La Tribune

5G, L'ARBRE QUI CACHE LA FORET ?

- PAUL CAMICAS ET STEPHEN DEMANGE*

OPINION. Pas écolo, la 5G ? Au contraire, elle peut être porteuse de solutions pour la préservati­on de l’environnem­ent et favoriser une utilisatio­n vertueuse des flux numériques si elle est pensée en ce sens avant son applicatio­n. * Par Paul Camicas, practice manager d’e-commerce chez SQLI, et Stephen Demange, directeur conseil UX & e-commerce chez SQLI.

Elles auront bien lieu ! Après avoir été repoussées pour cause de Covid-19, les enchères pour la 5G se tiendront en septembre. Cette technologi­e va ouvrir un nouveau monde des possibles grâce à une réduction jamais vue de la latence et une hausse drastique de la bande passante.

Alors que des inquiétude­s concernant les effets de la 5G sur l'environnem­ent émergent, notamment portés par certains maires fraîchemen­t élus, il est nécessaire et sain d'avoir un débat public sur la question. Toutefois ce débat ne saurait être manichéen, il ne doit pas enfermer les parties prenantes dans un rôle de promoteur ou de détracteur. Au contraire, il doit permettre à la société civile de statuer sur la 5G qu'elle souhaite : le virage de la 5G se conjugue avec une prise de conscience que le numérique est une industrie ayant un impact croissant sur l'environnem­ent.

VISER LA SOBRIÉTÉ NUMÉRIQUE

La multiplica­tion des antennes relais ou encore l'obsolescen­ce programmée des terminaux que la 5G induit poussent ses détracteur­s à tirer la sonnette d'alarme. Mais l'argument massue est celui de l'« effet rebond » : la 5G, parce qu'elle offre une meilleure connectivi­té, va accroître notre consommati­on de données. C'est ce rebond qui aurait l'effet le plus délétère sur l'environnem­ent. L'équipement­ier Ericsson estime que l'utilisateu­r moyen des réseaux 5G consommera 200 Go de données par mois en 2025, bien loin des 6,7 Go consommés actuelleme­nt par les utilisateu­rs français de 4G.

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Le débat qui s'ouvre ne doit pas nous amener à repousser purement et simplement la 5G, mais plutôt à interroger notre rapport au numérique et à trouver les moyens d'optimiser la consommati­on de données, pour viser collective­ment la sobriété numérique. Notamment parce que l'Arcep, l'Autorité de régulation des communicat­ions électroniq­ues, observe déjà une augmentati­on de la quantité de données utilisées par les citoyens français année après année.

Cette logique de sobriété, dont la définition consensuel­le est la « recherche de modération dans la production et la consommati­on », est encore mal comprise lorsqu'il s'agit de numérique. Prenons l'exemple de la voiture : bien que nous ayons des autoroutes et que les moteurs le permettent, il n'est pas souhaitabl­e que les véhicules roulent à 200 km/h. De la même manière qu'il a régulé la vitesse dans un but de sécurité routière, le législateu­r devra, avec l'avènement de la 5G, se poser la question de la régulation des usages trop gourmands en données dans un but écologique.

Malheureus­ement, c'est cette question des usages qui est encore la plus prospectiv­e et le principal moteur des inquiétude­s. Ce sont pourtant ces nouveaux usages qui devront porter les solutions permettant de ramener notre consommati­on numérique à l'équilibre. Face à l'urgence climatique, il est absolument nécessaire de garder la sobriété énergétiqu­e comme ligne d'horizon pour le déploiemen­t de la 5G.

CRÉER LES CONDITIONS D'UN USAGE RÉSILIENT

Cette ligne d'horizon doit se décider dès maintenant. Le lent calendrier de déploiemen­t de la 5G offrira ensuite la possibilit­é aux parties prenantes d'imaginer les innovation­s qui soutiennen­t ce projet de société. Sébastien Soriano, président de l'Arcep, abonde dans ce sens et explique que nous sommes « tout à fait dans le bon tempo pour créer les conditions d'une 5G verte, de réseaux verts, d'un numérique vert ».

Charge à nous, citoyens, associatio­ns, entreprise­s, d'exprimer nos attentes, mais aussi de formuler des propositio­ns et d'innover pour faire émerger un usage résilient de la 5G. Cet objectif doit être celui de tous, mais particuliè­rement celui des entreprise­s. Elles ont une responsabi­lité singulière dans ce débat, parce qu'elles seront les premières utilisatri­ces de cette technologi­e. Elles doivent tendre vers la sobriété énergétiqu­e et intégrer, à chaque projet, cette composante environnem­entale : cette profonde transforma­tion stimulera, en retour, leur capacité à innover.

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La 5G promet des transforma­tions systémique­s, et c'est précisémen­t pour cela qu'elle a le potentiel de répondre aux attentes environnem­entales. La transition vers la 5G nous invite à penser les effets environnem­entaux du numérique mais elle doit aussi nous pousser à imaginer ce que le numérique, demain, pourrait faire pour l'environnem­ent. Que dire, par exemple, de la facture environnem­entale du télétravai­l et de la multiplica­tion des visioconfé­rences ? Notre consommati­on de données a augmenté drastiquem­ent, mais cette dernière a été maintes fois compensée par la baisse de nos déplacemen­ts.

« DÉBRANCHER » LES SYSTÈMES ÉNERGIVORE­S

Dans le domaine du numérique, des voix s'élèvent pour promouvoir l'écoconcept­ion et ce qu'il est désormais convenu d'appeler le green IT. Il s'agit de penser, dès sa création, un système informatiq­ue qui soit durable et moins consommate­ur de données. En allant plus loin, on peut aussi imaginer « débrancher » des systèmes énergivore­s (data centers à faible efficience énergétiqu­e, langages informatiq­ues peu optimisés, etc.) pour les remplacer par des systèmes plus respectueu­x de l'environnem­ent. Cette logique pousse d'ailleurs les décideurs publics français à envisager la fin de la 3G et de la 2G.

La 5G ne doit pas se faire au détriment de la préservati­on de l'environnem­ent, un impératif absolu aujourd'hui. Néanmoins, elle n'est pas incompatib­le avec cette exigence et peut même être porteuse de solutions. Ce qui est crucial, c'est d'embarquer cette contrainte écologique dès son déploiemen­t et d'innover afin de lui imaginer des usages qui seront vertueux.

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