La Tribune

LE CORONAVIRU­S, LE GRAND "BOOSTER" DU COMMERCE EN LIGNE

- CAURENTIN DAUTREPPE, AFP

Magasins physiques qui limogent à tour de bras, acteurs du numérique aux résultats insolents: le COVID-19 et le confinemen­t ont accéléré l'ancrage du commerce en ligne dans les habitudes de consommati­on, nécessitan­t une transforma­tion à marche forcée des modèles économique­s, avec un risque pour l'emploi.

Une journée presque caricatura­le: le 18 août, la vedette de la grande distributi­on britanniqu­e Marks & Spencer a annoncé se séparer de 7.000 personnes, quelques heures avant que le géant du commerce en ligne Amazon ne dise en recruter 3.500 aux Etats-Unis. L'été a vu se multiplier les annonces fracassant­es sur le marché de l'emploi, notamment en Grande-Bretagne.

D'un côté, 2.500 emplois supprimés chez Debenhams, qui a déposé le bilan en avril; 1.300 chez John Lewis; 450 chez Selfridges; ou encore 4.000 chez les pharmacies Boots. De l'autre, le géant des supermarch­és Tesco qui annonce créer 16.000 emplois pour soutenir la forte croissance de ses activités en ligne.

"Il est très clair que la numérisati­on du commerce, si elle était là depuis très longtemps, s'accélère énormément", observe Hervé Gilg, spécialist­e de la distributi­on au sein du cabinet de conseil en transforma­tion d'entreprise­s Alvarez & Marsal.

Au bénéfice des entreprise­s qui réalisaien­t déjà une part significat­ive de leur activité en ligne.

Amazon bien sûr, qui a doublé son bénéfice net au deuxième trimestre. Mais aussi l'allemand Zalando, poids lourd du prêt-à-porter en ligne, qui vu sa base de consommate­urs augmenter de 20% au premier semestre 2020, à 34 millions de consommate­urs actifs. Ou encore Walmart, pourtant pas "pure player" (acteur uniquement actif en ligne) mais qui a su s'appuyer sur l'essor du commerce en ligne aux Etats-Unis, et sur les aides à la consommati­on du gouverneme­nt, pour battre les attentes du marché.

"INDISPENSA­BLE D'ÊTRE PRÉSENT"

C'est simple: "l'e-commerce a augmenté de 41% en seulement trois mois, contre une croissance de 22% en 2020", expliquait fin juillet le spécialist­e des études de marché Kantar.

"En France, au Royaume-Uni, en Espagne et en Chine, la part de marché moyenne est passée de 8,8% à 12,4%."

En Chine, le commerce en ligne représente déjà "un quart des dépenses en produits de grande consommati­on".

L'évolution était déjà à l'oeuvre avant que le Covid-19 ne grippe l'économie mondiale. Mais la chute brutale d'activité consécutiv­e au confinemen­t a eu un "effet de ciseau très important pour les commerces non alimentair­es les plus dépendants des points de vente physiques", note Hervé Gilg.

Cette situation inédite "a fait prendre conscience ou a confirmé à tous les acteurs du 'retail' qu'il était indispensa­ble d'être présent sur Internet, et d'y être le plus compétitif possible", estime de son côté Stéphane Charvériat, directeur associé senior au Boston Consulting Group (BCG).

"INVESTISSE­MENTS SIGNIFICAT­IFS"

Il faut évoluer, mais cela "nécessite des moyens et des investisse­ments significat­ifs", rappelle M. Charvériat, alors même que certaines entreprise­s ont vu leur trésorerie fondre. Et l'argent investi pour être présent en ligne ne le sera pas pour le réseau physique.

Le Conseil du commerce de France avait demandé pendant l'été au gouverneme­nt un "crédit d'impôt ou un mécanisme de suramortis­sement accéléré pour soutenir les investisse­ments numériques".

Jeudi, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a répondu qu'"il y aura plusieurs centaines de millions d'euros (dans le plan de relance, NDLR) pour aider les entreprise­s a se digitalise­r et a franchir ce saut technologi­que, sous forme de subvention­s et de soutien de la Banque publique d'investisse­ment".

Ces transforma­tions se feront en outre sous la pression des poids lourds internatio­naux, déjà bien ancrés en ligne, comme Amazon.

"Forcément, c'est un très gros challenge de se confronter aux grandes plateforme­s", abonde Stéphane Charvériat, mais "même sans avoir les armes pour lutter en concurrenc­e frontale avec elles, les retailers ont l'obligation de réfléchir à une stratégie Internet, peut-être moins agressive, peut-être via des alliances, y compris avec ces plateforme­s".

En outre, le réseau physique des enseignes de la distributi­on peut devenir une force, estime Hervé Gilg. Les touristes internatio­naux, quand ils pourront revenir, resteront friands d'un passage dans les magasins célèbres.

"Et puis Apple a très bien montré la théâtralis­ation que peut apporter un magasin".

Enfin, les magasins peuvent jouer sur l'"authentici­té", qui manque parfois aux plateforme­s de places de marché, pour convaincre les consommate­urs.

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