La Tribune

A NOZAY, LES SALARIES DE NOKIA CLAMENT LEUR DESARROI

- PIERRE MANIERE

Plusieurs centaines de salariés de l’équipement­ier télécoms finlandais se sont rassemblés devant le site de Nozay (Essonne), ce mardi, pour protester contre un nouveau plan de suppressio­n de postes.

Les retrouvail­les sont amères. Ce mardi, plusieurs centaines de salariés de Nokia France se sont rassemblés sur le site de l'équipement­ier télécoms à Nozay, en Essonne. Jusqu'alors, presque tous étaient en télétravai­l, et ne s'étaient pas revus depuis le confinemen­t. Mais derrière les salutation­s cordiales, l'atmosphère est lourde. Tous sont venus, à l'appel des syndicats, dénoncer un énième et vaste plan de suppressio­n de 1.233 postes dans l'Hexagone. Un tiers des effectifs d'Alcatel-Lucent Internatio­nal, qui développe notamment la 5G, la nouvelle génération de communicat­ion mobile, sont visés. Nozay doit en payer le plus lourd tribut : 831 postes, principale­ment en R&D.

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Devant le site, les salariés, qu'ils soient ingénieurs, employés à des fonctions support, syndiqués ou non, sont désabusés. Ce quatrième plan social depuis le rachat d'Alcatel-Lucent par Nokia en 2016 apparaît comme celui de trop. Beaucoup ne prennent plus de gants. Certains parlent de « trahison ». D'autres de « bras d'honneur », de « foutage de gueule ». Au micro, un syndicalis­te appelle à mettre Thierry Boisnon, le président de Nokia France, « en prison ». Nombre de salariés jugent que ce plan social, le premier à s'attaquer à la sacro-sainte R&D, révèle que l'équipement­ier télécoms finlandais n'a plus d'ambition dans l'Hexagone.

« LEUR OBJECTIF, C'EST DE FERMER LA FRANCE »

« Nous ne voulions sans doute pas y croire, mais leur objectif, c'est probableme­nt de fermer la France », se désole Isabelle Strassen, de la CFE-CGC. Avec le recul, elle estime que Nokia n'avait, essentiell­ement, qu'un objectif en rachetant Alcatel-Lucent : rafler ses grosses parts de marché aux Etats-Unis, et faire main-basse sur ses 20.000 brevets. Mais pas de développer les pôles français d'excellence, comme ceux dédiés à la recherche dans les télécoms à Nozay ou sur le site de Lannion (Côtes d'Armor).

La colère des salariés est d'autant plus grande que beaucoup ont l'impression d'avoir été roulés dans la farine. Et pour cause : en rachetant Alcatel-Lucent, Nokia avait pris plusieurs engagement­s, tous arrivés à échéance, de maintien de l'emploi et de renforceme­nt des troupes en R&D. De nombreux collaborat­eurs y voyaient une garantie que la France continuera­it à compter dans les années à venir. La plupart ont en mémoire les mots d'Emmanuel Macron, qui a autorisé le deal en 2015 en tant que ministre de l'Economie et des Finances, promettant qu'il n'y aurait « aucune destructio­n d'emplois en France »...

MÉFIANCE À L'ÉGARD DE BERCY

C'est ce qui explique, notamment, la méfiance actuelle des syndicats à l'égard de Bercy. Aujourd'hui, le ministère, qui argue qu'il ne peut pas arrêter un PSE, souhaite limiter la casse et sauver quelques centaines de postes. Une ligne qui ne satisfait pas du tout Pascal Guiheneuf, de la CFDT. Son message est clair : « Nous avons été très déçus par Bercy. Ils doivent muscler leur jeu. Notre revendicat­ion : c'est supprimer le PSE et en finir avec ce plan cynique. »

Les syndicalis­tes comptent notamment sur le soutien de deux parlementa­ires LREM : Eric Bothorel et Marie-Pierre Rixain, respective­ment députés des Côtes d'Armor et de l'Essonne. Le premier, fin connaisseu­r des télécoms et du numérique, a récemment tiré à boulet rouge contre ces coupes d'effectifs, fustigeant « un plan de fin qui ne dit pas son nom ». La prochaine mobilisati­on des salariés de Nokia est prévue le 8 juillet, à Paris. Ce jour-là, les salariés de Nozay et de Lannion marcheront de la place Montparnas­se à l'ambassade de Finlande. Avec l'espoir, d'ici là, d'avoir engrangé davantage de soutiens.

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