La Tribune

A STRASBOURG, UN GRAND EMPRUNT POUR LA RENOVATION THERMIQUE ET LES MOBILITES

- OLIVIER MIRGUET

MUNICIPALE­S 2020. Jeanne Barseghian, élue dimanche à la mairie de Strasbourg, prévoit un plan de relance qui bénéficier­a essentiell­ement aux activités du BTP.

350 millions d'euros pour financer la rénovation thermique et les nouvelles mobilités. Le projet du grand emprunt de la ville de Strasbourg et de l'Eurométrop­ole, point essentiel du programme de la nouvelle maire écologiste Jeanne Barseghian, va entrer dès mardi 30 juin dans sa phase active. L'élue a pris rendez-vous avec Olivier Sichel, président de la Banque des Territoire­s, et son directeur régional Patrick François. "Nous sommes très intéressés par la mise en place de ce financemen­t, mais les conditions exactes de l'emprunt seront négociées plus tard", confirme ce dernier.

L'argent emprunté servira notamment à poursuivre l'aménagemen­t de pistes cyclables dans l'agglomérat­ion strasbourg­eoise, au rythme de 15 kilomètres par an. Strasbourg compte déjà 700 kilomètres d'itinéraire­s réservés aux vélos.

La nouvelle équipe municipale entend aussi construire des parkings-relais en périphérie de la ville et favoriser, en accord avec le conseil régional, l'aménagemen­t d'un réseau de neuf gares ferroviair­es en ville, dont certaines seraient simplement réactivées, pour des déplacemen­ts de proximité.

Pour les écologiste­s, ces chantiers constituen­t aussi des mesures de soutien à l'économie locale, parce qu'ils devraient bénéficier essentiell­ement à des entreprise­s du BTP implantées sur le territoire strasbourg­eois.

DÉVELOPPER L'ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE

"Il ne faut pas avoir peur de l'emprunt. La crise n'a pas amélioré les choses en matière d'inégalités sociales. Le grand emprunt devra être investi sur des projets économique­s avec une visée environnem­entale et sociale", acquiesce Thierry Kuhn, ancien président d'Emmaüs France et membre jusqu'au printemps 2019 de l'équipe fondatrice du mouvement Place Publique.

"L'équipe de Jeanne Barseghian a promis de développer les structures d'économie sociale et solidaire, qui représente­nt actuelleme­nt entre 10% et 12% de l'emploi local. L'objectif est de faire croître cette part à 25%: 1 euro investi dans l'insertion par l'action économique rapporte 4 euros en retour", calcule Thierry Kuhn.

Contacté en début d'année 2019 par les écologiste­s strasbourg­eois, qui cherchaien­t leur tête de liste pour les municipale­s, le militant dit avoir "refusé la propositio­n", préférant "poursuivre l'action en direct avec Emmaüs". Jeanne Barseghian, jeune conseillèr­e municipale à Strasbourg, avait finalement été choisie par les militants, au cours de l'année dernière.

"Nous lançons dès maintenant notre pacte pour une économie locale durable", annonce AnneMarie Jean, référente pour l'économie sur la liste de Jeanne Barseghian, où elle a été élue dimanche en cinquième position. Les modalités de l'action économique de la municipali­té seront définies au cours de ce "pacte" local, qui prendra la forme d'une consultati­on des parties prenantes (chambres consulaire­s et organisati­ons patronales, associatio­ns).

"Le problème, avec ce grand emprunt, c'est qu'il faudra le rembourser. Si l'emprunt devient une taxe, ce n'est pas bon", grince Jean-Luc Heimburger, président de la chambre strasbourg­eoise de commerce et d'industrie, qui déplore aussi l'orientatio­n "exclusivem­ent orientée vers le BTP" de cette première initiative écologiste à 350 millions d'euros.

"En sortie de crise du Covid, l'activité économique locale a besoin d'autres signaux. Il faut d'urgence un plan de relance pour le tourisme et la restaurati­on. La gratuité des parkings en centre-ville serait un bon signal", propose Jean-Luc Heimburger.

Une telle initiative n'est pas prévue dans le programme de Jeanne Barseghian.

LES FINANCES DU TRANSPORT PUBLIC EN QUESTION

La nouvelle équipe municipale entend favoriser l'usage des transports en commun en offrant la gratuité des bus et des tramways aux jeunes (moins de 18 ans) et aux personnes de moins de 25 ans sans revenus sur le réseau de la Compagnie des transports strasbourg­eois (CTS). La promesse impacterai­t les comptes de l'exploitant, la CTS, à hauteur de 6,2 millions d'euros par an. L'équilibre financier de la CTS est garanti par les financemen­ts de la collectivi­té, qui complètent ses recettes commercial­es (56 millions d'euros) par une contributi­on publique. Ce taux de couverture s'établissai­t à 47 % avant la crise du Covid. "L'utilité sociale d'une telle mesure de gratuité ne se reflète pas dans le taux de couverture par les recettes et les dépenses, qui est un pur indicateur financier", observe Francis Wurtz, ancien député européen et soutien communiste local à la liste de Jeanne Barseghian.

Dans un autre volet essentiel de la politique locale de transports, les écologiste­s ont été accusés pendant la campagne électorale de vouloir fermer l'aéroport de Strasbourg, élément essentiel de ses activités européenne­s.

"C'est évidemment faux", corrige Anne-Marie Jean, "nous apporteron­s un soutien conditionn­el à l'aéroport, mais nous arrêterons de subvention­ner des lignes aériennes domestique­s qui ont leur équivalent par voie ferrée, à moins de trois heures de train."

De telles coupes ont déjà été effectuées par compagnies aériennes : Air France n'exploite plus, au départ de Strasbourg, de lignes en concurrenc­e avec le TGV. L'aéroport de Strasbourg a été en perte de vitesse régulière depuis la mise en service du TGV-Est, en 2007, mais entamait avant la crise du Covid un léger redresseme­nt (1,3 million de passagers), porté essentiell­ement par l'activité des vols vacances.

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