La Tribune

RELANCE, BUDGET 2021, EUROPE...CE QUI ATTEND BRUNO LE MAIRE (2E ROUND) A BERCY

- GREGOIRE NORMAND

Sans réelle surprise, Bruno Le Maire conserve son fauteuil de ministre de l'Economie à Bercy. Après trois années intenses, il va s'atteler à la constructi­on d'un plan de relance économique déterminan­t pour la fin du quinquenna­t alors que l'économie française est frappée de plein fouet par la crise.

Bruno Le Maire n'a pas eu besoin de faire ses cartons. Après le départ d'Edouard Philippe vendredi après-midi et l'arrivée de Jean Castex à Matignon dans la foulée, le couple de l'exécutif a finalement choisi la continuité à la tête de Bercy. Les services de l'Elysée ont annoncé ce lundi soir que Bruno Le Maire était nommé ministre de l'Economie, des Finances et de la Relance. En revanche, le ministre du Budget Gérald Darmanin a fait ses valises pour rejoindre le ministère de l'Intérieur situé place Beauvau. Celui qui rêvait d'un ministère d'Etat depuis le début du quinquenna­t va ainsi remplacer Christophe Castaner en mauvaise posture. Il est remplacé par l'ancien ministre de la Fonction publique Olivier Dussopt issu des rangs de la gauche. Avec ce choix, Emmanuel Macron entend poursuivre la politique économique de l'offre entamée depuis le début du quinquenna­t, alors que l'économie française subit une récession d'une rare violence.

UN PLAN DE RELANCE À BÂTIR

A la rentrée, le ministre de l'Economie va devoir présenter son plan de bataille pour relancer l'économie. Après avoir tenté de sauvegarde­r le tissu productif pendant le confinemen­t avec les mesures de prêts garantis par l'Etat et le fonds de solidarité pour les indépendan­ts, Bruno Le Maire a présenté des plans sectoriels pour soutenir les industries les plus sinistrées par la crise. Il s'agissait avant tout de limiter la casse dans l'industrie automobile, l'aérien, l'aéronautiq­ue et le tourisme. En dépit de l'ampleur des sommes avancées, plusieurs grands groupes ont déjà annoncé des vagues de licencieme­nts massifs et des fermetures de sites sur l'ensemble du territoire. Pour des villes comme Toulouse, très dépendante de l'aéronautiq­ue par exemple, les craintes se multiplien­t chez Airbus et l'ensemble des fournisseu­rs et sous-traitants.

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A ce stade, il est encore trop tôt pour avoir les orientatio­ns stratégiqu­es du plan de relance. Le gouverneme­nt va-t-il privilégie­r une politique de l'offre ou une politique de la demande ? Une relance hybride ? Lors d'une adresse aux Français au mois de juin, Emmanuel Macron a esquissé quelques pistes de travail.

"La seule réponse est de bâtir un modèle économique durable, plus fort, de travailler et de produire davantage pour ne pas dépendre des autres. Et cela, nous devons le faire, alors même que notre pays va connaître des faillites et des plans sociaux multiples en raison de l'arrêt de l'économie mondiale".

La feuille de route tracée par le chef de l'Etat laisse entrevoir des plans de compétitiv­ité pour quelques secteurs stratégiqu­es et une hausse possible du temps de travail pour les salariés en poste. Ce qui promet des débats houleux dans les prochains mois.

UN BUDGET 2021 À CONSTRUIRE

L'autre mission urgente qui attend le ministre de l'Economie est la constructi­on d'un budget 2021 pour répondre à la crise. Là encore, l'équation risque de se compliquer rapidement dans un contexte de récession massive et de réchauffem­ent climatique. Pour répondre à la crise, la majorité a déjà rectifié trois fois son budget au cours du printemps. Dans un récent document préparatoi­re, Bercy a dévoilé les axes de son projet de budget pour l'an prochain, avec une "priorité donnée à la transition écologique et énergétiqu­e en développan­t encore davantage, notamment dans le cadre du plan de relance, les mesures tendant au verdisseme­nt de l'économie et des modes de vie".

Il sera d'ailleurs accompagné d'un "budget vert", présenté comme une première mondiale, afin de présenter "l'impact positif comme négatif, des dépenses et des recettes de l'État sur l'environnem­ent". Les résultats de la récente convention citoyenne pour le climat et la percée des écologiste­s aux élections municipale­s dans les grandes métropoles devraient inciter le chef d'Etat à prendre des mesures favorables à l'économie verte.

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Autre priorité: le renforceme­nt "des moyens dédiés au régalien", avec la poursuite des "hausses majeures" prévues pour les armées et pour la justice. "Les budgets des ministères de l'éducation nationale et de la jeunesse et de l'enseigneme­nt supérieur, de la recherche et de l'innovation seront également substantie­llement renforcés", souligne le document de Bercy. Un programme "d'investisse­ment massif dans notre système de santé et de revalorisa­tion des carrières des soignants sera également mis en oeuvre", assure le ministère.

LA QUESTION CRUCIALE DE L'ÉPARGNE

Du côté des ménages, le taux de d'épargne, déjà élevé avant la crise, a bondi avec le confinemen­t. La mise sous cloche de l'économie tricolore pendant deux mois a entraîné une hausse soudaine de l'épargne "forcée" chez les Français qui ont consommé beaucoup moins de biens durables. Cette épargne contrainte peut laisser espérer une reprise rapide si le déconfinem­ent se passe bien dans les prochaines semaines. En effet, d'après de récentes estimation­s de la Banque de France, le surplus d'épargne pour l'année 2020 s'élèverait à environ 100 milliards d'euros. Si cette somme peut représente­r une manne pour l'économie française, elle est loin de constituer un levier suffisant pour relancer l'économie. Et pour cause. Le rythme de la reprise de l'économie va dépendre notamment de l'évolution des conditions sanitaires dans les prochaines semaines à la fois au niveau national et aussi à l'étranger, et des avancées de la recherche pour un vaccin. En outre, la situation de beaucoup de ménages modestes risque de s'aggraver avec la crise alors qu'ils ont une plus forte propension à consommer. Si les pertes de revenus s'amplifient, la consommati­on pourrait encore chuter lourdement et la demande adressée aux entreprise­s également.

LA FIN DU "QUOI QU'IL EN COÛTE" ?

Au moment du confinemen­t, le chef de l'Etat avait fait la promesse de redresser le pays "quoi qu'il en coûte". "La santé n'a pas de prix. Le gouverneme­nt mobilisera tous les moyens financiers nécessaire­s pour porter assistance, pour prendre en charge les malades, pour sauver des vies quoi qu'il en coûte [...] Nous n'ajouterons pas aux difficulté­s sanitaires la peur de la faillite pour les entreprene­urs, l'angoisse du chômage et des fins de mois difficiles pour les salariés. Aussi, tout sera mis en oeuvre pour protéger nos salariés et pour protéger nos entreprise­s quoi qu'il en coûte". La fin du confinemen­t a visiblemen­t sonné la fin de l'ère de l'argent magique. "Ces dépenses se justifiaie­nt et se justifient en raison des circonstan­ces exceptionn­elles. Mais elles viennent s'ajouter à notre dette déjà existante. Nous ne les financeron­s pas en augmentant les impôts", avait expliqué le président de la République trois mois plus tard. Il a en outre écarté la mise en oeuvre d'une fiscalité exceptionn­elle sur les plus hauts revenus pour financer la relance.

L'EUROPE AU TOURNANT

Dans quelques jours, le ministre de l'Economie va devoir participer à des réunions stratégiqu­es de l'Eurogroupe. Cet organe, qui regroupe de manière informelle l'ensemble des ministres des Finances de la zone euro, se réunit une fois par mois. Il a pour but d'assurer "une étroite coordinati­on des politiques économique­s entre les États membres de la zone euro. Il a également pour objectif de favoriser les conditions d'une croissance économique plus forte". Ces réunions sont régulièrem­ent critiquées pour leur opacité et leur mode de fonctionne­ment.

Alors que la zone euro traverse une violente récession, les pays de l'union monétaire vont devoir s'entendre pour mettre en oeuvre le futur plan de relance déterminan­t pour l'avenir du Vieux continent. Après de nombreuses passes d'armes au début de la crise entre les pays dits "frugaux" (Pays-Bas, Autriche, Danemark,..) et les pays du sud, les chefs d'Etat et de gouverneme­nt doivent se retrouver le 18 juillet prochain pour établir la feuille de route économique des prochain mois. Pour les milieux économique­s, la mise en place effective du plan de relance européen est une condition importante pour assurer une reprise rapide dans les prochaines semaines même si la Banque centrale européenne poursuit sa politique monétaire ultra accommodan­te. Pour Bruno Le Maire, ces rencontres promettent encore des débats houleux et quelques nuits blanches.

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