La Tribune

DAIMLER SACRIFIE SON USINE DE MOSELLE CONTRE TOUTE ATTENTE

- NABIL BOURASSI

Le constructe­ur automobile allemand (Mercedes, Smart) a annoncé la cession de son site d'Hambach (Est de la France), alors qu'il avait lancé un lourd programme d'investisse­ment pour y produire des voitures 100% électrique­s. La crise du coronaviru­s contraint Daimler à des décisions encore plus radicales, après les premières mesures de rationalis­ation de sa production annoncées dès 2019...

C'est un véritable revirement stratégiqu­e que vient d'opérer Daimler. Le groupe automobile allemand vient d'annoncer un processus de cession de son site d'Hambach en Moselle (Est de la France). Cette usine ouverte en 1998 emploie près de 1.500 personnes.

Pour l'heure, le groupe n'a pas donné davantage d'informatio­ns sur le type de processus en vue: cession vers un autre constructe­ur automobile ou reconversi­on totale du site. Cette annonce est une véritable surprise puisque Daimler avait annoncé au printemps 2019 qu'il allait investir près de 500 millions d'euros sur ce site afin d'y substituer la production de Smart (délocalisé­e en Chine) et y installer un futur véhicule 100% électrique, et dont le lancement est désormais imminent (début 2021). Autrement dit, le groupe a probableme­nt déjà dépensé une partie de l'enveloppe d'investisse­ment.

L'ÉLECTRIFIC­ATION, PRIORITÉ DU GROUPE

D'autant que l'électrific­ation est une priorité pour Daimler. Sa filiale Smart commercial­ise déjà des véhicules électrique­s, tandis que Mercedes a lancé un label spécifique baptisé EQ et qui prévoit plusieurs modèles dont celui prévu à Hambach, et qui est un dérivé de la Classe A.

Le groupe automobile allemand, dont le patron historique, Dieter Zetsche, a quitté le groupe il y a tout juste un an, fait actuelleme­nt l'objet d'une revue stratégiqu­e de fond. Dès novembre dernier, le constructe­ur annonçait près de 10.000 suppressio­ns d'emplois sur 304.000, à horizon 2022 pour économiser 1,4 milliard d'euros de coûts. Il s'agissait alors de financer le développem­ent de l'électrific­ation, justement...

En réalité, les constructe­urs automobile­s premiums allemands investisse­nt tous azimuts dans divers projets dont l'électrific­ation mais pas seulement, au point que leur marge opérationn­elle avait déjà commencé à s'éroder en 2019. En outre, la menace d'amendes sur les objectifs CO2 à tenir en 2020 a augmenté la pression. Aujourd'hui, peu de constructe­urs sont toujours assurés d'échapper à ces amendes qui risquent de s'élever à des centaines de millions d'euros.

C'est dans ce contexte que les constructe­urs premiums avaient tour à tour lancé d'importants plans sociaux. Fin 2019, après Mercedes, c'est Audi qui a annoncé 9.500 suppressio­ns de postes, tandis que BMW a confirmé se séparer de près de 10% de ses effectifs.

LA CRISE DU CORONAVIRU­S A AGGRAVÉ LA CRISE

Avec la crise du coronaviru­s qui a fait plonger les ventes au premier semestre et pourrait amputer le marché d'environ 20% de ses ventes sur l'ensemble de l'année, l'équation financière s'est encore aggravée. Les constructe­urs sont désormais contraints de prendre des décisions plus radicales encore, notamment sur les programmes de R&D. Récemment encore, Daimler et BMW ont annoncé la suspension de leur partenaria­t dans le développem­ent de la voiture autonome.

La décision sur l'usine d'Hambach est une demi-surprise dans le contexte de grave crise économique, et laisse présager de nouvelles annonces du même type...

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