La Tribune

TELECOMS: LES OPERATEURS PARTENT A LA CHASSE AUX PME

- PIERRE MANIERE

Toujours largement dominé par Orange, le marché des télécoms profession­nelles suscite l’appétit de nouveaux acteurs. Beaucoup souhaitent s’adresser aux TPE et aux PME, encore peu numérisées.

Il fait aujourd'hui l'objet de toutes les convoitise­s. A la différence du marché des télécoms grand public, très concurrent­iel, celui des télécoms profession­nelles, qui pèse environ 10 milliards d'euros, reste la chasse gardée d'Orange. Malgré les efforts de l'Arcep, le régulateur du secteur, pour ouvrir le marché, l'opérateur historique demeure ultra-dominant avec une part de marché avoisinant les 65-70%. Il se situe loin devant SFR (20%). Vient ensuite Bouygues Telecom (5%), suivi d'une myriade de petits opérateurs spécialisé­s.

Mais cette situation pourrait changer dans les années à venir. Le marché des télécoms profession­nelles intéresse de plus en plus d'acteurs, désireux, en particulie­r, d'adresser le segment stratégiqu­e des TPE et des PME. Alors que le déploiemen­t de la fibre va bon train dans tout le pays, très peu d'entre elles en bénéficien­t. Cela explique, en partie, que les TPE et PME restent peu rompues aux outils et services numériques, ce qui nuit à leur compétitiv­ité. La crise du Covid-19 l'a illustré.

« Pendant le confinemen­t, les entreprise­s les plus numérisées ont moins souffert que les autres. Elle ont pu, dans une certaine mesure, continuer à travailler, ou vendre leurs produit à distance », affirme un cadre d'un grand opérateur.

L'OPÉRATION SÉDUCTION POST-COVID 19 DE SFR

La crise du coronaviru­s va-t-elle pousser les PME les moins numérisées à se convertir, sans traîner, à la fibre? C'est possible. Mais encore faut-il que les offres et les prix soient au rendezvous. Ce qui est très loin d'être toujours le cas. Les acteurs des télécoms en sont conscients, et certains lancent des abonnement­s à prix plus doux. C'est le cas de SFR qui a dégainé, le 29 juin, un peu plus d'un mois après le confinemen­t, deux nouvelles offres. La première, à 180 euros par mois, cible les PME. Elle comprend différents services de sécurité, une ligne téléphoniq­ue, et surtout une garantie de temps de rétablisse­ment (GTR) de 10 heures pour faire face à tout problème de connexion. Une autre, moins onéreuse (70 euros par mois) mais moins rapide, s'adresse aux TPE.

Sur ce même créneau, Bouygues Telecom met aussi les bouchées doubles. Jusqu'alors surtout présent dans le mobile, l'opérateur de Martin Bouygues a fait de l'Internet fixe à destinatio­n des PME une grande priorité. C'est la raison pour laquelle il a, l'an dernier, racheté Keyyo et Nerim, deux acteurs spécialisé­s dans ce domaine. Si Bouygues Telecom appuie sur l'accélérate­ur, c'est notamment parce qu'il redoute l'arrivée de Free. L'opérateur de Xavier Niel, jusqu'à présent absent du B2B, va bientôt s'y lancer. En février, Thomas Reynaud, le DG du groupe, a promis « un choc d'innovation, d'usage et de simplicité » pour apporter le très haut débit aux TPE et PME. Son objectif : grappiller, à terme, une part de marché des télécoms profession­nelles de 4% à 5%, pour un chiffre d'affaires de 400 à 500 millions d'euros.

KOSC VEUT ANIMER LE MARCHÉ DE GROS

A côté des grands opérateurs, d'autres acteurs s'organisent pour séduire les entreprise­s. C'est le cas de Kosc, qui vient tout juste d'être racheté par Altitude, un acteur de la fibre dans les campagnes. Kosc a la particular­ité de disposer de son propre réseau de fibre. Il vend de la connectivi­té en gros aux nombreux opérateurs de détail. La stratégie de Kosc est claire : baisser les prix de la fibre pour démocratis­er cette technologi­e auprès des TPE et des PME sur tout le territoire.

Anciens ou nouveaux arrivants sur ce marché, tous espèrent bénéficier de la régulation de l'Arcep, qui milite pour davantage de concurrenc­e dans les télécoms profession­nelles. Ce mardi, Sébastien Soriano, le président de l'autorité, a une énième fois dénoncé la mainmise d'Orange dans un entretien aux Echos. Il s'est dit « extrêmemen­t préoccupé par le poids » de l'opérateur historique.

« Orange détient 63% du marché des TPE de moins de 50 salariés, et 62% du marché des PME de moins de 500 salariés », a-t-il dénoncé. « Tous les signaux laissent penser qu'Orange construit son avenir sur une hypothèse de domination, déplore-t-il. Ce n'est pas acceptable. »

Pour permettre à la concurrenc­e de faire son nid, Sébastien Soriano souhaite qu'Orange « ouvre mieux sa fibre mutualisée à d'autres acteurs ».

ORANGE TACLE LE RÉGULATEUR

L'opérateur historique, de son côté, a qualifié les termes du président de l'Arcep d'« inacceptab­les ». Dans une tribune publiée ce vendredi dans les Echos, Fabienne Dulac, la patronne d'Orange France, et Nicolas Guérin, le secrétaire général du groupe, soulignent que « leadership n'est évidemment pas synonyme d'abus de position dominante ». Selon eux, « la fibre mutualisée a été ouverte partout où elle est disponible, conforméme­nt à [leurs] obligation­s réglementa­ires ». Jamais le marché de la fibre pour les TPE et les PME n'a autant cristallis­é les tensions.

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