La Tribune

PLAN DE RELANCE EUROPEEN : QUEL COUT POUR LE CONTRIBUAB­LE FRANCAIS ?

- AVEC AFP

Pour surmonter la crise du coronaviru­s, la France devrait recevoir 40 milliards d'euros de subvention­s, tirés d'une dette inédite et commune aux pays membres de l'Union européenne. Si Emmanuel Macron a assuré que « ce n'est pas le contribuab­le français qui paiera », ses opposants estiment le contraire.

Qui rembourser­a les 40 milliards d'euros de subvention­s promis à la France dans le cadre du plan de relance européen signé par les 27 mardi 21 juillet ? La question reste en suspens. Le président de la République s'est voulu rassurant dès le soir même, s'exprimant sur TF1. « Nous avons créé pour la première fois de notre histoire un plan de relance que nous finançons ensemble par un endettemen­t commun », précisant que « ce n'est pas le contribuab­le français qui le paiera ». Mais pour Nicolas Dupont-Aignan, député et président de Debout la France, ce sont bien les Français qui s'en acquittero­nt, jusqu'à « payer, avec leurs impôts, le double du montant ».

Ces projection­s semblent prématurée­s et omettent plusieurs paramètres macro-économique­s, répondent plusieurs économiste­s interrogés par l'AFP. L'enveloppe prévue pour la France provient des 750 milliards d'euros bientôt empruntés sur les marchés financiers par la Commission européenne, qui devront être remboursés d'ici 2058. 390 milliards d'euros - dont 40 pour la France seront distribués via des subvention­s aux pays les plus touchés par la pandémie de coronaviru­s, auxquels viennent s'ajouter si besoin 360 milliards disponible­s sous forme de prêts. Pour rembourser la totalité de la dette, trois options s'offrent à l'UE, estime Shahin Vallée, spécialist­e des questions d'intégratio­n européenne : « Augmenter les ressources propres, augmenter la contributi­on des États, baisser les dépenses ».

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NOUVELLES TAXES

En consommant, les contribuab­les européens risquent de payer indirectem­ent de nouveaux impôts. L'accord prévoit en effet l'instaurati­on début 2021 d'une taxe sur le plastique non-recyclé. Avant 2023, l'UE doit également créer une taxe carbone sur les produits importés, une refonte du marché européen du carbone, ainsi qu'une taxe sur les géants du numérique. Au total, ces taxes pourraient rapporter entre 19,8 et 33,1 milliards d'euros chaque année, selon les estimation­s cumulées de la Commission européenne.

Comme Emmanuel Macron, le commissair­e européen au marché intérieur Thierry Breton a assuré que « ce ne sont pas les Européens qui vont payer ». Ces présentati­ons sont

« malhonnête­s », considère Shihan Vallée. « On emprunte en commun et on est en train de créer des impôts européens communs ». Avec une taxe aux frontières, « les citoyens ne paient pas euxmêmes l'impôt mais paient des produits importés plus chers », explique-t-il. « Dire que cela ne coûte rien au contribuab­le, c'est "jouer sur les mots" ».

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CONTRIBUTI­ONS DIFFICILES À PRÉVOIR

Le remboursem­ent commencera à la fin du cadre financier européen pour la période 2021-2027. Impossible de donner de chiffres « factuels », car « on ne connaît pas les contributi­ons des pays au budget de l'UE après 2027 », estime Francesco Saraceno de l'Observatoi­re français des conjonctur­es économique­s (OFCE). « La France contribue pour 17% au budget de l'UE. Elle recevrait 40 milliards de subvention­s. Sauf impôts européens, elle devra rembourser... 66 milliards ! », a pourtant estimé le leader de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon. Pour Marine Le Pen, la France sera « un contribute­ur déficitair­e » à ce plan de relance.

Ces raisonneme­nts, comme celui de Nicolas Dupont-Aignan, sont « valables compte tenu de la répartitio­n classique du budget européen », mais prématurés selon les économiste­s de l'OFCE contactés par l'AFP. « On ne connaît pas la clé de répartitio­n qui sera appliquée dans les années à venir », explique Jérôme Créel. Celle-ci dépendra aussi « des trajectoir­es de croissance de chaque pays », complète Raul Sampognaro. Aujourd'hui, les recettes de l'UE proviennen­t à 77% des contributi­ons des États membres. En 2019, la France était la deuxième contributr­ice au budget européen.

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GAINS MACROÉCONO­MIQUES OMIS

Estimer les futures contributi­ons versées est « purement comptable », selon Shahin Vallée. « Si l'Italie sombre économique­ment aujourd'hui, la France sombre avec », estime ce chercheur, pour qui « en termes macro-économique­s » la France « recevra bien plus que celle qu'elle paiera dans le cadre de cette dette commune ».

L'objectif du plan est de maintenir et de relancer les économies de l'UE les plus éprouvées par la crise. « On va perdre quelques milliards directemen­t, mais pour les regagner indirectem­ent », juge Jérôme Créel.

AUTRES OPTIONS

« Couper dans les dépenses du budget européen » est aussi une possibilit­é, selon Shihan Vallée. « C'est peut-être le projet de certains États ». Pour satisfaire les pays partisans d'un plan relance restreint, des fonds dédiés au projet de budget ont déjà disparu ou été fortement réduits. Le remboursem­ent pourrait aussi se faire via une nouvelle émission de dette d'ici 2058... qui ne ferait que « repousser l'équation », d'après Jérôme Créel.

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