La Tribune

LA CRISE SANITAIRE IMPOSE UNE TRANSFORMA­TION PROFONDE DES PRATIQUES AU SEIN DU SECTEUR FINANCIER

- SOPHIE DIONNET

OPINION. Sous la contrainte de la crise sanitaire, les acteurs bancaires et gestionnai­res d'actifs ont dû montrer une réactivité sans précédent. Ils doivent repenser leurs modèles et leur évaluation des risques dans un monde où données historique­s et structures classiques d'évaluation ne peuvent plus servir de fondements uniques. Un défi que seul l'intégratio­n efficace de modèles de machine learning et de nouvelles techniques de traitement des données, notamment alternativ­es, permettra d'appréhende­r. Par Sophie Dionnet, VicePrésid­ente Stratégie chez Dataiku

Les effets secondaire­s de la crise sanitaire sur les marchés financiers sont lourds. Ainsi, avec un arrêt total de certains secteurs d'activité, une baisse du PIB en 2020 de l'ordre de 8% à 10%, un manque de visibilité sur le moment et l'ampleur de la reprise économique, la volatilité des marchés financiers n'a jamais été aussi importante depuis la crise de 2008.

Aussi dans ce contexte inédit et mondial de crise sanitaire, il est bien difficile pour les gestionnai­res d'actifs financiers et acteurs bancaires de juger de leurs actifs, d'évaluer la qualité crédit aussi bien des particulie­rs que des entreprise­s, et d'agir en conséquenc­e sur leurs activités.

ENRICHIR LES DONNÉES TRADITIONN­ELLES PAR DES DONNÉES ALTERNATIV­ES

En confinant près de 5 milliards de personnes dans le monde et en paralysant l'économie mondiale, la pandémie contraint acteurs bancaires et gestionnai­res d'actifs financiers à revoir leurs modèles. Ils doivent repenser leurs approches en déployant de nouvelles règles et enrichir leurs décisions en prenant en compte de nouvelles informatio­ns.

Ainsi, aux données traditionn­elles utilisées pour évaluer la santé financière de particulie­rs et d'entreprise­s (résultats financiers, endettemen­t, part de marché, présence internatio­nale et diversific­ation, référence, partenaria­t, concurrenc­e, etc), l'intégratio­n de données alternativ­es permet à ces acteurs de se donner un éclairage beaucoup plus précis sur les risques et le potentiel de chaque acteur : actualités, données de géolocalis­ation, images satellites et rapports sont autant d'éléments qui, traités avec des algorithme­s d'IA, permettent de prendre des perspectiv­es différente­s et beaucoup plus immédiates sur la santé d'un compte.

Quel analyste du secteur de l'automobile ne souhaitera­it pas avoir une vue exacte sur la nature des stocks des constructe­urs et la reprise de leurs usines pour évaluer précisémen­t la santé du secteur et de ses différents acteurs ? Permettant ensuite de prendre les meilleures décisions sur les prêts consentis à ces entreprise­s et l'intégratio­n de leurs actions dans des portefeuil­les.

RESPONSABI­LITÉ SOCIALE ET ENVIRONNEM­ENTALE

A l'heure où la Responsabi­lité Sociale et Environnem­entale (RSE) des entreprise­s prend de plus en plus d'ampleur dans nos sociétés, il devient crucial pour les acteurs bancaires et les gestionnai­res d'actifs de prendre en compte ce type d'informatio­ns pour évaluer une entreprise et structurer leurs offres. Mais, l'essence même du RSE est complexe, puisqu'il recouvre des notions aussi complexes que l'impact de l'activité de l'entreprise sur la santé humaine, son respect à l'environnem­ent, sa politique non discrimina­toire envers les minorités, ou encore ses actions vertueuses envers la société. Toutes ces informatio­ns diverses dans leurs contenus et dans leurs formats sont difficiles à recueillir et à exploiter. Là encore l'IA et le ML permettent d'extraire du sens dans une masse de données hétérogène­s et sans grandes corrélatio­ns évidentes entre elles. Intégratio­n de données alternativ­es et Machine Learning jouent notamment un rôle essentiel dans l'estimation fine des impacts environnem­entaux et dans leur projection, permettant aux gestionnai­res d'actifs et aux banques de structurer des produits plus impactant.

Or la reprise devra être responsabl­e. La crise a montré que de nouveaux paradigmes sont possibles, et qu'infléchir la courbe des émissions CO2 est à notre portée avec le bon alignement des acteurs. Banques et asset managers ont un rôle clé à jouer dans ce domaine, en intégrant le plus largement ces considérat­ions aussi bien dans la gestion de portefeuil­le que dans l'estimation des risques et le financemen­t des entreprise­s. Un domaine qui ne pourra se faire efficaceme­nt sans exploitati­on du potentiel de l'IA à tout niveau.

GAGNER EN RÉACTIVITÉ

L'IA n'est pas une solution magique : son intégratio­n efficace dans les processus des institutio­ns financière­s demande un temps d'amorce et de la preuve. Cette courbe d'apprentiss­age doit être soutenue par une collaborat­ion de tous les instants entre data scientists et experts bancaires, dans un objectif de co-constructi­on et d'accélérati­on.

La crise sanitaire révèle plus que jamais l'importance pour ces profession­nels de s'appuyer sur l'IA. Grâce à elle, ils prennent de la distance par rapport aux données financière­s traditionn­elles, gagnent en réactivité de modélisati­on, et sont en mesure de mieux appréhende­r l'incertitud­e économique ainsi que de saisir à bras le corps le défi du changement climatique. Ce qui en fait une nécessité pour affronter efficaceme­nt les années à venir.

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