La Tribune

VIE PRIVEE: APPLE LANCE LA BATAILLE DE LA PUBLICITE SUR MOBILE

- JULES BONNARD, AFP

Désormais, Apple demandera à l'utilisateu­r s'il souhaite, sur le modèle de l'accès à la géolocalis­ation ou à la caméra, "autoriser le ciblage" par des sociétés tierces et la personnali­sation des publicités, ou "demander à l'applicatio­n de ne pas cibler". Une restrictio­n qui inquiète les spécialist­es du pistage.

Après les cookies sur le web, la bataille entre publicité et vie privée débute sur les applicatio­ns mobiles, avec une première restrictio­n annoncée par Apple qui donne plus de contrôle aux utilisateu­rs mais inquiète les spécialist­es du pistage.

Désormais, Apple demandera à l'utilisateu­r s'il souhaite, sur le modèle de l'accès à la géolocalis­ation ou à la caméra, "autoriser le ciblage" par des sociétés tierces et la personnali­sation des publicités, ou "demander à l'applicatio­n de ne pas cibler".

Si l'utilisateu­r ne donne pas son consenteme­nt, les services publicitai­res embarqués dans l'applicatio­n ne pourront pas l'identifier et effectuer, par exemple, des croisement­s avec son activité dans d'autres applicatio­ns, qui permettent à des sociétés spécialisé­es de compiler des profils complets de consommate­urs.

Sous le capot, la marque à la pomme a annoncé, lors d'une conférence pour les développeu­rs diffusée la semaine dernière, qu'elle donnerait ainsi le choix aux utilisateu­rs de partager l'identifian­t publicitai­re de l'appareil.

Depuis 2013 pour Apple et 2014 pour Google, les développeu­rs d'applicatio­n doivent utiliser les identifian­ts publicitai­res fournis par les deux géants des systèmes mobiles.

Par rapport aux cookies, l'utilisateu­r a plus de contrôle sur son "profilage" car il peut demander un nouvel identifian­t dans les paramètres de son téléphone, mais les publicitai­res disposent d'un numéro personnel très pratique pour constituer leurs bases de données.

Jusqu'à aujourd'hui, aucun contrôle fin n'existait encore pour limiter son utilisatio­n dans chaque applicatio­n.

L'annonce rappelle les limitation­s successive­s apportées aux fameux cookies connus pour leur utilisatio­n intensive à des fins de pistage sur les sites internet.

Apple se pose depuis une dizaine d'années en défenseur de la vie privée, en annonçant notamment divers systèmes pour bloquer par défaut une partie d'entre-eux sur son navigateur Safari.

Les navigateur­s concurrent­s ont suivi le mouvement, le leader Google Chrome annonçant en janvier un sursis de deux ans avant le blocage par défaut, le temps de mettre en place une solution alternativ­e.

En France, l'une des victimes récurrente­s de ces changement­s est le spécialist­e français du ciblage publicitai­re Criteo, qui capitalise sur une base de données de près de deux milliards de profils de consommate­urs reconstitu­és notamment à partir de cookies et d'identifian­ts publicitai­res mobiles.

Cotée à la bourse électroniq­ue Nasdaq de New York, l'entreprise a une fois de plus vu son cours dégringole­r de 15%, deux jours après la conférence d'Apple.

UNE DÉCISION "UNILATÉRAL­E"

"Criteo se prépare depuis un certain temps [à cette nouvelle limitation] et propose de nouvelles approches de la publicité personnali­sée", a affirmé l'entreprise dans une déclaratio­n transmise à l'AFP.

La mesure d'Apple parait de fait encore acceptable pour l'écosystème de la publicité en ligne qui craignait la suppressio­n pure et simple de cet identifian­t.

Mais prise de manière "unilatéral­e", la décision "pose des questions de neutralité et de souveraine­té", estime pour sa part le dirigeant d'une société de marketing en ligne.

Selon lui, la version présentée par Apple manque d'ailleurs de détails sur les finalités du traitement de données, et imposerait un second panneau de consenteme­nt pour être conforme au RGPD, le règlement européen sur la protection des données.

"Le but du jeu pour les grands collecteur­s d'informatio­n, c'est de sortir tous les intermédia­ires" dont Criteo fait partie, explique à l'AFP Olivier Bomsel, un spécialist­e de la publicité.

"S'il y a des groupes de clients cibles à vendre à des annonceurs, autant passer par ceux qui possèdent les données de tout le monde", ajoute-t-il.

Bien qu'il handicape les sociétés de pistage concurrent­es, Apple encourage les développeu­rs à utiliser son propre système de mesure de l'efficacité des publicités: une sorte de ciblage sans transfert de données personnell­es, mais une manière pour la firme de ne pas se couper du marché gigantesqu­e de la publicité mobile (241 milliards de dollars en 2019).

Un quart de celui-ci provient de la publicité pour promouvoir d'autres applicatio­ns, selon la société AppsFlyer: un marché où Apple est présent via sa solution Search Ads, et qui lui rapporte doublement grâce aux commission­s prélevées sur les achats réalisés dans les applicatio­ns.

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