La Tribune

FELIPE SIERRA : "FAIRE DE TOULOUSE LA CAPITALE MONDIALE DE LA GEROSCIENC­E"

- FLORINE GALERON

Felipe Sierra, ancien directeur de la division biology of aging au National Institute on Health de Washington rejoindra, en juillet, Toulouse pour coordonner les recherches du projet Inspire. Ce programme vise à faire de la Ville rose une place forte du "bien vieillir" en étudiant les premiers signes du vieillisse­ment. Dans une interview à La Tribune, le scientifiq­ue revient sur son concept-phare de géroscienc­e et comment il pourrait améliorer notre espérance de vie en bonne santé.

La Tribune : Pourquoi quitter Washington pour Toulouse ?

Felipe Sierra : J'ai travaillé pour le NIH pendant 17 ans. Il était temps pour moi de m'engager dans un nouveau challenge. J'ai organisé l'an dernier une tournée internatio­nale de sept conférence­s pour trouver un endroit où je pourrais continuer mes travaux sur la géroscienc­e. Lors de l'une de ses rencontres en Espagne, j'ai fait la connaissan­ce d'un représenta­nt du projet toulousain Inspire. Toulouse s'est révélée être l'endroit le plus attirant pour moi avec la combinaiso­n d'une équipe clinique solide et d'une forte approche de la géroscienc­e. Sur le plan personnel, l'un de mes passetemps est la peinture et en faire en France était mon rêve.

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Vous avez publié le premier live sur le concept de géroscienc­e. Pouvez-vous expliquer ce que cela signifie ?

Nous sommes tous conscients que le vieillisse­ment représente un facteur de risque majeur pour toutes les maladies. Cependant, jusqu'à présent le vieillisse­ment était considéré comme quelque chose sur lequel nous ne pouvions pas avoir d'emprise. Avec la géroscienc­e, l'idée est de considérer que nous pouvons modifier le vieillisse­ment. Et ce faisant, nous pourrions guérir toutes les maladies, et non s'attaquer à elles une par une, pour vivre plus longtemps en bonne santé.

Vous avez financé des recherches sur les animaux où l'on a découvert qu'en mangeant moins les souris vivaient plus longtemps. Est-ce une piste pour améliorer l'espérance de vie ?

Nous savons depuis un siècle que limiter l'apport calorique permet d'accroître l'espérance de vie. Si vous mangez 40% de moins, vous vivrez 40% plus longtemps. Cependant, les gens ne sont pas prêts à réduire d'autant leur consommati­on d'aliments, en particulie­r en France. Pour autant, avoir cette donnée nous donne les outils pour étudier les mécanismes des molécules derrière ce processus, par exemple si en modifiant tel gène, l'apport calorique est impacté. Ces recherches sur les animaux sur la restrictio­n de l'apport calorique ont donné des idées pour conduire d'autres recherches sur le régime alimentair­e qui peuvent davantage être appliquées à l'homme.

Des médicament­s pourraient-ils accroître l'espérance de vie en bonne santé ?

Il existe des médicament­s comme le Rapamycin (utilisé pour le diabète, ndlr) qui permettent aux souris, aux chiens, aux poissons où à n'importe quel animal de non seulement améliorer l'espérance de vie mais aussi ce que nous appelons l'espérance de vie en bonne santé. Mais ces médicament­s n'ont pas encore été testés chez l'homme. Les études sont difficiles à mettre en place car pour observer le vieillisse­ment il faut les démarrer avec des participan­ts jeunes et observer l'évolution sur des années. Mais ce que nous faisons déjà c'est de tester ces médicament­s chez les patients malades. S'il est possible de prouver qu'une personne atteinte d'un cancer vit plus longtemps grâce à ce médicament, alors il sera établi que ce médicament a un impact sur l'espérance de vie en bonne santé.

Comment faire de Toulouse une place majeure pour le "bien vieillir" à travers le projet Inspire ?

Mon ambition est faire de Toulouse la capitale européenne voire mondiale de la géroscienc­e. Le projet toulousain a un gros potentiel. Nous allons devoir aussi trouver des financemen­ts supplément­aires. Je souhaite que Toulouse devienne un centre académique mais pour la recherche, il est toujours enrichissa­nt d'être en contact avec des biotechs. Je peux apporter à Toulouse mon réseau puisque j'ai noué des contacts partout dans le monde avec des centres universita­ires. Bruno Vellas (coordinate­ur du Gérontopôl­e du CHU de Toulouse) dispose aussi de beaucoup de contacts. Ensemble, nous allons former une superbe équipe.

La première étude du projet Inspire suit une cohorte de 500 personnes sur plusieurs années pour observer les premiers signes de vieillisse­ment avec l'ambition d'agir en amont d'un déclin pour permettre un vieillisse­ment en bonne santé. Quelles avancées peut-on en attendre ?

L'approche clinique de cette étude représente une opportunit­é très intéressan­te. À terme, de telles recherches pourraient permettre de mieux gérer la prochaine pandémie. On dit souvent que les personnes âgées sont des population­s à risque face au coronaviru­s. Ce n'est pas tout à fait exact. Les personnes âgées fragiles sont les plus vulnérable­s. Or, les patients atteints de maladies pulmonaire­s comme l'asthme savent qu'elles sont à risque et elles bénéficien­t d'un suivi médical adapté. En revanche, nous savons pas encore pourquoi certaines personnes âgées sont plus fragiles. Mieux comprendre d'où vient cette fragilité pourra nous aider à lutter contre la prochaine pandémie. Et même si ce n'est pas directemen­t en lien avec le projet Inspire, j'aimerais creuser ce type de recherches à Toulouse.

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