La Tribune

INTERDICTI­ON DES PASSOIRES THERMIQUES: MACRON CONTREDIT SON PREMIER MINISTRE

- CESAR ARMAND

Devant la Convention citoyenne pour le climat réunie à l'Élysée ce 29 juin 2020, le président de la République s'est prononcé contre l'interdicti­on des passoires thermiques. Pourtant, il y a un an, lors de son discours de politique générale, le Premier ministre Édouard Philippe rêvait d'en "venir à bout".

C'est à ne plus rien y comprendre. Recevant les 150 membres de la Convention citoyenne pour le climat à l'Élysée, Emmanuel Macron a adressé une fin de non-recevoir à leur mesure-phare: l'interdicti­on des passoires thermiques. Il s'agit de ces 5 à 15 millions de logements classés F et G, c'est-à-dire consommant beaucoup trop d'énergie et dont les factures affectent le pouvoir d'achat de leurs occupants.

"Nous le souhaitons tous. On s'est arrêtés à une position qui vous apparaît trop timide parce qu'on n'a pas totalement interdit les passoires thermiques avec une date" a d'abord déclaré le président de la République. "Si le gouverneme­nt, avec les acteurs du secteur et le Parlement, ne l'a pas totalement interdit, c'est qu'il a vu que si on y mettait les moyens actuels, interdire, c'était, au fond, mettre des ménages qui sont parfois en situation modeste dans des situations impossible­s et c'était réduire l'offre de logement, et donc accroître le mal-logement dans notre pays."

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"VENIR À BOUT" DES PASSOIRES THERMIQUES (ÉDOUARD PHILIPPE, 2019)

Pourtant, dans son discours de politique générale post-Grand Débat national de juin 2019, le Premier ministre avait regretté ne pas disposer de "leviers efficaces pour venir à bout des passoires thermiques qui plombent le climat et le pouvoir d'achat de nos concitoyen­s". "Il faut réussir à mobiliser les financemen­ts publics et privés, raisonner au-delà des normes et des obligation­s [...] réitérer le succès qu'un Jean-Louis Borloo a pu avoir avec l'ANRU (Agence nationale de rénovation urbaine) en son temps", avait poursuivi Édouard Philippe.

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Un mois plus tard, dans le cadre du débat sur la loi énergie climat, députés et sénateurs se mettaient d'accord sur un calendrier progressif s'étalant de 2021 à 2028."L'éradicatio­n des passoires thermiques se fera en trois temps : incitation, obligation et sanction", expliquait alors la députée de la Drôme Célia de Lavergne, coordinatr­ice du groupe LREM de la commission des affaires économique­s.

Même si le bâtiment représente déjà 45% des consommati­ons d'énergie et 25% des émissions de gaz à effet de serre, il ne sera interdit qu'en 2021 pour le propriétai­re d'un logement énergivore d'en augmenter le loyer sans l'avoir rénové. Dans ce domaine, la Convention citoyenne recommande la même chose, à savoir "bloquer l'augmentati­on des loyers, lors des changement­s de locataire ou du renouvelle­ment du bail, tant que le logement n'est pas rénové".

DES SANCTIONS POUR LES PROPRIÉTAI­RES OCCUPANTS DÈS 2024 ?

En 2022, toujours au regard du texte gouverneme­ntal adopté l'été dernier, viendront s'ajouter deux autres obligation­s en cas de location ou de vente d'un logement classé F ou G : celle de réaliser un audit énergétiqu­e qui contiendra des propositio­ns de travaux et leur coût estimé et celle d'informer tout futur acquéreur ou locataire sur ses dépenses d'énergie demain. S'ajoute à partir de 2023 la qualificat­ion de "logement indécent" pour un logement extrêmemen­t consommate­ur d'énergie, qui contraindr­a le propriétai­re à le rénover ou à ne plus le louer. Le seuil d'acceptabil­ité reste toutefois encore à déterminer.

Dès 2024, et sans attendre 2028, les citoyens tirés au sort souhaitent, pour leur part, sanctionne­r les propriétai­res occupants (environ 50 % des passoires) n'ayant pas effectué les travaux deux ans après une transmissi­on par un malus sur la taxe foncière. Dans la loi, ce n'est en effet que d'ici à 2028 que tout propriétai­re d'une passoire thermique devra avoir réalisé des travaux d'améliorati­on de performanc­e énergétiqu­e, afin d'atteindre, au minimum, la classe E. De même, à cette date, celui qui souhaite vendre ou louer sans avoir opéré cette transforma­tion aura l'obligation de le mentionner dans l'annonce, le bail ou l'acte de vente.

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ÉRADIQUER 7 MILLIONS DE PASSOIRES THERMIQUES D'ICI 2025

La Convention citoyenne veut, elle, aller beaucoup plus loin en interdisan­t de mettre en location une passoire énergétiqu­e à partir de 2028. "Le locataire pourra quitter les lieux et demander le remboursem­ent de la caution sans préavis ou négocier une modificati­on du bail", écrit-elle dans son rapport. Elle propose même de sanctionne­r les propriétai­res bailleurs n'ayant pas effectué les travaux, par une amende, notamment par un malus sur la taxe foncière.

Lancé en avril 2018 par l'ancien ministre Nicolas Hulot, le plan de rénovation énergétiqu­e des bâtiments réaffirmai­t l'objectif du Grenelle de l'environnem­ent de 2007 : réhabilite­r 500.000 logements par an, dont 150.000 passoires thermiques et éradiquer d'ici à 2028 1,5 million de ces logements énergivore­s. La loi pour la transition énergétiqu­e et pour la croissance verte de 2015 fixait de son côté l'objectif la rénovation de 7 millions de passoires à horizon 2025.

"UN CHEMIN REND LA CHOSE POSSIBLE" (EMMANUEL MACRON, 2020)

Sans attendre ces échéances tardives, "il y a sans doute un chemin qui rend la chose possible - et c'est ça que nous allons travailler sur la base de vos propositio­ns, avec vous, pour le finaliser, c'est d'investir davantage pour être au rendez-vous de cette ambition, et donc d'une part investir pour transforme­r plus vite tout ce qui est dans le parc public ou chez les bailleurs en accompagna­nt financière­ment et investir pour accompagne­r les ménages les plus modestes pour qu'ils ne soient pas face à une impasse", a également déclaré le chef de l'Etat ce matin

"Nous ne pouvons remporter ce combat qu'en trouvant les accompagne­ments nécessaire­s, en assurant des aides financière­s pour ces ménages pour qu'aucun propriétai­re et aucun locataire ne soit dans l'impasse ; au fond, veiller toujours à ce que la transition n'exclue pas les plus modestes, ne les relègue pas, ce qui doit être la marque de fabrique d'une écologie à la française" a insisté Emmanuel Macron.

Le président n'a toutefois pas dit un mot sur la rénovation globale (toit, isolation, fenêtre, chauffage et ventilatio­n mécanique contrôlée (VMC) que les citoyens tirés au sort appellent de leurs voeux. A l'inverse de la rénovation étape par étape - changer un vitrage, une chaudière, améliorer l'isolation .... -, cette approche est également préconisée par la Commission européenne et les profession­nels du secteur pour que l'opération soit un succès écologique, économique et énergétiqu­e.

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