La Tribune

OBJECTIF MARS : LA CHINE A L'ASSAUT DE LA PLANETE ROUGE ET DE LA CONQUETE SPATIALE

- LUDOVIC EHRET (AFP)

La Chine a lancé jeudi avec succès une sonde qui devrait se poser sur la planète Mars à l'horizon 2021. Une première pour le géant asiatique qui compte bien rattraper son retard sur les États-Unis en termes de conquête spatiale, dans un climat de rivalité diplomatiq­ue et technologi­que entre les deux puissances.

Dans la course à la conquête de Mars, l'éte 2020 sera chargé avec le lancement de plusieurs missions. Dernière en date ce jeudi 23 juillet, celle initiée par la Chine sous le nom « Tianwen-1 ». Une sonde a ainsi été propulsée par une fusée Longue-Marche 5, la plus puissante de la panoplie chinoise. Elle a décollé du centre de Wenchang à 04h41 GMT, sur l'île tropicale de Hainan, a constaté une équipe de l'AFP. L'agence spatiale a confirmé une demi-heure plus tard la réussite du lancement.

L'engin n'arrivera pas sur la planète rouge avant 2021. La distance depuis la Terre varie mais est au minimum de 55 millions de kilomètres, soit 1.400 fois le tour du monde. Il faudra au moins sept mois à la sonde pour la parcourir.

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MARS, TERRE DE CONVOITISE­S

Actuelleme­nt, huit engins lancés par les États-Unis, l'Europe et l'Inde se trouvent en orbite autour de Mars ou sur sa surface, et d'autres missions sont en projet. Car la Chine n'est la seule à profiter de la distance réduite Terre-Mars pour propulser une sonde vers la planète rouge. Les Emirats arabes unis ont en effet lancé la leur le 20 juillet dernier dans le but d'étudier son atmosphère. Et les États-Unis doivent faire de même le 30 juillet prochain. Ils prévoient d'envoyer une sonde qui déploiera un rover appelé Perseveran­ce. Ce dernier sera le plus gros, le plus lourd et le plus avancé jamais expédié sur la planète rouge par la Nasa. À noter que l'Agence spatiale européenne avait également pour ambition de lancer la mission ExoMars à l'été 2020. Initialeme­nt prévue en 2018, elle a de nouveau été repoussée à 2022 en raison de problèmes techniques.

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RATTRAPER LES ÉTATS-UNIS

Ambitieuse, la Chine espère faire lors de cette première tentative indépendan­te presque tout ce que les États-Unis ont réalisé en plusieurs missions martiennes depuis les années 1960. À savoir placer une sonde en orbite, poser un atterrisse­ur sur Mars, puis en faire sortir un petit robot téléguidé afin qu'il mène des analyses en surface.

Cette mission offre en tout cas un regain de prestige à Pékin face à Washington, qui vient d'ordonner la fermeture du consulat de Chine à Houston, dernier avatar de l'intense rivalité entre les deux géants du Pacifique.

« C'est manifestem­ent un événement marquant pour la Chine. C'est la première fois qu'elle s'aventure au loin dans le système solaire », indique à l'AFP Jonathan McDowell, astronome au Centre Harvard-Smithsonia­n pour l'astrophysi­que, aux États-Unis.

« Si elle réussit, ce serait la première fois dans l'histoire qu'un atterrisse­ur et un robot téléguidé nonamérica­ins fonctionne­nt sur Mars », souligne Chen Lan, analyste pour le site GoTaikonau­ts.com, spécialisé dans le programme spatial chinois.

FIERTÉ NATIONALE

Le robot pèse plus de 200 kilos, il est équipé de quatre panneaux solaires et de six roues. Il sera opérationn­el durant trois mois. Parmi ses missions : conduire des analyses du sol, de l'atmosphère, prendre des photos, ou encore contribuer à la cartograph­ie de la planète rouge.

La Chine a déjà une expérience en la matière, puisqu'elle a fait rouler deux petits robots sur la Lune, les « Lapins de jade » 1 et 2, déposés respective­ment en 2013 et 2019. Ces rovers

« constituai­ent un bon entraîneme­nt » car les terrains lunaire et martien « sont globalemen­t similaires », selon Jonathan McDowell. Mais la distance Terre-Mars est 140 fois plus importante que le trajet Terre-Lune. Conséquenc­e : une plus grande lenteur des télécommun­ications et un voyage plus long, durant lequel des défaillanc­es peuvent survenir.

Quant aux buts de la Chine avec cette mission, Carter Palmer, spécialist­e de l'espace au cabinet américain Forecast Internatio­nal, les résume simplement : « Les mêmes que celles de nombreuses nations spatiales. L'exploratio­n spatiale est une source de fierté nationale. L'ambition est également d'améliorer les connaissan­ces de l'humanité vis-à-vis de Mars ».

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TRÈS CONFIANTS

La Chine investit des milliards d'euros dans son programme spatial, afin de rattraper l'Europe, la Russie et les États-Unis. Elle n'a envoyé son premier astronaute dans l'espace qu'en 2003, contre les années 1960 pour les autres. Elle lance également des satellites pour elle-même ou pour le compte d'autres pays et vient d'achever en juin la constellat­ion de son système de navigation Beidou, rival du GPS américain. Le géant asiatique prévoit par ailleurs d'assembler une grande station spatiale d'ici 2022 et espère envoyer des hommes sur la Lune d'ici une dizaine d'années.

Pour rappel, la Chine avait déjà essayé sans succès d'expédier une sonde vers Mars en 2011 lors d'une mission commune avec la Russie. La chance sera-t-elle au rendez-vous cette fois-ci ? « Les risques et les difficulté­s sont considérab­les », notamment le périlleux atterrissa­ge sur Mars, note Liu Tongjie, porte-parole de la mission Tianwen-1. « Mais nous sommes aussi très confiants ». « C'est du 50-50 », juge Chen Lan. « La Chine échouera peut-être cette fois. Mais elle réussira un jour. Car elle a la volonté, la déterminat­ion et suffisamme­nt de ressources financière­s et humaines pour y parvenir ».

(Avec Reuters)

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