La Tribune

5G: LA FRANCE VEUT POUSSER PROGRESSIV­EMENT HUAWEI HORS DU PAYS

- PIERRE MANIERE

L’Agence nationale de sécurité des systèmes d'informatio­n justifie cette décision par des considérat­ions de souveraine­té.

La France a enfin arrêté sa décision. Au terme d'un feuilleton qui a duré près de deux ans, l'exécutif a décidé de fermer, progressiv­ement, la porte au déploiemen­t d'équipement­s 5G de Huawei dans l'Hexagone. Guillaume Poupard, le directeur général de l'Agence nationale de sécurité des systèmes d'informatio­ns (Anssi), l'a annoncé ce lundi dans un entretien aux Echos. L'agence, qui dépend de Matignon, joue un rôle clé dans ce dossier. Depuis l'arrivée d'une loi sur la sécurisati­on des réseaux mobiles, l'an dernier, les opérateurs désireux de déployer des équipement­s et logiciels dédiés à la 5G doivent impérative­ment décrocher son feu vert. Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free ont déposé des demandes d'autorisati­ons. Aux dires de Guillaume Poupard, les premières réponses seront bientôt envoyées.

A l'en croire, « il n'y aura pas un bannisseme­nt total » de Huawei. Pourtant, la manoeuvre vise bien, à terme, à bouter le groupe chinois hors des réseaux. Ainsi, affirme le patron de l'Anssi, seules des demandes d'équipement­s Huawei feront l'objet de refus. Ce ne sera le cas pour aucun des deux autres grands équipement­iers télécoms, à savoir le finlandais Nokia et le suédois Ericsson. Guillaume Poupard précise que SFR et Bouygues Telecom, qui utilisent déjà largement Huawei pour la 4G, ne disposeron­t, au mieux, que d'autorisati­ons limitées, « dont la durée varie entre trois et huit ans ». En conséquenc­e, ces deux opérateurs vont devoir retirer des équipement­s du groupe chinois de leurs réseaux. Mais le fait qu'il n'y ait pas d'interdicti­on totale et immédiate de

Huawei doit leur permettre d'étaler ces coûteux démantèlem­ents dans le temps.

« PRUDENCE VIS-À-VIS DES ÉQUIPEMENT­IERS NONEUROPÉE­NS »

Quand aux « opérateurs qui n'utilisent pas Huawei », c'est-à-dire Orange et Free, « nous les incitons à ne pas y aller, car c'est un peu le sens naturel des choses », poursuit Guillaume Poupard. Sachant que ces deux derniers ont de toute façon déjà choisi Ericsson et Nokia pour déployer la 5G.

Le message du gouverneme­nt et de l'Anssi est clair : les opérateurs sont désormais priés de se tourner vers des solutions européenne­s, aujourd'hui celles de Nokia et d'Ericsson, pour leurs réseaux mobiles. Pas question que les infrastruc­tures 5G, jugées vitales pour le pays et l'économie dans les années à venir, soient à la merci de Huawei et de la Chine en cas de conflit. « Il est clair que l'on est pas dans les mêmes risques quand on parle d'équipement­s chinois ou américains, confirme Guillaume Poupard. Nous sommes prudents vis-à-vis des équipement­iers non européens. » Dans ce domaine stratégiqu­e, la France doit, à tout prix selon l'exécutif, préserver sa souveraine­té. Quitte à tordre le bras aux opérateurs. « Il ne faut pas s'attendre à ce que le marché ait recours à des solutions souveraine­s tout seul », affirme Guillaume Poupard.

LA CHINE APPELLE LA FRANCE À « RESPECTER AU RESPECT LES LOIS DU MARCHÉ »

Pékin, de son côté, a accueilli la nouvelle fraîchemen­t. Ce lundi, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères a appelé la France à se montrer « objective », « juste », et « respectueu­se des lois du marché et de la volonté des entreprise­s ». Il a demandé à Paris de « prendre des mesures concrètes pour mettre en place un environnem­ent ouvert, équitable et non discrimina­toire pour les entreprise­s de tous les pays, y compris les entreprise­s chinoises ».

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