La Tribune

RETRAITES: MACRON VEUT RELANCER SA REFORME COUTE QUE COUTE, LES SYNDICATS METTENT EN GARDE

- GABRIEL BOUROVITCH, AFP

La crise liée au coronaviru­s n'aura pas raison de la réforme des retraites selon Emmanuel Macron qui souhaite mettre en place rapidement une nouvelle concertati­on sur les équilibres financiers. Attention, préviennen­t toutefois les syndicats, à ne pas remettre de l'huile sur le feu en cette période de tensions économique­s et sociales.

Face à l'explosion du déficit du système de retraites, Emmanuel Macron veut relancer sa réforme en commençant "dès l'été" par une nouvelle concertati­on sur les "équilibres financiers", mais les principaux syndicats y sont faroucheme­nt opposés.

Suspendue "sine die" par le chef de l'État mi-mars, la réforme des retraites reste un sujet hautement inflammabl­e.

Dans un entretien à la presse quotidienn­e régionale publié jeudi soir, M. Macron a affirmé qu'"il n'y [aurait] pas d'abandon" de son projet de système universel, qu'il juge toujours "juste", même s'il se dit "ouvert" à ce que sa réforme "soit transformé­e".

Il souhaite aussi "réengager rapidement une concertati­on en profondeur [...] dès l'été sur [le] volet des équilibres financiers" et considère que "la question du nombre d'années pendant lesquelles nous cotisons demeure posée".

En réalité, le problème financier devient brûlant: le déficit du système de retraites devrait approcher cette année le niveau record de 30 milliards d'euros, très loin des 4 milliards attendus avant la crise provoquée par le coronaviru­s.

Lire aussi : Forte dégradatio­n du système de retraites: le déficit attendu autour de 30 milliards d'euros en 2020

Selon les estimation­s dévoilées mi-juin par le Conseil d'orientatio­n des retraites, cette dégradatio­n se concentrer­ait sur les caisses des salariés du privé à hauteur de 27 milliards d'euros, à cause du recours massif au chômage partiel, tandis que les régimes spéciaux et la fonction publique seraient épargnés.

La branche retraite de la "Sécu", l'assurance vieillesse, devrait à elle seule enregistre­r une perte de 15 milliards.

Le régime complément­aire du privé, l'Agirc-Arrco, qui a sollicité une avance de Bercy avant de recourir aux banques pour verser les pensions de juin, n'aura sans doute d'autre choix que de puiser à nouveau dans ses réserves.

Raisons de plus pour reprendre la "conférence de financemen­t" lancée en début d'année et interrompu­e par l'épidémie. Sauf qu'à cette époque, syndicats et patronat avaient déjà du mal à s'accorder pour résorber un "déséquilib­re annuel de l'ordre de 12 milliards d'euros en 2027".

Lire aussi : Retraites: la CGT claque la porte de la conférence de financemen­t, une "mascarade"

"L'HUILE SUR LE FEU"

Aujourd'hui, alors que le feu couve, les intéressés ne sont pas pressés d'y retourner. "On est dans une situation très compliquée économique­ment et socialemen­t", a souligné le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, pour qui "la priorité des priorités, ça doit être l'emploi".

"Des milliers de gens vont arriver malheureus­ement au chômage, 800.000 jeunes vont arriver sur le marché du travail [...]. On ne va pas se remettre à se foutre sur la gueule sur la question des retraites dans cette période", a-t-il ajouté.

S'il "continue à être pour un système universel des retraites", le leader du premier syndicat français a prévenu que "le débat sur l'augmentati­on de la durée du travail serait une ligne rouge".

"Ce n'est vraiment pas le moment de remettre ce dossier sur la table", a également affirmé le numéro un de Force ouvrière, Yves Veyrier, qui entend prendre attache avec les autres dirigeants syndicaux et patronaux pour envoyer un message commun au président de la République: "Il faut qu'on lui dise non".

Après les longues grèves de décembre et janvier, puis le recours au 49-3 à l'Assemblée nationale début mars, "on risque de rouvrir de la tension, un conflit social", a-t-il mis en garde.

"Il faut être très prudent pour ne pas remettre de l'huile sur le feu", pense aussi Dominique Corona, secrétaire national de l'Unsa.

En plein remaniemen­t de l'exécutif, il attend "d'avoir le gouverneme­nt, les arbitrages et la feuille de route" de la nouvelle équipe qui sera chargée de mettre en oeuvre l'emblématiq­ue mais controvers­ée promesse de campagne du candidat Macron.

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