La Tribune

A L'ERE DU VIRUS, UNE VIE DE BUREAU RECONFIGUR­EE

- CESAR ARMAND

Après trois mois de télétravai­l généralisé, les profession­nels du secteur s’interrogen­t sur l’évolution des espaces à proposer aux salariés.

« Quel que soit l'âge du salarié, son bureau idéal, demain, sera un mix entre un peu plus de télétravai­l et de l'open space avec postes de travail affectés, où l'on peut décider de la distance », assure l'économiste Ingrid Nappi, professeur­e à l'Essec, titulaire de la chaire Workplace Management et autrice d' une enquête sur 800 employés de bureaux.

« Tous les salariés veulent monter d'un grade en termes d'espace de travail : ceux qui sont en flex office veulent travailler en open space, ceux en open space veulent un bureau partagé, ceux en bureau partagé espèrent un bureau privatif », ajoute-t-elle.

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« La crise sanitaire et le confinemen­t ont été un révélateur de la possibilit­é de se passer non seulement d'un bureau en tant que pièce de travail mais aussi des attributs du lieu de travail salles de réunion, bibliothèq­ue, dossiers papier, téléphone fixe... », renchérit l'avocate Catherine Saint-Geniest.

« Si nous savons ne pas retomber dans les habitudes anciennes, c'est une formidable opportunit­é de faire évoluer l'utilité et l'attrait des espaces de bureaux du XXIe siècle, qui doivent devenir des espaces conviviaux de travail en équipe, destinés à favoriser les synergies pendant une partie du temps de travail », poursuit cette responsabl­e du pôle immobilier chez Jeantet.

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D'autant que les bureaux n'ont pas (encore) signé leur arrêt de mort. « Ils ont une valeur et une significat­ion, ils symbolisen­t l'image d'une entreprise forte, une entreprise à laquelle on peut s'identifier », souligne Thomas Georgeon, le directeur général de la Société de la tour Eiffel, une foncière spécialisé­e dans les bureaux dans le Grand Paris.

UN "TICKET BUREAU" SUR LE MODÈLE DU TICKET RESTO

De la même manière, « un jour de télétravai­l, c'est vivable, deux jours, vous tournez en rond chez vous », rappelle Clément Alteresco, président-fondateur de Morning (groupe Nexity). « Nous demeurons des animaux sociaux ! », insiste celui qui défend la création de « tickets bureaux » sur le modèle des tickets resto.

Pour les défenseurs du home office, « la question : "Où êtes-vous ? n'importe plus. "Que réalisezvo­us ? prédomine désormais », explique Ulysse Dorioz, directeur de la transforma­tion à la Région Île-de-France et copilote de la politique des bureaux au nouveau siège de Saint-Ouen avec la DRH Fabienne Chol.

« Un poste de travail au bureau coûte entre 10.000 et 15.000 euros, quand une bonne connexion Internet chez soi grâce à la fibre optique coûte 500 euros maximum. Cela mérite réflexion », appuie Lawrence Knights, cofondateu­r de Kwerk et concepteur du classement

Wellbeing [bien-être, ndlr].

« Il s'agit d'en finir avec les deux heures de bouchons quotidiens pour finir entre quatre murs. C'est la fin du bureau, tel qu'il a toujours été conçu jusqu'à aujourd'hui », assène de son côté Florian Delifer, le dirigeant d'OfficeRide­rs, une jeune pousse qui propose des activités de team-building (cours de cuisine, de théâtre, d'improvisat­ion) et de bien-être (méditation, yoga, massage, sport) à des entreprise­s voulant aérer leurs équipes dans des lieux atypiques.

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RÉPONDRE AU DÉFI DE LA QUALITÉ DE L'AIR

Ne serait-ce que pour des raisons de santé publique, le sujet de la qualité de l'air intérieur va effectivem­ent (re) devenir une priorité pour tous les propriétai­res et locataires.

« Cela va demander un travail énorme tant sur l'existant que sur les immeubles neufs, l'air recyclé des bureaux favorisant la propagatio­n du coronaviru­s. Sur le modèle des labels d'efficacité énergétiqu­e, peut-être peut-on déjà imaginer un label sanitaire. Ce sera majeur pour attirer les talents et les conserver », déclare par exemple Xavier Musseau, directeur général exécutif d'Hines France, gestionnai­re d'actifs, investisse­ur et promoteur.

Interrogé sur la possibilit­é de créer une telle certificat­ion, le président du label Certivéa et administra­teur de l'alliance Haute qualité environnem­entale (HQE), Patrick Nossent confie son scepticism­e : « Nous privilégio­ns les démarches plus holistique­s en faveur de la qualité de vie au travail ou du développem­ent durable des bâtiments, réplique-t-il, dans lesquelles la qualité de l'air intérieur est l'un des critères » parmi d'autres, comme le confort thermique d'été.

Avec EDF, son deuxième preneur à bail derrière Orange, et l'incubateur Impulse Partners, le gestionnai­re foncier Covivio vient, lui, de lancer un appel à projets baptisé Air Quality

Challenge [relever le défi de la qualité de l'air] pour dénicher « une solution robuste déjà éprouvée ». « Entre un capteur posé sur une table et un appareil sur un toit, le temps de mesure et de suivi des résultats est différent, de même qu'il ne devra pas s'agir d'une solution qui augmente le bilan énergétiqu­e du bâtiment », précise son directeur de l'innovation Philippe Boyer, qui imagine déjà quelque chose comme les algues qui aspirent les microparti­cules fines et le CO2.

Le promoteur Altarea Entreprise mise, pour sa part, sur « la conviviali­té et le confort, notamment pour les espaces extérieurs ». « Le confinemen­t va très certaineme­nt développer le besoin d'espaces ouverts. Ce besoin d'air frais va rester », prédit son président Adrien Blanc. Consultant associé en bureaux flexibles chez Savills France, Cédric Chirouze ne dit pas autre chose : « Les commerces et l'hôtellerie ont beaucoup de choses à nous apprendre. »

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