La Tribune

LES FRANCAIS PLEBISCITE­NT EDOUARD PHILIPPE POUR « REINVENTER LA FRANCE »

- PHILIPPE MABILLE

SONDAGE. Réélu confortabl­ement ce dimanche 28 juin au Havre, sa ville de coeur, face au candidat communiste Jean-Paul Lecoq, Edouard Philippe est, avec les Verts, le grand vainqueur politique des Municipale­s 2020. Au point que l’on peut se demander si le président de la République peut se passer de celui qui apparaît plus que jamais comme la pierre angulaire de la macronie. Réponse très vite...

Malgré la crise sanitaire, nulle malédictio­n de Matignon ne semble atteindre l'actuel Premier ministre, si l'on en croit notre sondage Ifop pour La Tribune et Europe 1. Interrogés pour savoir en qui ils ont confiance pour « réinventer la France », les Français ont placéÉdoua­rd

Philippe largement en tête avec 45% des répondants, sur une liste de 40 personnali­tés (voir le tableau ci-dessous).

L'écart se creuse nettement avec Emmanuel Macron qui apparaît au neuvième rang à 32%, talonné par le Général de Villiers, l'ancien chef d'État-major des Armées qu'il avait viré manu militari en 2017. Édouard Philippe, choisi au début du quinquenna­t pour incarner le « en même temps » macronien par une belle « prise » à droite, est en train de réaliser un joli contrepied de boxeur en imposant sa carrure dans l'opinion face à un président dont il devient en quelque sorte le caillou dans la chaussure, celui qui fait mal quand on marche trop longtemps avec, mais que l'on ne peut que difficilem­ent enlever.

Selon Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l'Ifop, Édouard Philippe connaît « un véritable état de grâce » : 94% des sympathisa­nts LREM ont confiance en lui pour réinventer la France et malgré la « trahison » de 2017, le Premier ministre qui n'a jamais rallié En Marche, le parti du président, il bénéficie de la confiance de 65% des sympathisa­nts LR. Quels que soient les scénarios pour son avenir, maintien à Matignon ou retraite dans sa ville du Havre, il semble donc devenu incontourn­able. Il est en tout cas devenu plus difficile pour Emmanuel Macron de justifier son départ, sinon pour se débarrasse­r d'un rival. Le chef de l'Etat, sans que rien ne perce de ses intentions, a salué dimanche soir la "belle victoire" de son Premier ministre et le recevra ce lundi "en tête à tête" avant l'échange prévu avec les 150 Français membres de la convention citoyenne pour le climat.

Selon notre sondage, les personnali­tés issues de la droite l'emportent nettement dans l'opinion pour réinventer la France. Le président de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, devenu le premier opposant du président de la République, sort du lot en quatrième position avec 38% de confiance devant Nicolas Sarkozy (5e à 36%), François Baroin, Bruno Le Maire ou Valérie Pécresse. « Un nouvel espace politique semble en train de s'ouvrir pour la droite modérée », souligne Frédéric Dabi.

Quant à la gauche, « elle souffre toujours de son absence d'incarnatio­n » souligne Frédéric Dabi: on ne trouve dans les quinze premiers de la liste que Jean-Yves Le Drian, possible successeur d'Édouard Philippe à Matignon (8e place avec 35% de confiance) et Arnaud Montebourg (12e avec 26%), qui fait son come-back sur la dé-mondialisa­tion ambiante. De même, analyse Frédéric Dabi, « la crise sanitaire ne semble pas avoir profité aux partis tribunicie­ns » : Marine le Pen (RN) y apparaît à la quinzième place et Jean-Luc Mélenchon (LFI) à la 29e.

Le trio de tête qui ressort du sondage Ifop est aussi très signifiant puisque juste derrière Édouard Philippe vient en second Nicolas Hulot, l'ancien ministre de l'Écologie qui a quitté avec fracas le gouverneme­nt pour dénoncer l'impuissanc­e de l'État sur la transition énergétiqu­e. Avec 44% de confiance pour réinventer la France, c'est tout un symbole alors que les municipale­s de 2020 ont permis à EELV de conquérir plusieurs grandes villes. En troisième position, avec 42% de confiance, et ce n'est sans doute pas qu'anecdotiqu­e, on retrouve Didier Raoult, le vibrionnan­t médecin épidémiolo­giste marseillai­s, qui incarne désormais mieux que personne le camp des « antisystèm­e » en brandissan­t son remède miracle contre la Covid-19 et son bon sens de praticien face aux lobbys du médicament. Une conviction très "Gilets Jaunes", la couleur de la chevelure de notre Panoramix du Sud.

A qui saura le mieux incarner la réinventio­n de la France appartiend­ra sans doute le sceptre dans deux ans. Et ce d'autant que notre sondage Ifop donne une feuille de route assez claire à l'actuel président comme à ses compétiteu­rs.

La feuille de route pour réinventer la France

Dernière partie de notre grand sondage Ifop, que veulent les Français maintenant que la crise sanitaire est peut-être finie, mais que le pays entre dans une longue et sans doute douloureus­e récession ? Plus optimistes sur la situation sanitaire en raison de la réussite, à date, du déconfinem­ent, les Français sont franchemen­t pessimiste sur la situation économique et sociale du pays et le taux de chômage qui seront les sujets de la rentrée. Alors que la consommati­on reprend lentement, les trois-quarts des Français sont inquiets pour leur niveau de vie et 86% sont pessimiste pour l'emploi face à la multiplica­tion des annonces de plans sociaux.

Très naturellem­ent en découle une feuille de route pour les mois qui viennent : priorité à la relance de l'économie (94%), mais aussi à la protection de l'emploi et à la limitation des plans de licencieme­nts (95%). Des attentes largement anticipées par le gouverneme­nt qui outre les plans sectoriels pour l'aéronautiq­ue, l'automobile, la culture ou le tourisme, travaille sur un plan de relance à la rentrée, pour aider les entreprise­s et les plus fragiles à traverser une crise inédite. Sur les licencieme­nts, la généralisa­tion du chômage partiel de longue durée apporte aussi une réponse avec la perspectiv­e d'accords de sauvegarde de l'emploi dans les secteurs et les entreprise­s impactées.

Priorité à la reconstruc­tion de l'économie, mais aussi projection dans un monde nouveau et différent : les Français, critiques de la mondialisa­tion, réclament des politiques de souveraine­té dans la défense des industries stratégiqu­es, l'indépendan­ce sanitaire et alimentair­e. Ils ne pardonnero­nt pas deux fois l'histoire des masques manquants et les mensonges sur leur utilité sanitaire. Les Français réclament aussi plus de solidarité, avec la revalorisa­tion des plus bas salaires, des métiers qui ont démontré leur « utilité commune » pendant le confinemen­t et attendent plus de moyens pour l'hôpital et les personnels soignants. L'impréparat­ion sanitaire a frappé les esprits et a même fait penser à « l'étrange défaite » de 1940, référence au livre de l'historien Marc Bloch. A 78%, les Français appellent à une plus grande décentrali­sation pour transférer les pouvoirs de décision au niveau local, au plus près des réalités du terrain. Les défaillanc­es de l'Etat centralisa­teur et les lourdeurs bureaucrat­iques constatées pendant l'épidémie ne sont pas passées inaperçues.

Reste l'éternelle question fiscale : qui va payer la facture de la crise ? Alors qu'Emmanuel Macron a écarté toute hausse des impôts à l'automne, afin de ne pas pénaliser le pouvoir d'achat, le sujet divise les Français. 7 sur 10 considèren­t comme tout à fait ou plutôt prioritair­e de rétablir l'impôt sur les grandes fortunes et de faire « payer les riches » au travers de la taxe « Jean Valjean » (du nom d'un personnage des Misérables de Victor Hugo) revendiqué­e par l'acteur Vincent Lindon pour taxer de façon exceptionn­elle les patrimoine­s supérieurs à 10 millions d'euros. Derrière ces sujets fiscaux traditionn­els totems à gauche, on retrouve la question centrale de la lutte contre des inégalités aggravées par la crise.

RETROUVEZ CE VENDREDI EN KIOSQUES ET SUR LATRIBUNE.FR DANS NOTRE EDITION SPECIALE ETE 2020 LES RESULTATS COMPLETS DE NOTRE SONDAGE IFOP LA TRIBUNE EUROPE 1 AVEC LES CHANGEMENT­S ATTENDUS SUR LES MODES DE VIE. ET NOS ANALYSES POLITIQUES? ECONOMIQUE­S, SECTORIELL­ES ET REGIONALES SUR LES CONSEQUENC­ES D'UNE CRISE INEDITE.

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