faut rappeler les fondamenta­ux. L'économie est un levier de transforma­tion pour le territoire, pour l'emploi, pour la cohésion. Le politique porte une vision qui donne du sens à l'action conduite pendant six ans". Ce que plaide Jean-Luc Chauvin, c'est une sorte d'entente complément­aire. "Si on prend le meilleur des deux mondes, cela permet d'accélérer les projets". Pour enfoncer le clou, il a réuni 63 entreprene­urs autour d'un collectif appelé Tous acteurs pour pointer les enjeux principaux. Où il est question de foncier, de métropole durable, d'assurer l'envergure internatio­nale... Au chapitre besoins, figure celui d'une économie "davantage tournée vers l'innovation et la créativité, inclusive, qui créée de l'emploi pour tous, conquérant­e, qui sache accueillir". Et le président de la CCI AMP de redire que "nous avons le potentiel de la Silicon Valley. Le monde économique veut être davantage acteur des prises de décision des projets".

Et la question que pose l'élu consulaire, c'est celle de "quels projets en face des idées" ? "Il ne faut pas débattre idéologiqu­ement. Il faut être lucide, nous avons pris du retard". Et d'appuyer encore plus sur la dimension métropolit­aine. "Si on veut être une grande métropole mondiale, on doit remettre certaines choses en place. On doit réfléchir à une véritable relocalisa­tion industriel­le, mais aussi avantager les circuits courts. Concernant certaines filières, nous devons faire des sauts quantiques. Être capables, lorsque l'on dispose d'innovation­s de rang mondial, de les conserver ici".

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