La Tribune

AVEC JEAN CASTEX, UNE NOUVELLE METHODE POUR GOUVERNER

- PHILIPPE MABILLE

ÉDITO. Un sarkozyste remplace un juppéiste à Matignon. La droite peut être rassurée, Macron continuera à réformer, mais avec une méthode nouvelle, plus proche du terrain. Le président prend cependant le risque de propulser Edouard Philippe, désormais libre, en champion de la droite modérée pour la présidenti­elle.

Avec la nomination de Jean Castex, le « Mr Déconfinem­ent » architecte en chef de la remise en marche du pays depuis le 11 mai, Emmanuel Macron choisit un casting assez inattendu pour Matignon, mais assez machiavéli­en aussi quand on y regarde de près. On attendait une femme, au profil de directrice de cabinet, par exemple Florence Parly, la ministre de la Défense. Mais Jupiter a finalement porté son choix sur un homme, de droite, élu local et inconnu du grand public.

La nomination de l'élu de Prades (petite bourgade des Pyrénées-Orientales) est dans l'air du temps. Alors que la crise sanitaire a révélé les faiblesses d'une France trop jacobine, trop « verticale » et bureaucrat­ique, à l'image de la gestion désastreus­e des stocks de masques, nommer un homme de terrain adresse un message fort.

D'un point de vue politique, la droite conserve Matignon : Jean Castex, secrétaire général adjoint de l'Elysée sous Nicolas Sarkozy et membre du cabinet de Xavier Bertrand au ministère de la

Santé lors de l'épidémie de H1N1 est un casting assez idéal pour remplacer un Edouard Philippe devenu trop populaire et redonner la main à un Emmanuel Macron dont le parti présidenti­el vient de subir une déconfitur­e aux élections municipale­s.

Alors qu'il faut se préparer à « une rentrée difficile » comme il l'a dit dans la presse régionale, le président de la République reprend les rênes du pays au moment où il veut proposer aux Français un « nouveau chemin », semé d'embûches. Il lui faudra à la fois relancer les réformes, stoppées par la crise sanitaire, notamment celle des retraites, mais aussi relancer l'économie, à coups de milliards d'euros, sauver les entreprise­s des secteurs les plus affectées et l'emploi. Surtout, il devra concilier l'économie et l'écologie pour répondre à la « poussée verte » dans l'opinion, sans renoncer à son ambition de maintenir la France au rang des pays les plus compétitif­s et attractifs du monde.

Faire partir Edouard Philippe au somment de sa popularité est certes un risque pour Emmanuel Macron. Il pourrait bien offrir à la droite et au centre le leader qu'elle cherche en vain depuis la défaite de Nicolas Sarkozy en 2012. Edouard Philippe qui a mis en oeuvre sans états d'âme toutes les réformes libérales du programme macronien, a un espace politique à reconquéri­r depuis sa ville du Havre. Même s'il trouvera sur sa route des concurrent­s, comme Xavier Bertrand, ses atouts sont nombreux et il part la tête haute, malgré les menaces de poursuites judiciaire­s sur la gestion de la crise du coronaviru­s.

Edouard Philippe, l'homme du Nord, élu d'une grande ville, cède la place à un homme du Sud, élu d'une petite commune rurale. A l'élégance du premier répond l'accent chantant du second. Mais la différence ne s'arrête pas là. En creux, la nomination de Jean Castex prépare aussi le terrain pour un changement de style et de méthode. Et ce n'est sans pas un hasard si la veille du remaniemen­t, Richard Ferrand, le président de l'Assemblée nationale, a publié une note assez critique sur la méthode de gouverneme­nt. En clair, l'impopulari­té de la majorité et du chef de l'Etat s'expliquera­it par la rigidité d'Edouard Philippe sur trois sujets qui ont irrité les Français jusqu'à l'explosion sociale des Gilets Jaunes, Ferrand citant en exemple de réformes ratées la taxe carbone sur les carburants, les 80 km/h et ... la réforme des retraites, avec l'entêtement d'Edouard Philippe sur la mesure d'âge. Le coup est bas et rude, mais significat­if d'une volonté d'Emmanuel Macron de changer de méthode à défaut de cap. Changer la méthode, ce sont d'ailleurs les premiers mots prononcés par Jean Castex, sur le perron de Matignon lors de la passation de pouvoir. Le ton est donné pour les deux dernières années du quinquenna­t.

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