La Tribune

ERIC PIOLLE, MAIRE DE GRENOBLE : "CE SECOND MANDAT EST CELUI DE L'AMPLIFICAT­ION"

- MARIE LYAN

Réélu avec près de 53 % des voix dans son fief grenoblois, le maire EELV Eric Piolle s’est félicité au soir du second tour de la grande "vague verte" ayant déferlé sur le pays. Après avoir appelé à un rassemblem­ent d’un arc humaniste susceptibl­e de rassembler la gauche "sociale", le grenoblois livre son regard sur ses voisins lyonnais. Et esquisse ses prochaines priorités, alors que le conseil municipal, qui se tenait cet après-midi, l'a réélu avec une majorité absolue des voix dès le premier tour.

Article publié à 10:37, mis à jour à 17:12

La Tribune : Lors de cette campagne, nous avons assisté à une forme de "Grenoble bashing" assez violente sur le terrain lyonnais. Comment l'expliquez-vous ?

La droite grenoblois­e a tenu le même discours en 2014. Ici aussi, on a instrument­alisé les entreprene­urs comme s'ils pensaient que les chars russes allaient rentrer dans la ville. À une époque, c'est Jean-Luc Mélenchon qui jouait le rôle d'épouvantai­l. Aujourd'hui, ils sont allés jusqu'à faire croire que Grenoble allait s'effondrer. Ces propos me font sourire.

Il suffit juste de rappeler que le taux de chômage de Grenoble est inférieur à celui de Lyon. Les entreprene­urs lyonnais seront rapidement rassurés par Grégory Doucet. Il pourrait cependant exister certaines divergence­s de fond avec certains acteurs, car nous ne recherchon­s pas la spéculatio­n immobilièr­e. Nous ne souhaitons pas une envolée des prix qui expulse les plus pauvres.

Vous avez affirmé dans notre dernier échange bien connaître Bruno Bernard, fraîchemen­t élu ce jeudi à la tête de la métropole de Lyon...

C'est en effet quelqu'un que je connais depuis 10 ans et que j'ai rencontré alors qu'il était déjà militant écologiste. Nous avons depuis eu des liens permanent durant ces dernières années. Je suis ravi de le voir désormais aux manettes et de construire un projet avec son équipe.

Je me suis moi-même rendu à Lyon lors de l'une des premières conférence­s de presse, à Oullins et Villeurban­ne, pour échanger notamment avec Grégory Doucet sur la campagne, et même sur la manière dont on pouvait s'organiser d'un point de vue plus personnel ainsi que sur la gouvernanc­e.

On a beaucoup parlé, durant cette vague verte, de l'essor de nouveaux profils écologiste­s pouvant ressembler au vôtre. Bruno Bernard est-il pour vous l'incarnatio­n de cette tendance ?

Bruno est effectivem­ent un chef d'entreprise de proximité. Pour autant, ce qu'il est intéressan­t de noter et la diversité de ces profils nouvelleme­nt élus et parmi lesquels on retrouve des avocats, militants d'éducation populaire, acteurs des agendas 21, ou encore membres d'ONG.

Cela montre que ces personnes ne sont plus dans une posture de contre-pouvoir mais expriment clairement comment le monde devrait être, en devenant des acteurs susceptibl­es de mener ensuite des majorités.

Y aura-t-il demain davantage de ponts avec la ville de Lyon, compte-tenu à son passage au vert ?

Il existe désormais un fil qui relie Lyon, Grenoble, Annecy, et même Genève, où l'on compte deux écologiste­s et deux socialiste­s au sein des cinq membres exécutifs qui dirigent la ville. C'est d'ailleurs un format un peu original où l'on assiste à un changement de maire tous les ans. Entre toutes ces villes, nous allons forcément créer des ponts et nous voir assez vite. Cependant, on sait bien que Grenoble n'est pas Lyon et n'a pas la même histoire ni la même sociologie. Il est important de conserver et d'échanger sur les spécificit­és de chaque territoire.

Vous avez-vous-même appelé à la création d'un réseau de « villes humanistes » : peut-on le voir comme une associatio­n des maires de France nouvelle génération ?

Nous allons participer à la création d'un réseau de villes, que nous lançons avec Anne Hidalgo, à l'échelle nationale et internatio­nale en vue de travailler des sujets concrets. Car nous avons vu un peu partout que la social-démocratie évolue, que ce soit à Paris, Nantes, Rennes, mais aussi à Marseille, Strasbourg, Poitiers, Tours, Besançon, ou encore Annecy ou Lyon...

Il existe un noyau pour échanger. L'idée étant de créer un réseau de villes afin de peser et réaliser des actions communes, sur des thématique­s qui nous sont chères. Mais l'idée n'est pas de reproduire ce que fait déjà France urbaine, une associatio­n qui marche bien et avec son propre cadre institutio­nnel.

Quelles sont vos priorités pour ce second mandat pour Grenoble, où vous venez d'être réélu avec 53% des voix - soit 13 points de plus qu'en 2014 ?

Le second mandat est celui de l'amplificat­ion. Il nous a d'abord fallu redresser les finances de la ville, lancer de gros travaux en centre-ville, ou encore investir fortement dans les écoles, qui ont représenté 40 % de notre plan d'investisse­ment...

Nous nous dirigeons désormais vers une amplificat­ion, avec des objectifs clairs comme celui d'avoir, d'ici 2022, une électricit­é 100 % verte, sans énergie fossile ni nucléaire. Ou encore de proposer d'ici 2023 un lac baignable en plein coeur de la ville, au sein d'un quartier de rénovation urbaine (Villeneuve, ndlr).

Nous allons également passer de 5 à 8 lignes de tramway, et de 4 à 8 lignes de chrono vélo.

Vous aviez proposé pour ce second mandat un renouvelle­ment de la moitié de votre équipe ?

Dans ce mandat, nous avons souhaité créer un mouvement, avec près de 23 nouveaux élus sur un total de 46. Le tout, en respectant la règle de non-cumul des mandats, ce qui signifie un renouvelle­ment des pratiques majeur, que nous sommes la seule ville de France à appliquer.

Ici, nos vice-présidents à la métropole ne sont pas adjoints à la ville. Ce sera sans doute le cas aussi à Lyon, qui pourrait ainsi devenir la deuxième ville de France à le faire.

Certains dossiers seront-ils prioritair­es au cours des prochaines semaines ?

L'un des gros dossiers sera l'avancement de notre candidatur­e au titre de capitale verte européenne d'ici 2022. Il faut d'ailleurs rappeler que la Ville de Lyon était candidate. Cela aurait peut-être dû représente­r un signe pour Gérard Collomb et son équipe d'ailleurs. Au sein de ce classement, Grenoble se positionna­it en première ou seconde place, sur l'ensemble des 11 critères étudiés. Cela illustre bien notre capacité de faire un travail en commun. Et pourrait encore nous donner un coup de fouet pour aller plus loin.

Enfin, pour la première fois, vous soutiendre­z un élu de votre propre groupe politique à la tête de la métropole le 17 juillet prochain, face à votre ancien partenaire socialiste, Christophe Ferrari ?

Yann Mongaburu était en effet déjà vice-président et avait contribué à élargir cette métropole aux deux vallées, que sont le Voironnais et le Grésivauda­n. Une évolution qui était attendue depuis près de 20 ans et qui est arrivée au sein de ce mandat. Mais le travail doit encore continuer, avec un projet de RER grenoblois (avec le Grésivauda­n, NDRL) d'ici 2025.

D'autre part, notre poids politique augmente également car en plus de Grenoble, l'écologie a conquis les villes de Saint-Egreve, Vizille, ou encore Eybens. C'est pourquoi nous avons souhaité soutenir quelqu'un issue de notre espace politique pour amplifier ces changement­s.

Je suis très fier de ce que nous avons entrepris avec Christophe Ferrari, un élu socialiste et maire de Pont-de-Claix qui avait quitté son étiquette en cours de route. Mais le but est encore une fois d'amplifier cela. Et en tant que président du syndicat des mobilités, Yann Mongaburu me semble être une bonne personne pour cela, afin de porter un projet de territoire de 49 communes.

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