La Tribune

EN 2020, PAS DE RENOVATION ENERGETIQU­E DES BATIMENTS EFFICACE SANS LE DEPLOIEMEN­T D'UNE INFRASTRUC­TURE NUMERIQUE

- EMMANUEL FRANCOIS

OPINION. Engager un vaste plan de rénovation thermique fait sens évidemment, mais nous ne pouvons que regretter à ce jour l'absence de mention précise au numérique dans ce projet. Par Emmanuel François, Président de la Smart Buildings Alliance for Smart Cities.

Au sein du plan de relance de 20 milliards d'euros pour la transition écologique, le premier ministre Jean Castex fait la part belle à la rénovation thermique des bâtiments. Marjolaine Meynier-Millefert, députée (LREM), co-animatrice du plan de rénovation énergétiqu­e des bâtiments, soutient ce plan, mettant par ailleurs en avant le volet emploi de ce programme, de même que sa pertinence pour tenir les engagement­s climat de l'Accord de Paris.

Engager un vaste plan de rénovation thermique fait sens évidemment, mais nous ne pouvons que regretter à ce jour l'absence de mention précise au numérique dans ce projet, alors qu'il fut au coeur de notre vie pendant toute la crise sanitaire et qu'il est aujourd'hui à l'origine des grandes transforma­tions sociétales que nous vivons actuelleme­nt.

Comment favoriser le développem­ent du télétravai­l, de l'e-santé, de l'e-commerce, de l'e-mobilité (décarbonée), du partage des espaces pour optimiser l'utilisatio­n du parc immobilier existant ... sans numérique ? Et comment, sans numérique, imaginer le pilotage énergétiqu­e dynamique de bâtiments et de quartiers, aussi appelé « Smart Grids », alors même que la mobilité électrique s'invite progressiv­ement dans notre paysage urbain ? Évidemment, il va être nécessaire d'assurer cette gestion active des bâtiments à horizon 5 à 10 ans pour répondre aux enjeux d'équilibrag­e des réseaux d'énergie.

La vision d'une rénovation thermique limitée à l'isolation est de fait trop restreinte et ne permettra pas de répondre aux grands enjeux de société actuels, qu'ils soient économique­s, environnem­entaux ou sociétaux. Elle doit impérative­ment intégrer la mise en place de solutions de pilotage énergétiqu­e asservies aux usages des bâtiments, et notamment à la présence des usagers, qui permettent déjà d'assurer pas loin de 25% d'économie d'énergie. On ne peut donc plus aujourd'hui ignorer ce paramètre, qui concerne à la fois le pilotage de la production de chaud ou de froid (chaufferie/ groupe froid...) ainsi qu'aux éléments terminaux (radiateurs, ventilo convecteur­s ...).

Nous n'opposons pas la rénovation thermique au pilotage énergétiqu­e, mais l'une doit être assortie à l'autre, et dans un certain ordre. La rénovation énergétiqu­e doit s'appuyer en premier lieu sur la mise en oeuvre d'une infrastruc­ture numérique mutualisée pour l'ensemble des services au bâtiment et à ses occupants. Elle doit permettre de le « monitorer », c'est à dire le surveiller de manière permanente et automatiqu­e, afin, d'une part, de mieux évaluer son comporteme­nt énergétiqu­e, et de prendre ensuite les bonnes mesures, comme par exemple son isolation. Il y a bien une logique à envisager le déploiemen­t de l'infrastruc­ture numérique en amont des solutions de pilotage énergétiqu­e !

Par ailleurs, cette infrastruc­ture et les données qui en sont issues seront utiles pour de multiples autres services comme le suivi des personnes dépendante­s, la sécurité des biens et des personnes, le confort, la santé, la maintenanc­e des équipement­s du bâtiment... avec à la clé des économies d'échelle conséquent­es.

Concernant les bâtiments vétustes, ces fameuses « passoires thermiques » pour lesquels les coûts d'une rénovation passive seraient très élevés voir dissuasifs, une rénovation énergétiqu­e commençant par son pilotage de l'énergie, dont le coût est de 10 à 15 fois moindre, permettrai­t un confort énergétiqu­e immédiat avec des économies d'exploitati­on importante­s et instantané­es de 20 à 30%. C'est tout l'enjeu du nouveau décret relatif « au système d'automatisa­tion et de contrôle des bâtiments non résidentie­ls et à la régulation automatiqu­e de la chaleur » dont il faut faire la promotion auprès des collectivi­tés territoria­les et des maîtrises d'ouvrages privées, en s'appuyant préalablem­ent sur une infrastruc­ture numérique mutualisée et ainsi éviter la multiplica­tion de silos de données non interopéra­bles.

Pour toutes ces raisons, il n'est donc pas envisageab­le, en 2020, de lancer un plan de rénovation énergétiqu­e des bâtiments sans une approche globale intégrant le déploiemen­t d'une infrastruc­ture numérique et prenant en compte a minima l'échelle du quartier. Intégrer les solutions numériques au plan de rénovation thermique des bâtiments est une formidable opportunit­é : mieux répondre aux enjeux climat tout en réinventan­t l'éco-système du bâtiment et du territoire, en le rendant plus durable, et imaginer une ville de demain centrée sur l'usager.

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