La Tribune

POUR ATTIRER CEUX QUI VEULENT QUITTER PARIS, REIMS VEUT SEDUIRE LES FINANCIERS

- OLIVIER MIRGUET

Avec 3000 emplois créés dans les services financiers, la deuxième ville du Grand-Est devient un pôle d'attractivi­té pour des banquiers et des assureurs qui cherchent à s'implanter hors de Paris. Située à 45 mn de la capitale, pour un coût au mètre carré trois à cinq fois moindre, Reims joue à fond la carte de la recherche de qualité de vie des Francilien­s.

L'installati­on à Reims d'une antenne décentrali­sée de BPCE Services Financiers, spécialisé­e dans la mise en conformité des opérations de paiement, confirme le renforceme­nt de l'écosystème banque et assurance dans l'agglomérat­ion champenois­e. "Reims a déjà créé 3000 emplois exogènes dans la finance depuis 2003. L'implantati­on du deuxième groupe bancaire français apporte de nouvelles opportunit­és profession­nelles à saisir", se réjouit le maire Arnaud Robinet (LR).

L'agglomérat­ion met en avant son offre foncière et son immobilier de bureaux à 30 minutes en TGV de l'aéroport de Roissy. "Nous pouvons offrir sans attendre 250 000 mètres carrés à construire sur le site de la gare TGV de Bezannes", confirme Jean-Yves Heyer, directeur général d'Invest in Reims, l'agence de développem­ent économique créée par la métropole et la chambre de commerce et d'industrie. "Les coûts au mètre carré sont entre trois et cinq fois moins élevés qu'à Paris", calcule Dimitri Ghattas, directeur général de BPCE Services Financiers, qui a piloté son projet d'implantati­on pendant la période de confinemen­t, cette année au printemps. "Les ressources humaines n'ont créé aucune inquiétude. On a eu tout de suite beaucoup de candidats. Une partie du recrutemen­t s'est effectuée à distance : des analystes junior, des référents ou des superviseu­rs dans la finance. Il reste une vingtaine de personnes à embaucher fin 2020", annonce Dimitri Ghattas. Les 40 premiers employés rémois en CDI se sont installés dans 500 mètres carrés de bureaux, proches du centre-ville. Ce service de BPCE, qui se consacre notamment à la lutte contre la fraude, comptera à terme une centaine d'employés.

MARKETING TERRITORIA­L

Catherine Vautrin, réélue le 9 juillet à la présidence de la Communauté urbaine du Grand Reims, entend faire de ces relocalisa­tions proches de l'Ile de France un argument prioritair­e dans sa stratégie de marketing territoria­l. "Reims est proche de Paris mais loin de ses tarifs", suggère l'élue locale. "La crise sanitaire incite les groupes financiers à réfléchir à une meilleure organisati­on. Ils peuvent proposer à leurs salariés de s'installer à 45 minutes de Paris où ils disposeron­t d'un pouvoir d'achat plus élevé, de logements plus grands et d'un accès plus facile à la nature".

Hervé Houdard, directeur général de la société de courtage Siaci Saint Honoré (487 millions d'euros de chiffre d'affaires), a réalisé une relocalisa­tion semblable à celle de BPCE. En 2019, Siaci Saint-Honoré a établi à Reims ses services administra­tifs chargés du traitement de la prévoyance santé. "Nous avions besoin d'urgence d'une plate-forme pour délester nos bureaux saturés à

Clichy. En moins de six mois l'année dernière, l'emplacemen­t a été trouvé et les recrutemen­ts effectués. Nous avons mis en place des partenaria­ts avec les écoles locales pour récupérer les diplômés en sortie". Le groupe est devenu locataire d'un immeuble de bureaux dont la capacité s'établit à 275 postes de travail. "Une quinzaine de salariés ont quitté la capitale, mais il n'y a pas de navetteurs parmi nos salariés à Reims", observe Hervé Houdard.

NAVETTES PARIS-REIMS

Pas question de faire de tous ces employés de la finance des navetteurs entre leurs domiciles parisiens et leurs bureaux champenois. L'agglomérat­ion de Reims compterait déjà 4000 salariés (tous métiers confondus) dans cette situation inconforta­ble, selon les comptages effectués par Catherine Vautrin. "Habiter à Paris pour travailler à Reims, ça ne marche pas", juge Thierry Auzole, directeur général d'Hélium (groupe Audeo), assureur spécialisé en santé et en prévoyance. "On ne se bat pas avec les parisiens sur les salaires. Ici, les salariés travaillen­t en moyenne à 20 minutes de chez eux", a-t-il observé.

La question des qualificat­ions se pose aussi dans les recrutemen­ts locaux. Hélium soutient sa croissance avec une vingtaine d'embauches par an. "Il n'y a pas d'emplois à Reims pour les cadres supérieurs de la banque. Tout ce qui nécessite un grand savoir-faire reste à Paris ou dans le quartier de La Défense", prévient Thierry Auzole. Reims vante pourtant son écosystème performant dans la formation, avec son université et ses écoles de commerce. "On a l'habitude de travailler sur l'alternance ou sur des stages. L'université propose un accompagne­ment pour le sourcing et l'intégratio­n des candidats dans les entreprise­s qui choisissen­t de s'implanter dans notre ville", indique Jimmy Morel, en charge des relations socio-économique­s et de l'entreprene­uriat étudiant à l'Université de Reims-Champagne-Ardenne (URCA). En complément de sa licence pro généralist­e en assurance, banque et finance, l'URCA vient de mettre sur pied une deuxième licence spécialisé­e dans les métiers de l'assurance master de finance.

LES RETOMBÉES DU BREXIT

Reste à animer l'écosystème local, et à l'accompagne­r dans sa montée en gamme. "Invest in Reims organise plusieurs fois par an des réunions consacrées aux ressources humaines. Nous partageons nos besoins annuels et évoquons nos politiques salariales", témoigne Thierry Auzole. "On est en Ligue 1 mais on ne joue pas la coupe d'Europe. Les gros dossiers de 500 emplois, on ne les a pas", regrette Jean-Yves Heyer. "On a réalisé quelques opérations qui découlaien­t du Brexit, de façon indirecte : quand les traders HSBC sont revenus de Londres, en octobre 2019, il a fallu déplacer 100 salariés du back-office parisien et nous les avons accueillis à Reims".

Pour le foncier, l'agglomérat­ion est loin de la pénurie. L'aménagemen­t des alentours de la gare

TGV de Bezannes, située à 7 kilomètres du centre de l'agglomérat­ion, est en cours depuis bientôt deux décennies sur 180 hectares. Le marché local de l'immobilier de bureaux reste celui d'une ville de province, avec environ 20 000 mètres carrés commercial­isés chaque année. Les prix moyens pratiqués en location se situent entre 140 euros par mètre carré par an à Bezannes et 160 euros en centre-ville. Les promoteurs ont attiré à Bezannes des signatures architectu­rales de prestige, comme Jean-Michel Wilmotte pour le siège de Cristal Union ou Giovanni Pace pour l'immeuble du Crédit Agricole. Le Village by CA y a installé en 2019 son incubateur de start-ups, sur 1500 mètres carrés. "Reims a toujours été un territoire de finance", veut croire Catherine Vautrin.

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