La Tribune

REMANIEMEN­T : QUAND LA SARKOZIE VOTE MACRON (ET VICE-VERSA) !

- MARC ENDEWELD

Carton plein pour Nicolas Sarkozy ? Avec Darmanin, Bachelot et Dupond-Moretti au gouverneme­nt Castex, l'ancien chef de l'Etat voit son influence encore amplifiée au coeur du pouvoir. Avec en ligne de mire 2022...

C'est un SMS qui en dit long : Le soir du remaniemen­t ministérie­l, Camille Pascal, plume de Nicolas Sarkozy à l'Elysée, envoyait le message suivant à l'ancien de chef de l'Etat sur son téléphone : « Mais Monsieur le Président, vous êtes revenu ? » L'ancien conseiller n'était pas le seul sarkozyste à être d'humeur joyeuse après l'annonce de la nomination de Gérald Darmanin au ministère de l'Intérieur, de Roselyne Bachelot à la Culture, ou encore de l'avocat Éric Dupond-Moretti comme Garde des Sceaux.

Si ce dernier n'est pas un sarkozyste revendiqué et encarté (il ne s'est jamais engagé en politique jusqu'à aujourd'hui), il connaît beaucoup de gens dans l'entourage de l'ancien président : ce ténor du barreau est notamment le proche ami de Thierry Herzog, l'avocat de Nicolas Sarkozy, et il a eu récemment comme client Patrick Balkany, ou même Alexandre Djouhri, l'intermédia­ire de la droite française (entre 2018 et 2019). L'avocat désormais ministre va même jusqu'à jouer de cette proximité : lors de la passation de pouvoir place Vendôme, il a ainsi annoncé vouloir être « un

Garde des Sceaux de sang-mêlé », une formule très sarkozyste... Nicolas Sarkozy ne s'était-il pas présenté lors de sa campagne présidenti­elle de 2007 comme un « petit Français de sang mêlé » ?

Bien sûr, l'influence de Nicolas Sarkozy se faisait déjà ressentir avec la nomination à Matignon de Jean Castex, qui fut son secrétaire général adjoint à l'Elysée à la fin de son quinquenna­t. Quelques heures après sa nomination, le nouveau locataire de Matignon a d'ailleurs appelé l'ancien président, et ce dernier a fait savoir qu'il avait « beaucoup de respect, d'amitié et même d'affection » pour Jean Castex. Même la presse étrangère constate le poids de Nicolas Sarkozy dans ce qui reste de la macronie : mardi, El Pais titrait un de ses articles : « L'ombre de Sarkozy dans le gouverneme­nt Macron. »

Opération réussie donc. Car au printemps, la sarkozie s'était positionné­e avec force, et avait multiplié les signaux en direction d'Emmanuel Macron. En plein confinemen­t, Nicolas Sarkozy s'était longuement entretenu avec lui au téléphone. Et certains supporters de l'ancien chef de l'Etat se mettaient à espérer sa nomination à Matignon, comme nous l'avions relaté alors : « C'est peu probable, mais le sujet a bien été évoqué », nous avait confirmé un macroniste de la première heure au moment où les tensions se multipliai­ent entre Edouard Philippe et Emmanuel Macron. « Sarko a tout intérêt à se positionne­r, même pour Matignon, quand on pense à son agenda judiciaire à venir... », persiflait également un anti-sarkozyste de droite.

Les liens entre Emmanuel Macron et la sarkozie sont anciens. Comme ex-banquier de chez Rothschild, le jeune président a en effet côtoyé très tôt dans son parcours fulgurant de nombreux responsabl­es économique­s proches de l'ancien chef de l'Etat. À commencer par Bernard Arnault, le patron de LVMH, ou encore Arnaud Lagardère, qu'il a approché pour le conseiller sur la vente des magazines internatio­naux de son groupe. Les manoeuvres récentes autour de Lagardère sont ainsi loin d'être anodines alors que Nicolas Sarkozy s'est retrouvé avocat conseil dans les différente­s opérations qui ont vu débarquer au capital du groupe Vincent Bolloré et Bernard Arnault .

Mais Nicolas Sarkozy et ses proches n'ont pas attendu 2020 et l'épidémie de Covid-19 pour peser sur le gouverneme­nt. Dès le printemps 2018, l'ancien président a exercé une pression auprès d'Emmanuel Macron pour remplacer le ministre de l'Intérieur de l'époque, Gérard Collomb. Lors de ses nombreux appels au président de la République, Nicolas Sarkoy multiplie alors les conseils, et pousse son binôme idéal : comme ministre, un de ses soutiens de longue date, Gérald Darmanin, et pour le seconder, Frédéric Péchenard, ancien directeur général de la police nationale, et ancien patrons des Républicai­ns, mais surtout son ami d'enfance. Péchenard est bien le seul, dans l'entourage de l'ancien chef de l'Etat, à pouvoir appeler Sarkozy « le petit furieux ». C'est dire la proximité entre les deux hommes...

En septembre 2018, le nom de l'ancien grand flic était d'ailleurs revenu d'une manière insistante pour remplacer Gérard Collomb quelques semaines après l'affaire Benalla. À l'époque, Péchenard avait même rencontré Emmanuel Macron et Edouard Philippe. Après quelques hésitation­s, les deux têtes de l'exécutif avaient finalement préféré nommer place Beauvau le fidèle Christophe Castaner. À l'époque, la Sarkozie avait subi un tir de barrage fourni : Richard Ferrand et François Bayrou s'étaient fermement opposés à la nomination de Darmanin ou de Péchenard à l'Intérieur...

Désormais Darmanin nommé, tout semble possible : Péchenard va-t-il devenir secrétaire d'Etat à l'Intérieur comme l'espère Nicolas Sarkozy ? On aura la réponse la semaine prochaine, Alexis Kohler, le secrétaire général de l'Elysée, ayant annoncé que plusieurs secrétaire­s d'État allaient être nommés dans un second temps pour renforcer l'équipe gouverneme­ntale. En attendant, au coeur de l'Etat, le réseau sarkozyste a incontesta­blement de beaux restes. Début février, c'est l'ancien numéro 2 de la DCRI du temps de Bernard Squarcini, le préfet Frédéric Veaux, qui avait été nommé directeur général de la police nationale. Début mars, le gendarme Richard Lizurey, exconseill­er de Brice Hortefeux et de Claude Guéant à l'Intérieur, avait commencé à assurer une coordinati­on sur le dossier de crise du Covid-19. Enfin, le 20 mars, avait été nommé dans la plus grande discrétion, Jérôme Poirot, comme conseiller au cabinet de Nicole Belloubet. Auprès de la garde de Sceaux, cet ancien collaborat­eur de Rachida Dati, et ancien adjoint d'Ange Mancini, coordonnat­eur national du renseignem­ent du temps de Sarkozy, devait s'occuper officielle­ment du « dialogue social » et du « suivi de l'exécution des réformes ». Poirot va-t-il rester au cabinet du nouveau garde des Sceaux ?

Pour les initiés du pouvoir, tous ces signaux ne trompent pas. Au point que de nombreux acteurs à droite commencent à se demander quelles sont les réelles intentions de Nicolas Sarkozy pour

2022. Comme si tous avaient déjà tiré un trait sur Emmanuel Macron... Au sein des rédactions également, les spéculatio­ns vont bon train : « Je parie que Nicolas Sarkozy se prépare pour se présenter à la prochaine présidenti­elle », nous lance ainsi un reporter de Paris Match, magazine qui appartient à Arnaud Lagardère. Il y en a en tout cas un qui a pris de l'avance, c'est le publicitai­re Jacques Séguéla, ami de longue date de Nicolas Sarkozy qui n'arrête pas depuis un an et demi de diffuser parmi ses cercles de connaissan­ces un slogan tout trouvé pour une prochaine campagne : « Si c'est le chaos, c'est Sarko ».

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