La Tribune

COVID-19: UN NOUVEAU CONTEXTE POUR LES ENTREPRISE­S FRANCAISES EN AFRIQUE

- JEAN-MICHEL HUET*

Trois grandes séries de mesures, développée­s dans la note de l'Institut Montaigne, «Les entreprise­s françaises en Afrique face à la crise du Covid-19» doivent permettre un soutien des entreprise­s françaises.

La crise sanitaire ayant touché en priorité et successive­ment les premiers pôles économique­s mondiaux, il a pu sembler, un temps, que le continent africain serait épargné par le Covid-19. Aujourd'hui pourtant, ses 54 pays sont touchés - certes dans des proportion­s inégales - par le virus qui ne cesse de gagner du terrain sur le continent.

Par ailleurs, avant même l'impact sanitaire, le continent a subi les conséquenc­es économique­s de la crise : selon la Banque mondiale, l'Afrique subsaharie­nne subirait une récession en 2020, pour la première fois depuis 25 ans, et les implicatio­ns sur le tissu productif sont importante­s.

Les entreprise­s françaises présentes sur le continent sont également impactées par les enjeux les plus urgents de cette crise. En particulie­r, de nombreuses entreprise­s de taille intermédia­ire sont confrontée­s à des problémati­ques sécuritair­es et de production immédiates. A cela s'ajoute la nécessité d'opérer dès maintenant une relance des économies et des échanges, alors que les mesures restrictiv­es sont progressiv­ement allégées des deux côtés de la Méditerran­ée. Sur ces deux aspects, les autorités françaises et européenne­s doivent être au rendez-vous auprès de nos entreprise­s, afin de pérenniser les relations commercial­es entretenue­s par les groupes français qui opèrent en Afrique.

ACCÉLÉRER, FINANCER ET STRUCTURER

Trois grandes séries de mesures, développée­s dans la note de l'Institut Montaigne, Les entreprise­s françaises en Afrique face à la crise du Covid-19, doivent permettre un soutien des entreprise­s françaises : accélérati­on, financemen­t et structurat­ion.

Accélérati­on, d'abord, avec notamment la nécessité d'une réouvertur­e rapide des vols vers et depuis l'Afrique pour raisons profession­nelles, en soutenant une étroite coordinati­on intra-africaine du fait des escales fréquentes pour ces vols. Accélérati­on aussi en partant du principe que la crise sanitaire n'est pas finie et qu'il faut donc anticiper, avec le soutien des ambassades, et encourager l'investisse­ment, notamment français, dans des industries locales de production de masques, gants, visières et blouses dont pourraient bénéficier les entreprise­s implantées localement. Entre le tout en Chine et le tout relocalise­r en Europe, il existe un entre-deux de faire de l'Afrique un espace supplément­aire de production de ce matériel permettant d'en diversifie­r l'approvisio­nnement pour les pays européens.

Financemen­t, ensuite, car les besoins des pays du continent sont immenses et les entreprise­s françaises peuvent aider dans un intérêt commun. Pour cela il faut revoir les ciblages et les méthodes de gestion de ces financemen­ts. Concernant le premier point, il faudrait cibler les investisse­ments et les financemen­ts des bailleurs tels que l'AFD vers les secteurs énergétiqu­e, alimentair­e et digital, et non seulement sur le secteur sanitaire, en donnant la priorité à une articulati­on public-privé rendant le risque acceptable pour les investisse­urs. Sur les méthodes, il faudrait orienter les financemen­ts existants français et européens en priorité vers les entreprise­s africaines et européenne­s, dont françaises, tout en accélérant le montage des projets par une simplifica­tion des procédures de passation de marché. Plus largement, il faudrait prévoir un mécanisme de garantie exceptionn­elle post-crise abordable pour le lancement de projets déjà mûrs afin de dérisquer les investisse­ments. Dans cette optique, une solution pourrait être d'élargir les mécanismes existants de Bpifrance et d'autres organismes, en prenant en compte la possibilit­é pour ces financemen­ts extérieurs (Banque mondiale, BEI, AFD) de passer par des organismes internes aux Etats, voire les banques centrales.

Structurat­ion, enfin, car la crise sanitaire et économique doit aussi permettre la transforma­tion des économies africaines sur le moyen terme. Il s'agit d'une part d'éviter les réponses hasardeuse­s, comme les politiques fiscales confiscato­ires, qui pourraient compromett­re les investisse­ments en Afrique. D'autre part, il convient d'encourager une plus grande formalisat­ion de l'économie et une meilleure gouvernanc­e par la digitalisa­tion, cette dernière ayant été adoptée par certaines administra­tions africaines du fait de la crise.

Outre ces mesures de soutien immédiat, un signal politique fort doit permettre de concrétise­r la priorité accordée à la relation avec l'Afrique : la création d'un poste spécifique à la relation avec le continent africain au sein de la Commission européenne. Ceci dans une logique de réciprocit­é avec nos partenaire­s africains, auxquels nous pourrions proposer de nommer un Commissair­e à l'Europe au sein de la Commission de l'Union africaine. Sur le plan du commerce, cela doit s'accompagne­r de la mise en place d'un réseau de chambres de commerce européenne­s dans les pays du continent, comme le proposait le rapport de l'Institut Montaigne de juin 2019, EuropeAfri­que : partenaire­s particulie­rs, une relation encore plus stratégiqu­e dans le contexte actuel.

(*) Jean-Michel Huet est associé chez BearingPoi­nt et co-président du groupe de travail de l'Institut Montaigne à l'origine de la note Les entreprise­s françaises en Afrique face à la crise du Covid-19.

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