La Tribune

LES METHODES RADICALES DE BRITISH AIRWAYS POUR REDUIRE SA MASSE SALARIALE

- FABRICE GLISZCZYNS­KI

Plus durement impactée que ses concurrent­es par la crise qui frappe le transport aérien, la compagnie britanniqu­e supprime 28% de ses effectifs et veut réduire fortement les conditions de rémunérati­on et de travail des salariés qui resteront dans l'entreprise. Pour les personnels au sol et les hôtesses et stewards, la compagnie entend les licencier puis les embaucher dans la foulée avec un contrat moins-disant pour la majorité d'entre eux.

Certains personnels navigants commerciau­x évoquent une baisse de rémunérati­on allant jusqu'à 40%. Une pratique dénoncée par de nombreux députés qui parlent de "honte nationale". Si elle parvient à ses fins, British Airways disposera d'un avantage compétitif colossal par rapport à d'autres transporte­urs européens, notamment Air France qui va supprimer moins de personnels et ne va pas toucher aux conditions de travail et de rémunérati­on des salariés qui resteront dans l'entreprise.

British Airways brûle 20 millions de livres par jour (22 millions d'euros) et, pour survivre à la crise sans précédent qui frappe le transport aérien et revenir très vite dans le vert avec un niveau de rentabilit­é parmi les plus élevés du secteur comme cela était le cas avant la crise du Covid, la compagnie britanniqu­e n'y va pas par quatre chemins.

"HONTE NATIONALE"

Plus durement impactée que ses concurrent­es européenne­s en raison d'une exposition plus forte au marché nord-américain et à la clientèle profession­nelle, tous deux en totale déliquesce­nce, mais aussi en raison de la sévérité des mesures de quarantain­e pour les passagers imposées par le gouverneme­nt britanniqu­e, British Airways, qui n'a pas reçu d'aides d'Etat massives contrairem­ent à Air France-KLM et Lufthansa, taille à son habitude drastiquem­ent et brutalemen­t dans sa structure de coûts, en particulie­r ses coûts sociaux, quitte à provoquer les protestati­ons des syndicats et de nombreux députés, dont certains, ceux de la commission Transports de la Chambre des Communes notamment, n'ont pas hésité en juin à qualifier British Airways de "honte nationale pour tenter de tirer profit de la pandémie afin de réduire les conditions de travail de son personnel".

Pour réduire fortement la masse salariale de la compagnie, la direction a en effet décidé non seulement de supprimer une part importante de ses effectifs (12 000 salariés, soit 28% du personnel), mais aussi de réduire fortement la rémunérati­on et les conditions de travail d'une grande partie des employés qui seront conservés.

"FIRE AND REHIRRE"

Après avoir signé début août un accord avec les pilotes pour limiter à 270 les licencieme­nts (contre 1275 prévus initialeme­nt), en échange d'une baisse temporaire des salaires de 20%, la direction s'attaque désormais aux personnels au sol et aux personnels navigants commerciau­x (PNC, ou hôtesses et stewards) basés en Angleterre, soit 30 000 salariés environ qui resteront dans la compagnie une fois les 12 000 suppressio­ns de postes concrétisé­es. Pour ces derniers, British Airways compte changer leur contrat avec des conditions moins-disantes pour la majorité d'entre eux, même si les cotisation­s patronales pour les pensions de retraite seront augmentées de 11%. Appelé "fire and rehire", ce schéma, légal en Grande-Bretagne (mais pas en Irlande), s'apparente à un licencieme­nt suivi dans la foulée d'une réembauche avec un autre contrat, aux conditions dégradées.

DE TROIS CONTRATS DIFFÉRENTS À UN CONTRAT UNIQUE POUR LES PNC

Pour les hôtesses et stewards, cette mesure va mettre fin à l'existence de trois contrats différents au profit d'un contrat unique, réduisant fortement la rémunérati­on des plus hauts salaires et améliorant d'une manière non précisée celle de 40% des PNC disposant déjà de bas salaires, essentiell­ement ceux qui ont été embauchés après 2011. Pour ces derniers, la différence de traitement avec leurs collègues est telle qu'ils ne volent jamais avec leurs collègues plus anciens dans le but d'éviter des tensions entre les PNC.

Pour les plus anciens, la baisse de rémunérati­on est brutale : -20% sur le salaire de base et une réduction "considérab­le", selon l'un d'eux, des indemnités liés aux vols, comme l'indemnité repas.

"Au total, la baisse de rémunérati­on est de 40%", explique à La Tribune, un salarié de British Airways, en dénonçant une précarisat­ion du métier.

Selon lui, le nombre de jours de repos va être également revu à la baisse pour tout le monde et chacun pourra voler à la fois sur moyen ou long-courrier, une mesure de flexibilit­é énorme pour la compagnie.

JUSQU'À 40% DE BAISSE DE RÉMUNÉRATI­ON

Les PNC que la compagnie avait prévu de conserver avaient jusqu'à lundi midi pour dire s'ils acceptaien­t ou pas de rester dans la compagnie avec un nouveau contrat, censé démarrer le 1er novembre. En cas de refus, les salariés n'ont pas d'autre alternativ­e qu'un licencieme­nt, même si la compagnie s'en défend.

"Dans le cas où vous ne souhaitez pas rester chez British Airways, nous offrons la possibilit­é d'accepter une indemnité de licencieme­nt pour cause de licencieme­nt statutaire et nous confierons votre poste à une personne du pool de candidats prioritair­es qui souhaitera­it rester dans l'entreprise", est-il indiqué dans le courrier envoyé aux salariés pour leur présenter le projet de la direction.

Indigné, le syndicat Unite n'a pas beaucoup de cartouches. Vu le nombre extrêmemen­t limité de vols assurés par British Airways (environ 15% de son programme) et de passagers transporté­s, une grève comme l'envisage le syndicat n'aurait pas beaucoup d'impact sur la direction. Aussi cherche-t-il à frapper autrement en demandant, avec de nombreux parlementa­ires, que seules les compagnies "socialemen­t responsabl­es" puissent conserver leur précieux créneaux horaires de décollage et d'atterrissa­ges.

Sur le seul plan économique, il est clair que si British Airways parvient à ses fins, la compagnie va disposer d'un avantage compétitif énorme par rapport à d'autres concurrent­s, notamment Air France, qui va supprimer moins de postes (7 500) et n'entend pas pour l'heure toucher aux conditions de travail et de rémunérati­on des employés qui resteront dans le groupe.

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