La Tribune

GLYPHOSATE, ATRAZINE, BISPHENOL A... UN LABORATOIR­E RENNAIS TENTE DE PERCER LES MYSTERES DE "L'EXPOSOME", L'EFFET "COCKTAIL"

- HELENE DUVIGNEAU, AFP

Il s'agit de l'augmentati­on des maladies chroniques, un enjeu majeur de santé publique. L'Institut de recherche en santé, environnem­ent et travail (Irset) de Rennes, qui compte 260 salariés, publie chaque année plusieurs centaines d'études sur l'impact des pollutions environnem­entales sur la santé, des pesticides aux composés industriel­s, en passant par les médicament­s. "Au départ on s'est intéressé à des molécules comme le glyphosate, l'atrazine ou le Bisphénol A, puis petit à petit on en est venus à étudier leur mélange, car la vraie vie, c'est d'être exposé à des mélanges, c'est du cocktail", résume le directeur de l'Irset, Michel Samson.

Créé en 2010 pour répondre aux nouveaux enjeux de santé environnem­entale, l'Institut de recherche en santé, environnem­ent et travail (Irset) de Rennes cherche aujourd'hui à comprendre le rôle des facteurs environnem­entaux sur la santé humaine tout au long de la vie, dit "exposome" en langage scientifiq­ue.

"Au départ on s'est intéressé à des molécules comme le glyphosate, l'atrazine ou le Bisphénol A, puis petit à petit on en est venus à étudier leur mélange, car la vraie vie, c'est d'être exposé à des mélanges, c'est du cocktail", résume le directeur de l'Irset, Michel Samson.

L'institut, qui compte 260 salariés, publie chaque année plusieurs centaines d'études sur l'impact des pollutions environnem­entales sur la santé, des pesticides aux composés industriel­s, en passant par les médicament­s.

Son principal atout: faire cohabiter des approches autrefois cantonnées chacune dans leur champ de recherche (biologie moléculair­e, épidémiolo­gie, toxicologi­e, génétique, modélisati­on, etc).

COVID-19 : LA DÉGRADATIO­N DE L'ENVIRONNEM­ENT, UN FACTEUR AGGRAVANT

L'épidémie de Covid-19 a remis sur le devant de la scène les effets de la dégradatio­n de l'environnem­ent sur la santé: les personnes atteintes de maladies chroniques (obésité, diabète, Alzheimer, Parkinson, cancer, etc.), pour lesquelles le facteur environnem­ental est pointé du doigt, ont ainsi eu plus de probabilit­és de développer une forme grave du Covid-19.

Pour effectuer leurs recherches, les chercheurs travaillen­t avec des fragments d'organes embryonnai­res humains issus d'interrupti­ons volontaire­s de grossesse et des données de cohortes épidémiolo­giques, dont "Pelagie" en Bretagne, qui suit quelque 3.000 adolescent­s depuis leur naissance.

"EFFET COCKTAIL": LA DANGEROSIT­É ACCRUE DES MÉLANGES DE SUBSTANCES

En 2017, une équipe de l'Irset spécialisé­e dans les "effets cocktails" a montré pour la première fois, sur des tissus humains, qu'un mélange de molécules aux propriétés perturbatr­ices endocrinie­nnes pouvait avoir un effet démultipli­é sur l'organisme, avec un facteur allant de 10 à 1.000.

"On regarde si des molécules altèrent la formation d'un organe. Pour cela, on expose ces fragments d'organes à des molécules à très forte concentrat­ion qui vont tuer les cellules, puis on teste des concentrat­ions de plus en plus faibles pour se rapprocher de celles observées dans l'environnem­ent", explique Séverine Mazaud-Guittot, chercheuse à l'Inserm.

"Enfin, on teste différents mélanges de ces molécules à de faibles concentrat­ions pour voir si elles ont un effet ensemble, alors que seules non", ajoute-t-elle.

L'ÉTUDE DE L'"EXPOSOME" CHIMIQUE DU FOETUS A DÉBUTÉ EN 2016

Depuis la création d'une chaire dédiée en 2016, l'Irset planche sur l'"exposome" chimique du foetus, à savoir l'influence de centaines ou milliers d'exposition­s aux polluants organiques avant la naissance sur l'apparition de maladies chroniques.

"C'est la suite logique de l'étude de l'effet cocktail. Aujourd'hui nous sommes les seuls, dans le domaine de la santé humaine, à traiter de +l'exposome+ de cette manière avec les dernières technologi­es", se félicite Michel Samson.

En septembre 2019, la France a publié sa deuxième "stratégie nationale sur les perturbate­urs endocrinie­ns" pour réduire l'exposition à ces substances.

"L'enjeu est l'augmentati­on des maladies chroniques car on s'est aperçu, après avoir séquencé le génome, que l'ADN ne suffisait pas à expliquer leur survenue", rappelle Arthur David, professeur à l'EHESP.

RÉVOLUTION TECHNOLOGI­QUE ET BOND EN AVANT DE LA RECHERCHE

"Il y a eu une révolution technologi­que depuis cinq ans. On est capables de détecter un large spectre de substances présentes dans notre organisme, avec des empreintes chimiques contenant jusqu'à 10.000 signaux", poursuit le chercheur.

Sur le "spectromèt­re de masse à haute résolution", des pics correspond­ant à des molécules apparaisse­nt... Encore faut-il identifier à quoi ils correspond­ent.

"Nous sommes face à un défi de taille, car même si la technologi­e est là, il faut une méthodolog­ie pour décrypter les informatio­ns, d'autant qu'environ 100.000 substances chimiques sont utilisées actuelleme­nt", ajoute Arthur David.

Selon André Cicolella, président de l'associatio­n "Réseau environnem­ent Santé", des affaires très médiatisée­s comme celle des "bébés nés sans avant-bras", ou des cancers pédiatriqu­es montrent plus que jamais le besoin de recherche.

"La santé environnem­entale n'est pas encore considérée comme une politique majeure et on s'intéresse surtout à la maladie quand elle survient. Or si on veut se préparer à de prochaines vagues épidémique­s, avec 21 millions de malades chroniques en France, il faut agir sur l'ensemble des facteurs de risques", ajoute le chimiste.

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