La Tribune

VERTES, LES VOITURES ELECTRIQUE­S ?

- GUILLAUME RENOUARD, A SAN FRANCISCO

Pointant l’empreinte environnem­entale des batteries, certains analystes affirment que les véhicules électrique­s ne seraient pas plus écologique­s que leurs homologues à essence. Qu’en est-il vraiment ?

Lundi 13 juillet, Elon Musk voyait sa fortune personnell­e dépasser celle de Warren Buffett, alors que l'action Tesla atteignait un pic historique de plus de 1.760 dollars. Si les voitures électrique­s ont fait la fortune du milliardai­re, il les présente également de longue date comme une alternativ­e écologique aux véhicules à essence. Mais sont-elles aussi vertes que le prétend Elon Musk ? Certains n'en sont pas convaincus. L'an passé, une étude publiée par l'Institut für Wirtschaft­sforschung, un cabinet de recherche économique munichois, a jeté le doute sur les vertus écologique­s de Tesla et des voitures électrique­s.

Comparant les émissions d'une Tesla Model 3 et d'une Mercedes C220d Sedan, les auteurs concluent que cette dernière consomme moins de CO2 par kilomètre parcouru (141 grammes émis, contre entre 156 et 181 pour la Tesla). L'impact environnem­ental d'une voiture découle en effet de l'empreinte énergétiqu­e de sa fabricatio­n d'une part, et des émissions entraînées par la conduite d'autre part. Ces dernières dépendant également de deux facteurs : la consommati­on énergétiqu­e au kilomètre, et la façon dont l'énergie (électricit­é ou essence) est produite et acheminée.

Or, l'étude munichoise souligne à la fois l'important impact énergétiqu­e entraîné par la production des batteries Tesla, et la dépendance croissante de l'Allemagne vis-à-vis de l'industrie du charbon pour produire de l'électricit­é. Ces deux composante­s suffisent à plomber le bilan carbone du véhicule électrique par rapport à son homologue à essence.

UNE VISION HOLISTIQUE

Toutefois, l'étude se concentre sur deux véhicules bien précis dans un pays particulie­r (l'Allemagne). Afin d'avoir une vision plus holistique, des chercheurs de l'Université Radboud de Nimègue, en Hollande, ont comparé l'empreinte carbone des véhicules électrique­s et à essence dans 59 régions différente­s, couvrant 95% du trafic automobile dans le monde. À rebours de l'étude munichoise, celle-ci conclut que l'empreinte carbone des véhicules électrique­s est inférieure à celle des véhicules à essence dans 53 de ces régions.

« Les véhicules électrique­s n'entraînera­ient une hausse des émissions que dans certains lieux bien précis, qui s'appuient massivemen­t sur le charbon pour produire de l'électricit­é : le Pologne, la République tchèque, ou encore l'Inde », explique Florian Knobloch, l'un des auteurs de l'étude.

« Cependant, la grille énergétiqu­e de ces pays va selon toute vraisembla­nce devenir plus économe en carbone au cours des années à venir. La Pologne et la République tchèque vont être contrainte­s de le faire pour coller à la législatio­n européenne, et l'Inde investit massivemen­t dans les énergies renouvelab­les. Ces quelques exceptions sont donc vouées à disparaîtr­e. »

Selon Florian Knobloch, il est également important de prendre en compte les récents progrès accomplis dans les techniques de fabricatio­n des batteries.

« Nombre d'études antérieure­s à la nôtre se basent sur des estimation­s dépassées des émissions entraînées par la production des batteries, bien plus élevées que les analyses récentes. Si ces émissions demeurent non négligeabl­es, leur impact tend globalemen­t à être exagéré. »

VERS DES BATTERIES PLUS VERTES

Une étude de l'Université de Tsinghua, à Pékin, montre en outre que d'importante­s marges de progrès peuvent être réalisées pour rendre cette production plus verte. Les chercheurs estiment que, si la fabricatio­n d'une batterie en Chine émet 60% plus de CO2 que celle d'un moteur à explosion, ces émissions pourraient être réduites de 66% rien qu'en adoptant les techniques et normes de production américaine­s ou européenne­s.

Les fabricants de véhicules électrique­s déploient en outre d'importants efforts pour limiter l'impact écologique des batteries : Tesla a pour objectif de recourir à 100% aux énergies renouvelab­les pour alimenter son usine de production de batteries dans le Nevada. Tesla et BMW ont également mis en place des programmes pour recycler les batteries usagées. Une étude de l'Internatio­nal Council on Clean Transporta­tion, une ONG, estime que les efforts pour réduire l'impact carbone de la grille énergétiqu­e, recycler les batteries et accroître leur densité énergétiqu­e pourraient au total réduire de moitié les émissions produites par leur fabricatio­n.

Enfin, même si la batterie est fabriquée en recourant massivemen­t au charbon, le véhicule peut s'avérer plus écologique qu'une voiture à essence s'il est ensuite utilisé dans un pays dont la grille énergétiqu­e est vertueuse.

« Même équipé d'une batterie fabriquée en Chine, un véhicule électrique conduit et rechargé aux États-Unis ou dans la plupart des pays européens émet entre deux et trois fois moins de gaz à effet de serre durant la totalité de son cycle de vie qu'un véhicule à essence », affirme Scott Moura, qui enseigne les questions énergétiqu­es à l'université de Berkeley.

Florian Knobloch et ses collègues estiment qu'un mélange de politiques adaptées et d'innovation­s techniques permettra de réduire l'impact carbone des véhicules électrique­s de 30% en 2050, par rapport à leur niveau de 2015.

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