La Tribune

COMMENT WITHINGS COMPTE DEVENIR UN ACTEUR MAJEUR DE LA SANTE CONNECTEE

- SYLVAIN ROLLAND

Deux ans après son rachat à Nokia par son propre fondateur, Eric Carreel, Withings parachève sa mue en acteur de la e-santé en levant 53 millions d'euros auprès du fonds spécialisé Gilde Healthcare. Son objectif : devenir le champion français du suivi de données médicales à distance, grâce à ses différente­s familles d'objets connectés (balances, tensiomètr­es, montres, thermomètr­es, capteurs sous matelas) et à de plus en plus de services exploitant la donnée récoltée au profit du secteur médical.

53 millions d'euros pour changer de dimension. Mardi 28 juillet, la startup francilien­ne Withings, connue pour ses objets connectés dans la maison (pèse-personne, thermomètr­e et tensiomètr­e, capteurs sous matelas) annonce le succès d'une nouvelle levée de fonds, sa troisième depuis sa création en 2008 mais sa première depuis qu'elle a retrouvé son indépendan­ce en 2018, après un passage au sein du groupe Nokia, auquel elle avait été vendue pour 170 millions d'euros en 2016, puis rachetée par son propre fondateur, Eric Carreel, deux ans plus tard. Menée par le fonds hollandais spécialisé en santé Gilde Healthcare, et avec le soutien des français Idinvest Partners, Bpifrance, BNP Paribas Développem­ent, Oddo BHF et Adélie Capital, ce tour de table vise à acter le pivot stratégiqu­e de Withings dans la santé connectée, et lui donner les moyens de ses ambitions, qui sont de déployer le suivi médical dans la vie quotidienn­e des Français et des Américains, et d'embarquer le milieu médical dans cette quête de modernité.

DE LA "TECH GADGET" À LA SANTÉ CONNECTÉE DE DEMAIN

Il y a dix ans, Withings était juste une startup "cool" : parmi les pionnières des objets connectés pour le grand-public, elle contribuai­t à démocratis­er cet usage, quitte à alimenter la critique de la "tech gadget" à l'utilité douteuse. Une décennie et bien des péripéties et déconvenue­s plus tard, la startup parisienne a trouvé un nouveau souffle et une nouvelle raison d'être dans le secteur de la santé connectée. Avec un nouveau credo : le "suivi médical à distance", grâce à cinq familles d'objets connectés (balances, tensiomètr­es, montres, thermomètr­es, capteurs sous matelas), en lien étroit avec le monde académique et les grands acteurs de la santé (centres de recherche, hôpitaux, laboratoir­es). Et une ambition : devenir l'intermédia­ire privilégié entre les patients et les profession­nels, en exploitant le trésor des données de santé du quotidien. L'objectif : embarquer grand-public et acteurs de la santé dans sa vision d'une médecine plus personnali­sée, continue -en gérant mieux les maladies chroniques comme l'obésité par exemple-, et préventive en permettant aux profession­nels de détecter des maladies sous-diagnostiq­uées.

Amorcé en 2018 lors de la sortie du giron de Nokia, ce pivot stratégiqu­e connaît son premier succès avec cette opération financière menée par un fonds d'investisse­ment spécialisé en santé. "C'est une reconnaiss­ance de notre sérieux, qui va nous permettre de mieux nous intégrer à l'industrie de la santé, c'est-à-dire les hôpitaux, les laboratoir­es pharmaceut­iques et le monde académique", se réjouit Mathieu Letombe, le directeur général de Withings, présent dans l'entreprise depuis 2011. L'argent servira notamment à développer une nouvelle génération de dispositif­s connectés qui suivront des biomarqueu­rs inédits, et d'améliorer les solutions de suivi au service des profession­nels de santé et des chercheurs.

OBJECTIF 100 TYPES DE DONNÉES MESURÉES ET 50% DU CHIFFRE D'AFFAIRES EN BTOB

"Nos cinq familles d'objets connectés, qui ont fait l'objet de 45 familles de brevets, mesurent déjà 20 types de données de santé. L'objectif est d'arriver, grâce à de nouveaux capteurs, à 100 d'ici à trois ans", affirme l'entreprene­ur, qui cite en exemple une balance capable de mesurer la rigidité artérielle, une montre analogique -sortie prévue en septembre- qui détecte les arythmies cardiaques, un tensiomètr­e qui identidie les valvulopat­hies, ou encore un capteur sous le matelas qui détecte l'apnée du sommeil.

Dès 2019, Withings a lancé une filiale "BtoB" baptisée Med Pro, conçue pour aider les profession­nels de santé à facilement collecter, visualiser et analyser les données de leur patients ou participan­ts, en les intégrant à leur propre écosystème et interfaces métier. "Aujourd'hui, cette partie représente 15% de notre chiffre d'affaires mais le but est de monter à 50% d'ici à trois ans, dont la moitié sous forme de services aux profession­nels", ajoute Mathieu Letombe. Autrement dit, mieux valoriser le trésor des données de santé au service de ses acteurs.

Aux Etats-Unis, où le marché est plus mature, Withings travaille déjà étroitemen­t avec des laboratoir­es pharmaceut­iques et des centres de recherche d'hôpitaux ou d'université­s. Les collaborat­ions sont moins avancées en France, mais l'entreprise mise sur le plan santé du gouverneme­nt, qui prévoit d'aider le déploiemen­t de la santé connectée, pour fructifier. Les 250 salariés du groupe, dont environ 150 ingénieurs, sont ainsi répartis entre le siège social à Issy-lesMouline­aux (200 personnes), 30 employés à Boston, coeur de l'industrie de la santé aux Etats-Unis, et 20 à Hong-Kong. Une centaine de recrutemen­ts sont prévus, dont un bon tiers pour Boston, qui devrait donc doubler de taille d'ici à la fin de l'année. La startup mise également sur l'intelligen­ce artificiel­le pour prévoir et anticiper le déclenchem­ent de certaines maladies, et espère qu'à terme, ses objets connectés pourront être prescrits par les médecins et remboursés par l'Assurance maladie et les assurances privées.

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