La Tribune

CITROEN: COMMENT LA MARQUE A REGAGNE SA PLACE EN REINVENTAN­T SON STYLE

- NABIL BOURASSI

Après la déconfitur­e des années de crise, la marque automobile française a su repenser son identité grâce à une gamme renouvelée combinant originalit­é et caractère. Citroën regagne ainsi des parts de marché, toutefois encore circonscri­ts à ses marchés historique­s. La direction se prépare désormais à une offensive à l'internatio­nal...

Une véritable curiosité... Avec ses formes iconoclast­es, la nouvelle C4 a surpris le monde de l'automobile. Présentée mi-juin, la nouvelle berline de Citroën joue malicieuse­ment dans l'ambiguïté de son identité: berline ou SUV ? Administra­tivement classée comme une berline, elle semble pourtant davantage succéder à la C4 Cactus qu'à la C4, aux formes classiques. Pour autant, Citroën marque un nouveau tournant dans sa stratégie de gamme, confirme l'ancrage de sa nouvelle identité de marque et surtout, se redonne les moyens de rebondir.

UNE CLIENTÈLE DÉSORIENTÉ­E

Il faut dire que la marque aux chevrons revient de loin en termes de positionne­ment... Il y a dix ans, elle présentait une "ligne distinctiv­e" avec les DS3, DS4 et DS5 au cahier des charges plutôt haut de gamme, avant d'annoncer au début des années 2010 une marque qui reviendrai­t sur "l'essentiel", aussitôt interprété­e comme une approche low-cost. En clair, la marque traversait alors une crise identitair­e majeure coincée entre sa force d'innovation, et la contrainte de ne pas empiéter sur le territoire de Peugeot, l'autre marque du groupe. Ces atermoieme­nts ont été aggravés par l'absence de SUV au moment même où ce segment était en pleine dynamique. L'exfiltrati­on de la gamme DS en une marque à part par Carlos Tavares en 2014, a achevé de désoriente­r la perception de la marque. "Il ne s'agit pas de victimiser mais de trouver le meilleur moyen de rebondir", avait alors rétorqué le très darwiniste Carlos Tavares. Il charge ainsi une équipe de quatre cadres pour relancer la marque: Alexandre Malval pour le design, Xavier Peugeot pour le plan produit, Arnaud Belloni pour le marketing et Linda Jackson avec le poste de Directrice générale de la marque.

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UN ENJEU DE RENTABILIT­É

Pour la filiale du groupe PSA, l'enjeu de l'identité de marque n'est pas du simple marketing, il revêt une dimension financière fondamenta­le. Elle permet de tirer les options et les finitions vers le haut, soit de confortabl­es marges bénéficiai­res. Un consommate­ur qui adhère à l'univers de marque sera tenté d'aller chercher les finitions les plus hautes, au contraire d'une démarche d'achat rationnel qui se contente des versions de base. Avec les premiers modèles, Citroën avait enregistré des premiers signaux encouragea­nts avec de bons scores sur l'option bi-colore, véritable signe extérieur du nouveau design Citroën. Le modèle suivi reste le succès de Peugeot qui est parvenu à susciter une nouvelle dynamique autour de sa marque, assurant ainsi plus de 80% de finitions supérieure­s sur les premiers mois de commercial­isation de chaque nouveaux modèles depuis le lancement du 3008. Ce ratio s'étiole dans le temps mais il reste supérieur à 55%: "du jamais vu", confiait un cadre de la marque au lion. Pour Citroën, l'objectif est donc bien de suivre ce même chemin.

PLUS D'INTERNATIO­NAL

Mais la marque doit également relever un autre défi, celui de son internatio­nalisation. Pour rappel, les ventes de Citroën sont encore essentiell­ement européenne pour 85% des ventes. Vincent Cobée, nouveau directeur générale de la marque, se donne l'objectif d'atteindre un tiers des ventes hors d'Europe en 2025. Une gageure car le travail de reposition­nement de Citroën n'a pas franchi les frontières européenne­s. Au Brésil, Citroën vend encore l'ancienne génération de C3. En réalité, la marque se réserve pour un plan produit spécifique sur les marchés émergents. Dès 2021, Citroën présentera le premier modèle d'une famille de trois dédiés à l'Afrique, le Moyen-Orient et l'Amérique Latine. Il s'agira également de s'implanter sur l'immense marché indien qui promet une croissance exponentie­lle sur la prochaine décennie.

Chez Citroën, on se réjouit du succès de la stratégie de reposition­nement de la marque. Il est vrai que la marque aux chevrons avaient vu ses ventes s'effondrer à quelques 600.000 unités en

2013 .... Six ans plus tard, il frôle le million d'unités, soit une progressio­n d'un tiers. En 2019, elle enregistra­it la plus forte progressio­n sur le marché européen. Mais pas question d'aller trop vite assure Vincent Cobée. "Mon objectif c'est la qualité de fabricatio­n et la satisfacti­on client, aujourd'hui, notre part de marché de 5% en Europe est méritée, elle n'est pas achetée", explique-til à La Tribune. Autrement dit, la marque cherche davantage à consolider sa marque plutôt qu'à courir derrière les volumes. Pour Arnaud Belloni, le patron du marketing, selon qui "la C4 est le modèle le plus représenta­tif" de la stratégie de reposition­nement de la marque, "l'objectif est d'augmenter le nombre de ventes par silhouette". Car Citroën n'entend pas multiplier les modèles... Pas plus de huit silhouette­s et quelques déclinaiso­ns régionales devraient achever la gamme.

Si la stratégie semble sur les rails, l'équipe dirigeante devra néanmoins trancher un dernier volet non moins important qui est l'avenir de la marque en Chine où les ventes n'ont cessé de s'effondrer ces dernières années. Mais pour l'heure, Citroën n'a pris aucune décision. Pourtant, avec 51.000 voitures vendues en 2019, la marque n'échappera pas à une revue stratégiqu­e structuran­te.

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