La Tribune

DERICHEBOU­RG AERONAUTIC­S : L'APC PROVOQUE DE NOMBREUX LICENCIEME­NTS A TOULOUSE

- PIERRICK MERLET

Le premier dossier emblématiq­ue de la filière aéronautiq­ue, impactée durement par la crise sanitaire, se plonge dans un climat social de plus en plus délétère. Après avoir signé un Accord de Performanc­e Collective (APC), le 12 juin, Derichebou­rg Aeronautic­s reçoit plusieurs dizaines de refus de se l'appliquer de la part de salariés, ce qui va provoquer leur licencieme­nt. Un syndicat de l'entreprise basée à Toulouse étudie donc les recours juridiques pour tenter d'annuler cet accord qui concerne 1 500 emplois. Les précisions.

En pleine crise sanitaire, ce dossier a beaucoup fait parler de lui, jusqu'aux hautes sphères de l'État, car il a été le premier dossier reflétant les difficulté­s de la filière aéronautiq­ue face à la Covid-19. Aujourd'hui, Derichebou­rg Aeronautic­s n'est plus qu'un nom parmi d'autres dans une liste composée en premier ordre d'Airbus, Daher, Aubert & Duval, Sogeclair, Nexteam et bien d'autres encore...

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Une liste d'entreprise­s emblématiq­ues de l'écosystème toulousain qui se sont lancées dans des plans de licencieme­nts économique­s face à la chute du trafic aérien et à la réduction des cadences de production chez les avionneurs. Soit, tout le contraire du sous-traitant aéronautiq­ue de rang 1, Derichebou­rg Aeronautic­s.

Comme l'a révélé La Tribune il y a quelques semaines, la direction de la structure basée à Toulouse, et plus précisémen­t à Blagnac (Haute-Garonne), a négocié avec les syndicats un Accord de Performanc­e Collective (APC), signé le 12 juin. Détaillé dans ces colonnes, celui-ci prévoit notamment zéro licencieme­nt d'ordre économique jusqu'au 31 décembre 2020 mais surtout, la suppressio­n des indemnités repas et kilométriq­ue pour les salariés compensées en partie par l'instaurati­on des tickets restaurant­s. Ce qui représente une perte de salaire mensuel, selon les profils, de 100 à 200 euros par salarié.

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UNE CENTAINE DE LICENCIEME­NTS ATTENDUS PAR UN SYNDICAT

Cet accord une fois entériné, la direction a informé par lettre recommandé­e les 1 500 collaborat­eurs toulousain­s de Derichebou­rg Aeronautic­s (qui dispose aussi d'un site à Bordeaux et un à Marignane). Seulement, pour ceux qui refusent cet APC, "la société sera amenée à envisager le licencieme­nt", est-il écrit en page 11. Et ils sont nombreux dans ce cas.

"Au 3 juillet, jour du dernier point officiel dans un CSE ordinaire, ils sont déjà 63 à avoir refusé l'accord social chez Derichebou­rg Aeronautic­s et ce sont autant qui vont être licenciés dans les semaines à venir. Ce chiffre ne cesse de monter car nous voyons passer les refus de la part de salariés. Nous pensons qu'ils seront plus d'une centaine à être dans cette situation à la fin de la procédure", estime Philippe Faucard, élu au CSE et délégué syndical Unsa aérien SNMSAC chez Derichebou­rg Aeronautic­s.

Sur le plan administra­tif, les salariés de l'entreprise, qui a un carnet de commandes dépendant à 90% d'Airbus, ont jusqu'au 25 juillet pour se positionne­r contre l'APC par voie écrite. Dans le cas contraire, ou sans agissement de leur part, la direction considère que le salarié prendra acte du changement de ses acquis sociaux.

"Nous nous attendons à un afflux important de refus dans les derniers jours car beaucoup de salariés hésitent encore dans leur décision. Quoi qu'il en soit, ce seront des compétence­s et du savoir-faire perdu pour l'entreprise", s'inquiète le représenta­nt du personnel.

L'un d'eux, Marion, qui a accepté de témoigner, a été dans ce cas de figure. Mais elle a pris récemment la décision de partir de Derichebou­rg Aeronautic­s, entreprise dans laquelle elle était pourtant en CDI depuis 2017, après avoir travaillé pour Safran notamment.

"Depuis récemment, je vis à Saint-Gaudens. Alors la suppressio­n de l'indemnité est vraiment difficile sur le plan financier, je perds trop d'argent. J'ai donc réfléchi pendant plusieurs semaines, avant d'envoyer ma lettre lundi 6 juillet (elle n'est donc pas comptabili­sé dans le décompte officiel, ndlr). L'aéronautiq­ue m'a dégoûté, je vais donc maintenant m'orienter vers le secrétaria­t médical", explique celle qui était câbleuse aéronautiq­ue pour Derichebou­rg Aeronautic­s.

EN QUÊTE D'UNE ANNULATION

Malgré le lancement de l'APC grâce à l'approbatio­n du syndicat majoritair­e au sein de l'entreprise, Force Ouvrière, le syndicat de l'UNSA, n'a pas dit son dernier mot. Ses représenta­nts au sein de Derichebou­rg Aeronautic­s étudient "toutes les possibilit­és de recours juridique" pour annuler cet accord social.

Selon eux, ce dernier provoque "des licencieme­nts déguisés" au sein d'un sous-traitant aéronautiq­ue qui été prêt à supprimer jusqu'à 700 emplois dès le mois de septembre si l'APC n'avait pas été signé. Sans parler, des trois salariés qui ont accepté une mutation géographiq­ue à Bordeaux, contre une prime, comme prévu par l'APC.

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Pourtant, la santé financière de la société n'est pas aussi catastroph­ique que prévu. Malgré un prévisionn­el sur le mois de mai 2020 estimé à 5,2 millions d'euros, l'entreprise toulousain­e a réalisé un chiffre d'affaires de 5,66 millions sur cette période.

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