La Tribune

A POITIERS, LEONORE MONCOND'HUY, NOUVELLE EGERIE DE L'ECOLOGIE, PASSE AUX TRAVAUX PRATIQUES

- JEAN-PHILIPPE DEJEAN

Elue à la surprise générale au fauteuil de maire de Poitiers, Léonore Moncond'huy, qui était jusqu'ici conseillèr­e régionale de Nouvelle-Aquitaine va commencer à mettre son programme municipal en applicatio­n. Elle entend restructur­er le réseau de transports collectifs du Grand Poitiers, mais aussi participer au soutien de l'économie. Un de ses premiers objectifs : retirer le Grand Poitiers du financemen­t de l'aéroport de Poitiers-Biard. Cette jeune élue veut aussi déclencher dès cet été un plan d'aide pour permettre aux enfants en difficulté de partir quelques jours en vacances, et mise sur une bonne coopératio­n de sa collectivi­té avec la Région Nouvelle-Aquitaine.

Léonore Moncond'huy, la nouvelle maire EELV de Poitiers, à la tête de Poitiers Collectif (Ecologie, justice sociale et démocratie), aura sans conteste été la révélation de ces élections municipale­s 2020. Nettement menée aux points par son adversaire socialiste Alain Claeys au 1e tour, avec 23,89 % des voix contre 28,21 %, la benjamine de ce scrutin municipal rendu exceptionn­el par la pandémie de coronaviru­s et la longue période de confinemen­t qui a précédé le second tour, a littéralem­ent renversé la table, remportant au final l'élection de Poitiers avec 42,85 % des voix.

Devant un Alain Claeys laissé sur place à 35,6 %. Alors qu'à Lille l'affronteme­nt entre le PS et EELV a failli tourner au pugilat, et que la socialiste Martine Aubry l'a emporté au finish sur Stéphane Bally, à Poitiers la jeune égérie écologiste tout juste âgée de 30 ans, elle a fêté son anniversai­re entre les deux tours, a foudroyé le vieux baron socialiste, sans d'autre bruit que celui des bulletins de vote tombant dans les urnes.

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L'AVION AU COEUR DES PREMIÈRES DÉCISIONS

A Bordeaux, Pierre Hurmic, le nouveau maire EELV, à la tête du collectif Bordeaux Respire ! était allié au PS. A Poitiers la question ne s'est même pas posée. Quand on l'interroge à ce sujet Léonore Moncond'huy a l'air presque gêné. "Non il n'y a eu aucune négociatio­n, aucun contact", observe-t-elle, comme pour évoquer l'énormité du fossé qui la séparait de cette icône socialiste poitevine, qui briguait un troisième mandat à la mairie de Poitiers.

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Parmi les premiers gros sujets que va devoir trancher la nouvelle maire et son équipe figure l'aéroport de Poitiers-Biard. Ce dossier, qui mitonne à feu vif depuis bientôt trois ans, semble cuit à point mais pourrait s'avérer plus dur que prévu. Cette plateforme aéroportua­ire (122.504 passagers) est apparemmen­t si dépourvue d'attraits économique­s que la CCI de la Vienne a quitté le syndicat mixte qui la gère et cessé depuis le 1er janvier 2020 de participer à son financemen­t.

750.000 EUROS DE BUDGET À RÉCUPÉRER À L'AÉROPORT

Dans la foulée, la Région Nouvelle-Aquitaine a fait savoir qu'elle ne mettrait pas un centime dans cette structure. Pourtant en octobre 2019 Bruno Belin, président (LR) de la Vienne et patron de l'aéroport, a trouvé un nouveau délégatair­e de service public avec lequel contracter pour s'occuper, pendant 12 ans de Poitiers-Biard, en l'occurrence la société Sealar.

Un choix qui implique le Grand Poitiers, qui dispose de six délégués sur dix-sept au sein du syndicat mixte, et qui s'est engagé à régler 35 % du budget (2,2 millions d'euros). Ce sujet relève légalement de Grand Poitiers communauté urbaine, qui regroupe au total 40 communes et à la présidence de laquelle Léonore Moncond'huy a décidé de ne pas se présenter. Ce qui ne devrait pas changer pas grand-chose au bout du compte, étant donné le poids politique déterminan­t de la capitale poitevine dans cet ensemble urbain.

"Cet aéroport qui coûte déjà très cher au Grand Poitiers, de l'ordre de 750.000 euros, va encore coûter plus cher avec la crise de Covid-19 et la mise à l'arrêt du trafic aérien pendant la période de confinemen­t. Ce que démontrent les études faites à ce sujet. Cet aéroport c'est une ligne vers Lyon et une autre vers Londres... Pour des questions climatique­s et de lutte contre les inégalités sociales nous soutenons la fermeture de cet aéroport. L'argent que met le Grand Poitiers dans cette infrastruc­ture nous en avons besoin pour financer nos projets" déroule Léonore Moncond'huy.

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UNE ALTERNATIV­E À LA VOITURE INDIVIDUEL­LE POUR TOUS

En plus d'une première mobilisati­on prévue dès cet été pour permettre aux enfants défavorisé­s de passer quelques jours de vacances au bord de la mer, et de la création d'animations dédiées au jeune public en centre-ville, la nouvelle maire de Poitiers, ex-scout chez les Eclaireuse­s unionistes, diplômée de Science Po Paris, porte un ambitieux plan concernant les transports en commun et l'alimentati­on.

"L'objectif de créer une alternativ­e à la voiture individuel­le pour tous d'ici la fin du mandat va d'abord passer par la réalisatio­n d'un diagnostic. L'idée générale est de bien connaître la marge de manoeuvre qui sera la nôtre pour développer un important réseau de bus à l'échelle de la communauté urbaine. Un réseau de bus a un coût de fonctionne­ment élevé et nous devons bien calculer en fonction des capacités de financemen­t et des besoins des collectivi­tés. Car il n'y aura pas de gratuité, m ais une améliorati­on très nette du service. Ce plan inclut bien entendu le vélo et le transport ferroviair­e. Sur ce dernier point nous aurons besoin de travailler avec la Région Nouvelle-Aquitaine", souligne Léonore Moncond'huy.

SA PREMIÈRE EXPÉRIENCE D'ÉLUE AURA ÉTÉ RÉGIONALE

Une collectivi­té qu'elle connait bien puisqu'elle est depuis 2016 conseillèr­e régionale EELV, dont elle copréside le groupe politique à l'assemblée néo-aquitaine. La Région est présidée par le socialiste Alain Rousset, qui a toujours veillé à avoir les écologiste­s de son côté plutôt qu'en face de lui. Mais comme l'assure une vieille maxime, être allié ne veut pas dire être ami. Et Léonore Moncond'huy estime qu'Alain Rousset n'épargne pas la minorité politique formée à l'assemblée régionale par les écologiste­s. Malgré tout le fil du dialogue n'est pas coupé.

"Alain Rousset m'a appelé au téléphone une semaine après mon élection à la mairie de Poitiers et j'irai le voir avant de quitter mon mandat de conseillèr­e régionale, à la rentrée. Etre élue à la Région aura été très formateur pour moi. J'ai appris le vocabulair­e en cours dans les collectivi­tés territoria­les, le travail en groupe politique et pu voir la puissance des leviers d'action dont dispose la Région. Oui nous avons des délégation­s, mais nous sommes aussi une minorité politique au conseil régional et les relations avec Alain Rousset sont difficiles. Cela n'a rien d'une partie de plaisir, c'est souvent frustrant", relève la jeune élue.

LE PATRIMOINE MUNICIPAL EN BÂTIMENT À ÉNERGIE POSITIVE

Pas question pour autant de couper les ponts avec la Région. Comme Bordeaux avec Pierre Hurmic, le Grand Poitiers est appelé à coopérer activement avec la Région Nouvelle-Aquitaine.

"La coopératio­n dans le cadre des contrats de territoire­s touche à beaucoup de domaines, dont la recherche, avec les laboratoir­es universita­ires. Un des objectifs sera de faire remonter plus de projets, de faire connaître les fonds régionaux d'interventi­on existant, pour les entreprise­s, l'économie... " éclaire Léonore Moncond'huy.

Elle compte aussi se saisir des aides directes prévues par l'Etat pour venir en soutien des artisans et petits commerçant­s les plus touchés par la crise. Quant à la relance plus purement écologique, Léonore Moncond'huy entend l'articuler en particulie­r sur la bascule du patrimoine municipal bâti à la norme des bâtiments à énergie positive. Puisque pour elle la commande publique doit jouer un rôle majeur dans cette transition énergétiqu­e.

PLUS DE NOURRITURE LOCALE POUR LE GRAND POITIERS

Son programme comprend aussi l'amplificat­ion et la poursuite du Plan alimentair­e territoria­l lancé par son prédécesse­ur et qui doit permettre d'augmenter la part de l'alimentati­on produite localement dans la consommati­on des habitants du Grand Poitiers, en fédérant aussi bien les agriculteu­rs que les transforma­teurs autour de cet objectif. Lors de l'élection de Pierre Hurmic par les nouveaux conseiller­s municipaux de Bordeaux Sylvie Justome, doyenne d'âge également écologiste, a fait un parallèle entre l'actuelle pandémie de coronaviru­s et l'épidémie de peste qui a frappé Bordeaux au XVe siècle lors du second mandat de Michel de Montaigne à la mairie de Bordeaux.

Depuis la France est devenue une république et, toutes proportion­s gardées, malgré les morts du coronaviru­s et l'épreuve du confinemen­t, qui ont profondéme­nt miné le taux de participat­ion à ces élections, il n'est pas exagéré de se dire que la percée écologiste enregistré­e durant ces Municipale­s marque moins un repli dépressif sur soi, que la montée en ligne d'un courant politique ouvert, en phase avec les nécessités de l'époque.

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