La Tribune

STARTUP & PGE : "LES BANQUES ONT JOUE LE JEU", SELON LA PRESIDENTE DE LA FRENCH TECH TOULOUSE

- THOMAS ALIDIERES

Avec plusieurs milliards d'euros d'aide à la relance, l'État soutient les entreprise­s innovantes pour affronter la crise à venir causée par la COVID-19. Malgré leur mode de financemen­t fragile, les startups de la French Tech Toulouse semblent pour le moment traverser sans grande difficulté cet épisode. C'est en tout cas le sentiment de la présidente de la French Tech Toulouse, Sandrine Jullien-Rouquié, aussi dirigeante de l'entreprise Ludilabel. Entretien.

La Tribune - Comment les startups de la French Tech Toulouse ont vécu ce confinemen­t ? Peut-on déplorer de la casse au sein des jeunes pousses toulousain­es ?

Sandrine Jullien-Rouquié - Il n'y a eu aucun dépôt de bilan pendant cette crise sanitaire. Les PGE (prêts garantis par l'État) et l'activité partielle ont permis de maintenir à flot les entreprise­s.

Selon notre étude, 20 % des startups qui exercent dans le BtoB ont connu une croissance de leur activité pendant cette période COVID, 30 % se sont stabilisée­s et la moitié ont subit une baisse de leur chiffre d'affaires.

Il est également important de noter qu'aucune levée de fonds n'a été bloquée. Tout ce qui avait été amorcé avant la crise sanitaire a été validé. Évidemment, cela reste à nuancer selon les secteurs. Certains ont pu se développer comme l'e-commerce, la HealthTech, l'éducation avec SchoolMouv et tout ce qui est dispositif de télétravai­l, d'autres comme l'hôtellerie ou la restaurati­on ont été beaucoup plus impactés...

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Comment la French Tech Toulouse a pu intervenir et aider ces startups pendant cette période ?

Nous sommes 9 entreprene­urs emblématiq­ues de la région à gérer la French Tech Toulouse et nous sommes donc conscients des vrais besoins, et assez pragmatiqu­es. Nous avons cartograph­ié tous les services et nous avons pu combler les trous de la raquette et fédérer les différents catalyseur­s. Pendant la crise sanitaire, nous avons continué dans cette démarche, en assurant une connexion directe entre l'État, la banque de France, l'Urssaf et les startups, via notamment une cellule de continuité économique régionale.

Nous avons également organisé des rencontres avec des entreprene­urs expériment­és qui ont traversé des crises et qui donc ont pu conseiller les néo-entreprene­urs, par exemple en leur expliquant de protéger en priorité leur trésorerie. C'est un réflexe que certaines startups n'auraient pas eu, mais ces échanges ont permis de mettre le doigt là-dessus.

Enfin, nous avons diffusé massivemen­t un communiqué réunissant toutes les startups qui proposaien­t gratuiteme­nt leurs services durant le confinemen­t. Les jeunes pousses spécialisé­es dans l'éducation et la HealthTech en ont vraiment profité et ont grossi leur fichier clients. Nous sommes contents de cette communicat­ion, qui fait partie du cahier des charges "mettre en avant nos entreprise­s".

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Au-delà du soutien local, au niveau national deux plans ont été annoncés, à savoir un premier en mars de 4 milliards d'euros et un second plus tard de 1,2 milliard, dédiés aux startups. Comment ont-ils été accueillis par l'écosystème innovant de Toulouse ?

Sur Toulouse, ce qu'on peut témoigner et qui nous satisfait, c'est que les banques ont vraiment joué le jeu par rapport aux PGE et dans un temps record. Il n'a fallu que quelques jours après l'annonce du soutien aux entreprise­s technologi­ques pour que les startups aient les fonds sur leurs comptes.

Pour les entreprise­s qui n'y ont pas eu accès, il y a eu un abondement de 80 millions d'euros du fonds French Tech Bridge, dont l'enveloppe atteint un total de 160 millions d'euros. Celui vise à financer des entreprise­s entre deux levées de fonds, sans parler du lancement d'une offre de prêts, d'un total de 100 millions d'euros, gérée par BPI France.

Il y a aussi le "PlanTech", avec une préoccupat­ion particuliè­re de l'État face aux fonds étrangers. Ainsi, via le dispositif "French Tech Souveraine­té", un véhicule d'investisse­ment géré par BPI France à vocation à la fois offensive et défensive de 150 millions d'euros, l'idée sera de soutenir et protéger des entreprise­s technologi­ques d'avenir.

Malgré tous ces plans, est-ce que la crise économique qui s'annonce ne va pas mettre à mal l'entreprene­uriat et l'innovation ?

C'est possible, mais c'est avant tout un problème de communicat­ion. Le message que nous adressons aux jeunes diplômés est de créer leur propre entreprise en leur faisant comprendre que ça peut être une vraie alternativ­e à la recherche d'emploi. On recommande à tous les boursiers d'adhérer au programme French Tech Tremplin par exemple. Il faut se lancer et ne pas avoir peur. Aujourd'hui, par exemple, on sait qu'un chercheur sur deux est motivé pour la création d'une entreprise, il faut qu'ils saisissent les leviers disponible­s et sautent le pas...

Néanmoins, le mode de financemen­t des startups est fragile, notamment pour celles à la recherche de leur première levée et qui tournent généraleme­nt à perte. N'allons-nous pas vers plus de mortalité pour cette catégorie de jeunes entreprise­s ?

Il est clair que pour une startup qui se lance, aller chercher du financemen­t va être plus compliqué après la crise sanitaire de la COVID-19, qu'auparavant. Les investisse­urs vont se montrer un peu frileux, c'est logique. Cependant, pour l'instant il est difficile de sortir quelconque conclusion, la seule chose que l'on constate c'est que ceux qui étaient déjà engagés vont continuer. On a également sondé les investisse­urs locaux, qui semblent être conscients du futur défi à relever.

En parlant de défi à relever, pensez-vous que la vague verte des élections municipale­s va être bénéfique aux startups en donnant davantage d'importance à la transition écologique ?

L'impact écologique était déjà dans notre cahier des charges, notamment via le French Tech Tremplin. Évidemment, on cherche également à évangélise­r les autres startups pour qu'elles travaillen­t mieux, de manière plus verte. Elles sont elle-mêmes mobilisées d'ailleurs, même si c'est compliqué pour certaines PME d'entamer ce virage vert.

Cependant cela va bientôt être indispensa­ble : il y a une vraie demande des particulie­rs sur les matériaux utilisés, sur le recyclage des résidus, etc. En BtoC, c'est incontesta­ble. Aujourd'hui, il est important d'être vert et de réfléchir à l'impact écologique de nos nouveaux produits.

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LE NUMÉRIQUE RECRUTE

Si les startups vont devoir affronter une crise économique inédite malgré les aides de l'État, les recrutemen­ts ne sont pas pour autant à l'arrêt. Selon Alexis Janicot, le directeur délégué de la French Tech Toulouse, 330 offres d'emploi sont à pourvoir dans le numérique en Haute-Garonne, et une grande partie au sein de jeunes entreprise­s.

Un volume d'offre qui a triplé depuis la fin du confinemen­t, avec une dynamique d'embauche précise : selon l'APEC, 33 % des offres de cadres sur la Haute-Garonne concernent la filière numérique.

Pour que ces embauches puissent avoir lieu, la French Tech a décidé de mener une action collective avec plusieurs acteurs de la filière, dont notamment Pôle Emploi Haute-Garonne, qui veut fédérer les acteurs locaux de l'emploi et du numérique pour favoriser les recrutemen­ts de ce secteur.

"Plus de la moitié des offres dans le numérique émanent de startusp et des entreprise­s très actives qui s'adaptent à la situation actuelle. Il faut que nous puissions accompagne­r ces entreprise­s et répondre de manière souple aux besoins du numérique. Beaucoup de demandeurs d'emplois pensent qu'ils n'ont pas la technique ou le savoir-faire. Nous essayons d'ouvrir le numérique à cette adaptation et d'accueillir des publics différents. Nous nous sommes donc développé aux agences de Labège et de Jolimont autour du label "Le numérique embauche" pour faire comprendre qu'il y a de la place pour plusieurs profils, et qu'il y a une belle dynamique !", explique Valérie Villemur, manager de proximité à Pôle Emploi.

En complément de différente­s actions menées dans les semaines à venir par Digital 113, la Mêlée ou la French Tech Toulouse, la plateforme DigitalSki­lls financé par l'État permet aux entreprise­s de la région Occitanie, aux demandeurs d'emploi ou aux organismes de formation de se retrouver sur un Hub numérique, où plus de 1000 formations numériques sont proposées.

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