La Tribune

OENOTOURIS­ME : "LES VIGNES DE CHAMPAGNE ET D'ALSACE, D'EXTRAORDIN­AIRES LEVIERS D'ATTRACTIVI­TE"

- OLIVIER MIRGUET A STRASBOURG

SÉRIE D’ÉTÉ – GRAND EST. (1/4). De l'Alsace à la Champagne, à la recherche d'un nouveau tourisme. L’image du Grand Est a été affectée par la multiplica­tion des foyers de contaminat­ion durant la crise sanitaire. Pour redorer son blason, la région pourrait abandonner le tourisme de masse pour se concentrer sur des activités plus exclusives. La découverte du vignoble figure parmi ces priorités détaillées par Olivier Midière, directeur général de l’agence régionale du tourisme du Grand Est.

LA TRIBUNE - L'agence régionale du tourisme a mis en place sa cellule de crise, baptisée « Strong Together », pour répondre au recul de sa fréquentat­ion touristiqu­e. En avril, celle-ci a chuté de 73 % dans les sites de la région. Quelle sera votre stratégie pour sortir de cette crise ?

OLIVIER MIDIÈRE - Il n'y a pas de stratégie de sortie de crise. L'enjeu consiste à savoir comment nous allons nous relancer dans une crise qui va devenir permanente. Notre tourisme ne sera plus jamais le même dans le Grand Est. Le tourisme a besoin de visibilité, et c'est l'un de ses principes fondateurs qui est remis en cause. L'effondreme­nt des marchés de masse va avoir d'énormes conséquenc­es, avec un rejet définitif du surtourism­e. Avant la crise sanitaire de la Covid-19, nous étions déjà arrivés à un niveau d'exaspérati­on, notamment à Colmar avec des groupes de Chinois qui n'étaient plus acceptés par la population. Nous étions engagés dans une stratégie offensive sur des marchés lointains, en Asie ou aux États-Unis. Cette demande va baisser continuell­ement. Nous revenons sur nos marchés de proximité : Grand Est, Benelux, Allemagne, Suisse et un peu d'Italie. Ceux qui font une belle saison en 2020 ont toujours travaillé avec une clientèle de proximité.

L'Alsace a bâti sa réputation sur les marchés de Noël, des manifestat­ions saisonnièr­es avec un fort impact sur la fréquentat­ion. Ont-ils encore un avenir ?

Les marchés de Noël ne seront plus jamais les mêmes. Ils sont un produit phare en Alsace et ils se sont répandus en Lorraine et en Champagne. C'est un produit attractif qui n'a plus besoin de promotion. Depuis les attentats en décembre 2017, la mairie de Strasbourg a déjà reconsidér­é la façon dont il fallait aborder la sécurité. On ne sait même pas si les marchés de Noël pourront se tenir cet hiver. La décision ne nous sera pas donnée avant la fin du mois d'octobre. Mais il ne faut pas s'alarmer inutilemen­t. Certains hôteliers ont prétendu qu'ils faisaient leur année en décembre. C'est faux. On peut atteindre 85 à 90 % de taux d'occupation au mois d'août. Dans les Vosges, les hôtels font le plein en janvier et février.

L'effondreme­nt des marchés de masse va avoir d'énormes conséquenc­es, avec un rejet définitif du surtourism­e.

Que proposez-vous pour conforter les industries touristiqu­es dans le Grand Est ?

Nous orientons notre stratégie vers le « smart tourisme » durable et responsabl­e. Il est indispensa­ble de renforcer la résilience des entreprise­s de tourisme, de les accompagne­r vers le digital, de veiller à la solidité de leurs fonds propres. Nous y travaillon­s avec la Banque des territoire­s et des pools de banques privées. Nous allons mettre en place un « Club croissance », qui regroupera les fleurons du territoire. Je pense à une centaine de pépites telles que les parcs d'attraction­s, et à des grands sites comme le Haut-Koenigsbou­rg ou le lac de Madine.

Ces sites à fort potentiel pourront-ils encore accueillir des milliers de visiteurs ?

S'il veut garder son million de visiteurs annuels, le château du Haut-Koenigsbou­rg va devoir inclure de la réalité virtuelle dans son offre, parce que les précaution­s sanitaires ne permettent plus aux touristes de se croiser dans des escaliers étroits ! La digitalisa­tion est une réponse à la crise actuelle. Il faut personnali­ser davantage les offres. Nous allons développer l'internet des objets à la faveur de nouvelles prestation­s d'itinérance, la randonnée, le fluvial, le vélo, pour augmenter la consommati­on de services et de produits touristiqu­es. Les seniors vont devenir la cible et la locomotive de ce nouveau marché où tout va coûter beaucoup plus cher.

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Parmi les atouts du tourisme dans le Grand Est, il y a les vignobles en Champagne et en Alsace. Quelle est leur place dans votre stratégie ?

L'oenotouris­me sera la colonne vertébrale de notre nouvelle promotion. Avec les vignes de Champagne et d'Alsace, nous bénéficion­s d'extraordin­aires leviers d'attractivi­té. Les vignerons indépendan­ts ont réussi à mettre en place des offres de "viticulteu­r d'un jour" ou de "pique-nique chez le vigneron", avec une centaine de milliers de visiteurs en 2019. La nature et l'aventure sont deux autres filières qui vont fortement progresser. Le Grand Est compte six parcs naturels. On peut aussi développer le tourisme autour de la filière luxe, avec le champagne, les cristaller­ies, les faïencerie­s, Bugatti. Nous comptons aussi sur la filière du thermalism­e, avec deux pôles importants à Vittel (Vosges) et à Amnéville (Moselle). Dans le tourisme d'affaires, malheureus­ement, il y aura des perdants, dont les traiteurs, parce que l'activité va reprendre très difficilem­ent.

Quels sont vos objectifs chiffrés ?

Le tourisme dans le Grand Est représente une vingtaine de millions de visiteurs par an. Nous sommes la septième ou huitième destinatio­n nationale, selon l'agence Atout France. L'objectif va consister à nous hisser dans le top 3, d'ici cinq à six ans. Nous y travaillon­s déjà avec notre projet de plateforme régionale de commercial­isation, qui aura vocation à devenir une vraie place de marché.

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